1984

Tittytainment à la française : La RSE ou la mise sous allaitement du monde

La RSE ou la mise sous allaitement du monde

Un Pacte avec le capitalisme

Le Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises (PACTE) voulu par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, ambitionne de conduire les entreprises à tenir compte des besoins d’un territoire, un projet de co-développement près de chez vous en quelque sorte. La loi a été votée en première lecture à l’Assemblée Nationale le 9 octobre, elle est débattue au Sénat depuis le 30 janvier. Elle comprend la modification des articles 1833 et 1835 du Code civil. Un alinéa prévoyant qu’une entreprise devra prendre en considération « les enjeux sociaux et environnementaux de son activité » sera ajouté.

Ainsi, se développe dans les grands groupes l’engagement salarié : l’employeur donne du temps à son salarié qui s’investit dans l’économie sociale et solidaire. En échange, l’entreprise gagne des points de réputation. Une étude Deloitte pour le forum économique mondial rapporte que la réputation impacte à hauteur de 25 % la valeur immatérielle des entreprises. Voilà bien une façon de monétiser et donc de spéculer sur ce qui par nature échappait à l’évaluation. Une économie se crée ainsi et le business de la charité permet de faire de belles carrières.

La domestication du peuple

Cette loi pacte fait immédiatement penser à l’analyse de Natacha Polony dans Bienvenue dans le pire des mondes. En 1995, à San Francisco, le think tank du State of the World Forum réunit les « élites planétaires » – Bush, Thatcher, Gorbatchev, Gates, Turner… – pour trouver des solutions aux défis globaux. Il en ressort une vision des 80/20 et le concept de tittytainment : seuls 20 % de la population participeront à la création de richesses et 80 % devront accepter le divertissement permanent (entertainment) et les titts (seins, c’est-à-dire l’allaitement).

Parce qu’ils n’étaient pas « cœur de métier », ceux qui avaient souvent leur métier à cœur se sont retrouvés hors des grands groupes, puis parfois hors de l’économie. Ainsi la financiarisation des entreprises n’a produit que destructions d’emplois par les externalisations, les délocalisations, la précarisation des emplois à chaque nouvel appel d’offres de sous-traitance, l’ubérisation avec le renvoi de la charge de s’employer à l’individu lui-même.

Le capitalisme copie le communisme. On passe de « donne-moi ta montre, je te donnerai l’heure », à « donne-moi ton emploi, je te ferai l’aumône. »

Le capitalisme copie le communisme. On passe de « donne-moi ta montre, je te donnerai l’heure », à « donne-moi ton emploi, je te ferai l’aumône. » La RSE serait donc une façon de dire merci à ceux qui engendrent la misère. On nous a enseigné à l’école la perte de souveraineté des paysans devenant ouvriers, non-propriétaires de leur outil de travail. Désormais, on connaît la perte du mérite. Plus personne ne méritera son traitement, son allaitement. Avec la RSE, le peuple exclu de l’économie aura remisé son gilet jaune et sera domestiqué dans une paix de consommateurs garante de la survie du système capitaliste.

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Du 27 septembre 1995 au 1er octobre 1995, à San Francisco, le grand hôtel Fairmont accueille 500 membres de l’élite mondiale : chefs d’État, hommes politiques, dirigeants d’entreprises multinationales, universitaires, chercheurs, etc.
Cette réunion du Fairmont se déroule dans le cadre de la fondation de Mikhaïl Gorbatchev. Elle a une grande importance historique. Elle fait intervenir George Bush père, George Schultz, Margaret Thatcher, Ted Turner de l’entreprise CNN, John Gage de l’entreprise Sun Microsystems, des dizaines d’autres personnalités de tous les continents … et bien sûr l’incontournable Zbigniew Brzezinski.
Elle a pour thème « l’avenir du travail ».

Lisez cet extrait qui se passe de commentaires :

« L’avenir, les pragmatiques du Fairmont le résument en une fraction et un concept : « Deux dixièmes » et « tittytainment ».
Dans le siècle à venir, deux dixièmes de la population active suffiraient à maintenir l’activité de l’économie mondiale. « On n’aura pas besoin de plus de main d’œuvre », estime le magnat Washington Sycip. Un cinquième des demandeurs d’emploi suffira à produire toutes les marchandises et à fournir les prestations de services de haute valeur que peut s’offrir la société mondiale. Ces deux dixièmes de la population participeront ainsi activement à la vie, aux revenus et à la consommation – dans quelque pays que ce soit. Il est possible que ce chiffre s’élève encore d’un ou deux pour cent, admettent les débatteurs, par exemple en y ajoutant les héritiers fortunés.
Mais pour le reste ? Peut-on envisager que 80 % des personnes souhaitant travailler se retrouvent sans emploi ? « Il est sûr, dit l’auteur américain Jeremy Rifkin, qui a écrit le livre La Fin du travail, que les 80 % restants vont avoir des problèmes considérables. » Le manager de Sun, John Gage, reprend la parole et cite le directeur de son entreprise, Scott McNealy : à l’avenir, dit-il, la question sera « to have lunch or be lunch » : avoir à manger ou être dévoré.

Cet aréopage de haut niveau qui était censé travailler sur « l’avenir du travail » se consacre ensuite exclusivement à ceux qui n’en auront plus. Les participants en sont convaincus : parmi ces innombrables nouveaux chômeurs répartis dans le monde entier, on trouvera des dizaines de millions de personnes qui, jusqu’ici, avaient plus d’accointances avec la vie quotidienne confortable des environs de la baie de San Francisco qu’avec la lutte quotidienne pour la survie à laquelle doivent se livrer les titulaires d’emplois précaires. C’est un nouvel ordre social que l’on dessine au Fairmont, un univers de pays riches sans classe moyenne digne de ce nom – et personne n’y apporte de démenti.

L’expression « tittytainment », proposée par ce vieux grognard de Zbigniew Brzezinski, fait en revanche carrière. Ce natif de Pologne a été quatre années durant conseiller pour la Sécurité nationale auprès du président américain Jimmy Carter. Depuis, il se consacre aux questions géostratégiques. Tittytainment, selon Brzezinski, est une combinaison des mots entertainment et tits, le terme d’argot américain pour désigner les seins. Brzezinski pense moins au sexe, en l’occurrence, qu’au lait qui coule de la poitrine d’une mère qui allaite. Un cocktail de divertissement abrutissant et d’alimentation suffisante permettrait selon lui de maintenir de bonne humeur la population frustrée de la planète. »

(Source : Hans-Peter Martin, Harald Schumann, Le piège de la mondialisation, Solin Actes Sud, page 12)

EN BANDE SON :

1 réponse »

  1. Les saupoudrages nombreux et (a)variés ne résolvent rien, mais n’est-ce pas le « m’a tu vu » qui préside dans l'(in)action publique ?

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