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Déflation: Le syndrome de la panne au Japon! Par Mish

Déflation: Le syndrome de la panne au Japon! Par Mish

Récemment, un quotidien britannique a laissé tomber une petite bombe sur le Japon: le plus sérieusement du monde, études à l’appui, The Guardian avance dans un reportage que les jeunes de ce pays ont perdu leur appétit sexuel et préfèrent le célibat – cause principale du vieillissement accéléré de la population.

Un phénomène surnommé «syndrome du célibat», ou «sekkusu shina shokogun».

Un chroniqueur du Washington Post en a rajouté une couche en parlant d’une «bombe à retardement»: comme les Japonais n’aiment plus le sexe, ils n’ont plus d’enfant. Leur économie va donc s’écrouler, avance-t-il. Et ils seront alors incapables de rembourser leur colossale dette publique… causant une apocalypse économique planétaire!

Évidemment, ces savantes analyses ont provoqué un tsunami de plaintes au Japon. Un journaliste du New York Times et des médias français s’en sont mêlés en critiquant leurs collègues et leurs étonnantes théories socio-économiques. Bref, un débat plutôt embarrassant est lancé au moment où Tokyo répète depuis des mois que le Japon – et ses jeunes – ont retrouvé leur «vigueur des beaux jours»… du moins sur le plan économique.

La jeunesse asexuée du Japon

Voici certains points intéressants concernant certaines attitudes et caractéristiques démographiques japonaises reportés par Abigail Haworth dans cet article écrit pour le Guardian : Why have young people in Japan stopped having sex?

Un sondage mené cette année par l’association Japonaise du planning familial a déterminé que 45% des femmes âgées de 16 à 24 ans n’ont aucun intérêt pour le contact sexuel. Plus d’un quart des hommes interrogés partagent cette opinion.

La population Japonaise, qui s’élève à 126 millions de personnes, n’a cessé de diminuer au cours de ces dix dernières années. Elle devrait diminuer d’un tiers d’ici à 2060.

Un sondage mené en 2011 a déterminé que 61% des hommes non mariés et 49% des femmes non-mariées âgés de 18 à 24 ans ne sont pas en couple.

L’année 2012 marque le nombre de naissances le plus faible jamais recensé.

Parmi les 13 millions de personnes non mariées au Japon qui vivent encore chez leurs parents, environ trois millions ont plus de 35 ans.

Les femmes mariées et salariées sont souvent démonisées et surnommées oniyome, ou ‘femmes du diable’. L’Institut Japonais de la Population et de la Sécurité Sociale rapporte que 90% des femmes pensent que rester célibataire est préférable à l’idée qu’elles se font du mariage.

Penchons-nous sur l’article lui-même pour obtenir plus de commentaires intéressants:

Ai Aoyama est une conseillère en relations amoureuses qui travaille depuis sa petite maison de trois étages de Tokyo. A 52 ans, elle tente de trouver une solution à ce que l’on appelle chez elle sekkusu shinai shokogun, ou ‘syndrome du célibat’. Les Japonais de moins de 40 ans semblent perdre tout intérêt pour les relations amoureuses. Des millions d’entre eux n’essaient pas de rencontrer quelqu’un, et de plus en plus nombreux sont ceux qui ne sont même pas intéressés par le sexe.

Les Japonais de moins de 40 ans ne remplissent pas leur devoir qu’est celui de se reproduire, comme l’ont fait les générations d’avant-guerre. Le pays traverse actuellement une transition majeure après 20 ans de stagnation économique. Il se bat également contre les effets psychologiques qu’a laissés derrière elle la catastrophe nucléaire de 2011. Impossible de revenir en arrière. ‘Les hommes, comme les femmes, me disent que l’amour ne sert à rien. Ils ne pensent pas qu’il puisse les mener où que ce soit. Les relations amoureuses sont devenues trop complexes’.

Le monde corporatiste Japonais ne permet que très difficilement aux femmes de combiner une carrière et une vie de famille, alors qu’avoir des enfants coûte trop cher pour que l’un des parents se permette de ne pas travailler. La cohabitation et les naissances hors mariage sont encore rares au Japon et font l’objet de la désapprobation bureaucratique.

Selon Aoyama, les sexes, notamment dans les villes géantes du Japon, s’éloignent l’un de l’autre. En l’absence d’objectifs communs, nombreux sont ceux qui se tournent vers ce qu’elle appelle l’amour Pot Noodle – qui offre une gratification immédiate, du sexe sans attaches, des aventures de court terme et autres usual suspects technologiques : pornographie, petites amies virtuelles, animés… D’autres se contentent simplement de remplacer le sexe et l’amour par d’autres passe-temps urbains.

Certains des clients d’Aoyama font partie de la minorité de personnes qui ont mené leur retrait social jusqu’à l’extrême. Ils sont d’anciens hikikomori (reclus) qui tentent à nouveau d’intégrer le monde extérieur, des otaku (geeks), ou des parasaito shingurus (célibataires parasites) qui ont atteint le milieu de la trentaine et n’ont toujours pas quitté le domicile familial. Parmi les 13 millions de personnes non mariées au Japon qui vivent encore chez leurs parents, environ trois millions ont plus de 35 ans. ‘Beaucoup de personnes n’ont aucune relation avec le sexe opposé. Certaines se tendent quand je les touche. La plupart d’entre elles sont des hommes, mais je commence à voir de plus en plus de femmes dans le même cas’.

Aoyama cite le cas d’un homme, un vierge d’une trentaine d’années, qui ne peut avoir de désir sexuel que s’il regarde les femmes robots d’un jeu similaire à Power Rangers.

‘Le mariage est la tombe d’une femme’, comme le veut un vieux slogan Japonais en référence aux femmes délaissées par leur mari en faveur de maîtresses. Pour les femmes Japonaises d’aujourd’hui, le mariage est la tombe de leur carrière.

J’ai rencontré samedi matin Eri Tomita, 32 ans, à l’occasion d’un café à Ebisu, le district branché de Tokyo. Tomita a un travail qu’elle adore au département des ressources humaines d’une banque française. Elle parle le français couramment, a deux diplômes d’université, et évite toute sorte de relation sentimentale pour pouvoir se concentrer pleinement sur son travail. ‘Mon petit-ami m’a demandée en mariage il y a trois ans. J’ai refusé son offre lorsque j’ai réalisé que je lui préférais mon travail. Après ça, j’ai perdu mon intérêt pour les nouvelles rencontres. Et aujourd’hui, quand se pose la question du futur, l’atmosphère devient toujours un peu gênante’.

Le premier ministre Shinzo parlait récemment d’accroître la participation des femmes à l’économie en améliorant les services de gardes d’enfant, mais selon Tomita, la situation devra beaucoup changer pour qu’elle décide de devenir une mère qui travaille. ‘J’aime ma vie, je sors avec mes copines – qui ont des carrières comme la mienne – je vais dans des restaurants français et italiens. Je m’achète des vêtements à la mode et je vais en vacances. J’aime mon indépendance’.

L’engagement romantique a tout d’un fardeau, depuis le prix exorbitant des maisons au Japon jusqu’aux attentes incertaines d’un conjoint et d’une belle famille. La tradition veut que le mariage serve à faire des enfants. L’Institut Japonais de la Population et de la Sécurité Sociale a rapporté que 90% des femmes pensent que rester célibataire est préférable à l’idée qu’elles se font du mariage.

Et le sens de l’obligation affecte tout autant les hommes. Satoru Kishino, 31 ans, fait partie des hommes de moins de 40 ans engagés dans une rébellion passive contre l’idée traditionnelle de la masculinité.

‘C’est trop de problèmes’, m’explique Kishino quand je lui demande pourquoi il n’a pas de petite amie. ‘Je n’ai pas un salaire suffisant pour sortir avec des filles, et je n’ai pas envie de risquer qu’une femme pense que ça puisse aller jusqu’au mariage’.

Roland Kelts, un auteur Américani-Japonais qui écrit beaucoup sur la jeunesse Japonaise, explique que dans le futur, les relations entre les jeunes Japonais auront beaucoup à voir avec la technologie. ‘Le Japon s’est construit un monde virtuel et des systèmes de télécommunication incroyablement sophistiqués. Ses applications pour smartphones sont les plus imaginatives du monde’. Selon Kelts, le besoin que ressentent les Japonais de se retirer dans des mondes virtuels est la conséquence directe d’une nation surpeuplée dans laquelle l’espace personnel est limité. Il pense aussi que le reste du monde n’est pas loin derrière.

L’extrait que je viens de vous donner est assez long, mais il nous en apprend beaucoup.

Combattre les comportements démographiques

Ceux qui se demandent pourquoi le premier ministre Abe a tant de difficulté à stimuler l’inflation peuvent cesser de se poser des questions. Avant que le comportement ne change vis-à-vis des naissances, des emplois et des relations amoureuses, Abe continuera de rencontrer des difficultés.  Abe cherche à stimuler l’inflation, mais il y a de fortes chances que cela encourage l’épargne plutôt que les dépenses.

Le Japon a certes aligné un quatrième trimestre de croissance d’affilée, mais, grosse douche froide, le rythme vient de chuter de moitié. De juillet à septembre, le produit intérieur brut (PIB) du Japon a crû de 0,5%, soit une hausse de 1,9% en rythme annuel qui est deux fois moindre que celle du trimestre précédent.

 Les gros problèmes: consommation en berne, manque de désir d’investir de la part des entreprises et panne du commerce extérieur. Bref, il faut bien l’admettre, le pays du Soleil levant n’a pas une économie très fertile ces temps-ci.

Japan trade balance with EU 

Cible ratée pour les trois flèches?

L’effet des «Abenomics» et les fameuses trois «flèches» tirées par le premier ministre, Shinzo Abe, pour soutenir l’économie japonaise – politique monétaire accommodante, hausse des dépenses publiques, promesses de réformes structurelles – semble s’atténuer. Les dépenses des ménages, un moteur essentiel de l’archipel, n’ont augmenté que de 0,1% au troisième trimestre, contre  » 0,6% au deuxième et  » 0,8% au premier. «C’est la consommation qui a servi de locomotive», rappelle la firme Daiwa Securities.

En outre, le programme de grands travaux, enclenché par Tokyo en février à coups de milliards de dollars, avait bien fonctionné lui aussi au départ. Si bien que ces investissements ont porté une large part de la croissance au printemps. Mais cet effet semble également se dissiper. Même la baisse de 20% du yen par rapport au dollar américain cette année a peu d’impact sur les exportations, qui s’essoufflent (elles ont baissé de 0,6% en valeur au dernier trimestre).

  

Le temps presse, car les entreprises japonaises ont reporté les embauches et leurs investissements en attendant des résultats.

 

 Shinzo Abe n’a pas épuisé toutes ses munitions. Son gouvernement ira de l’avant, en avril, avec une hausse de la taxe sur la consommation afin de se dégager des revenus additionnels pour l’État le plus endetté du monde. Cette «TVA» passera de 5 à 8%, et les commerçants tablent, d’ici là, sur un afflux de clients aux caisses.

Une aventure sans lendemain, les «Abenomics» ?

Compte tenu des pensions Japonaises liées à des obligations qui ne valent rien, une hausse des taxes et des prix des biens à la consommation ne fera que diminuer la demande des retraités.

  • Etats-Unis

Aux Etats-Unis, l’endettement des étudiants rend difficile la formation de familles. Des millions de jeunes adultes rentrent chez leurs parents parce qu’ils ne trouvent pas d’emploi.

  • Allemagne

En Allemagne, la garde d’enfants gratuite n’est pas suffisante pour répondre à la chute du taux de naissances. L’Allemagne a l’un des taux de naissances les plus faibles d’Europe. Il a continué de chuter entre 2001 et 2011 malgré les efforts d’Angela Merkel de promouvoir l’aide aux familles.

  • Les attitudes en général

Voici quelques raisons pour lesquelles il y a moins d’enfants aujourd’hui : il n’y a pas assez d’emplois, les diplômés sont endettés, les parents sont de plus en plus vieux, les maisons coûtent trop cher, les catastrophes naturelles se multiplient, il y a des déchets nucléaires partout…

  • Certaines de ces raisons sont universelles, d’autres sont plus localisées.

L’inflation monétaire fait grimper le prix des actifs mais cela n’aide pas ceux qui sortent de l’école sans aucun actif. La hausse du prix de l’immobilier aide les banques en difficulté, mais nuit à ceux qui cherchent à devenir propriétaires pour la première fois.

L’argent facile bénéficie à ceux qui ont accès à la monnaie en premier : les banques et les riches. Elle nuit à tous les autres.

  • La spirale des sentiments

A mesure que se développe l’inégalité salariale, des sentiments amers se développent. A mesure que des robots remplacent des employés, des sentiments amers se développent. A mesure que les taxes augmentent, des sentiments amers se développent. A mesure que les politiciens se battent en duel, des sentiments amers se développent.

Tout n’est que question de sentiments. Malheureusement, les banquiers centraux et les politiciens ne font qu’aggraver la situation. Très peu s’en rendent compte aujourd’hui, mais attendez que la bulle éclate.

Par Mish Global Economic Analysis Publié le 15 novembre 2013

http://www.24hgold.com/francais/actualite-or-argent-la-jeunesse-asexuee-du-japon.aspx?article=4604495430G10020&redirect=false&contributor=Mish.

1 réponse »

  1. Avec les trilliards de dettes que nous leur laisserions et qu’ ils auraient a rembourser… le fait de ne pas se reproduire releve de l’ instinct de survie !

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