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La France voit sa production d’énergie nucléaire chuter au pire moment possible

La France voit sa production d’énergie nucléaire chuter au pire moment possible

  • La France, leader de l’Union européenne en matière d’énergie nucléaire, connaît une baisse massive de sa production.
  • Bien qu’elle ait été relativement épargnée par la crise énergétique actuelle de l’Union, le déclin de la production nucléaire pourrait poser un problème important dans les mois à venir.
  • L’effondrement de la production d’énergie nucléaire française et la réduction, en représailles, des exportations d’énergie vers l’Europe par Poutine pourraient être désastreux pour le continent.

La France est depuis longtemps l’un des plus grands champions mondiaux de l’énergie nucléaire. La France est en tête de l’Union européenne en matière de production nucléaire, avec les réacteurs les plus productifs de l’Union, et la part de l’énergie nucléaire dans son bouquet énergétique est plus importante que dans tout autre pays du monde. Il est logique que la France soit à l’avant-garde du développement de l’énergie nucléaire, car elle a longtemps été l’enfant modèle de l’énergie nucléaire sûre et fiable dans le monde – jusqu’à présent.

Une série de problèmes inattendus survenus récemment à Électricité de France (EDF), l’opérateur nucléaire public qui représente le plus grand parc nucléaire d’Europe, a fait chuter la production d’énergie nucléaire française à son niveau le plus bas en 30 ans. Près de la moitié de l’énorme parc nucléaire d’EDF a été mis hors service, portant ainsi un coup dur à l’indépendance et à la sécurité énergétiques de l’UE au milieu d’une crise énergétique mondiale.

Ces dernières années, la France est devenue de plus en plus dépendante de l’énergie nucléaire. Le président français Emmanuel Macron a donné un coup de pouce encore plus important à l’énergie nucléaire au cours de son mandat. En effet, en février, avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, il a annoncé un plan de 52 milliards d’euros pour relancer « l’aventure nucléaire » du pays. Il s’est également battu pour que cette source d’énergie sans émissions soit considérée comme un « investissement vert » dans la nomenclature de l’Union européenne, alors que le continent s’apprête à établir son budget pour les énergies vertes pour les années à venir.

L’Union européenne avait espéré que la capacité considérable de la France en matière d’énergie nucléaire serait essentielle pour permettre au bloc de s’éloigner de l’énergie russe, alors que l’Occident tente de renforcer son indépendance énergétique et d’accroître les sanctions à l’encontre du Kremlin en réponse à la guerre russe en Ukraine. En mars de cette année, le Council on Foreign Relations affirmait que l’énergie nucléaire pourrait être la solution pour mettre fin à la dépendance paralysante du continent vis-à-vis de l’énergie russe. Mais aujourd’hui, elle pourrait être la chose même qui rend un tel divorce impossible.

Jusqu’à présent, la France a été relativement à l’abri de la crise énergétique qui frappe ses voisins. Mais aujourd’hui, ce pays, qui dépend du nucléaire, se retrouve soudainement dans le même bateau que d’autres nations européennes à court d’énergie, en raison d’une « série de problèmes de maintenance, notamment la corrosion de certains réacteurs français vieillissants, des difficultés rencontrées par le groupe énergétique public EDF et de l’absence, depuis des années, de nouveaux investissements nucléaires importants », selon le Financial Times. Les problèmes de corrosion, qui sont actuellement à l’origine de 12 des 56 réacteurs français hors service, pourraient prendre des années à être résolus. Pendant ce temps, l’inflation monte en flèche et les factures d’électricité françaises ont atteint des sommets.

« Au lieu de pomper de grandes quantités d’électricité vers la Grande-Bretagne, l’Italie et d’autres pays européens qui pivotent vers le pétrole russe », écrit le New York Times,

« La France est confrontée à la perspective troublante de déclencher des coupures de courant cet hiver et de devoir importer de l’énergie. »

Le timing incroyablement mauvais de la crise d’EDF est aggravé par la récente réduction par Poutine des exportations de gaz naturel vers l’UE, qui a poussé des pays comme l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche et les Pays-Bas à un « retour amer et réticent au charbon ».

L’effondrement simultané de la capacité de production d’énergie nucléaire française et la réduction des exportations d’énergie vers l’Europe décidée par Poutine en guise de représailles sont synonymes de désastre et de tragédie pour les efforts de décarbonisation du continent – et du monde entier. Et même si la France parvient à remettre son parc nucléaire en état de marche relativement rapidement (ce qui est très improbable), il est peu probable que l’UE soit en mesure de poursuivre l’élimination progressive du charbon prévue, car l’Agence internationale de l’énergie prévient que la Russie pourrait bientôt interrompre totalement ses livraisons de gaz naturel à l’Europe. Alors que d’autres pays, dont la Roumanie, renforceront leur propre capacité d’énergie nucléaire dans les mois et les années à venir, il semble que nous soyons sur la bonne voie pour une année record pour le charbon et un recul dévastateur pour les objectifs mondiaux en matière d’émissions.

Traduction d’Oil Price par Aube Digitale

Nucléaire : ces questions piquantes que la France va bien être obligée de finir par se poser

By artofuss 

artofuss.blog

4 min

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POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE

Les prix de l’électricité en France sont les plus importants d’Europe et cela a moins à voir avec la guerre en Ukraine qu’avec les décisions prises sur le nucléaire depuis des décennies, ainsi qu’avec l’extrême précaution appliquée à l’égard de nos centrales.

Alexis QuentinATLANTICO. 30 juin 2022

Atlantico : En France, le prix de l’énergie pour l’hiver prochain est déjà deux fois plus élevé que celui de ses voisins, pourtant nous sommes moins dépendants que d’autres aux gaz et pétroles russes grâce à notre filière nucléaire. Le choix de mettre temporairement à l’arrêt une partie du parc est-il responsable de la situation ?

Alexis Quentin : Ce qui est responsable de la situation, c’est qu’en France, contrairement aux autres pays limitrophes, il n’y a pas ou peu de réserves en termes de production pilotable d’électricité. L’Allemagne par exemple a ses centrales à charbon. Les tranches nucléaires arrêtées le sont pour maintenance ou en raison de la corrosion sous contrainte. Dans les deux cas, l’arrêt est justifié.

A quel point la situation actuelle de notre parc nucléaire est-elle le résultat de mauvais choix politiques mais également d’un manque d’anticipation depuis plusieurs décennies ?

Plus largement que le parc nucléaire, c’est le parc de production électrique qui est le résultat de non-choix. Cela fait longtemps que RTE, le gestionnaire du réseau électrique, alerte sur l’absence de marges et que les différents gouvernements qui se sont succédé ont fait le choix de fermer des moyens pilotables (charbon principalement) pour les remplacer par d’autres (ENR et gaz principalement). Climatiquement cela a du sens, mais du point de vue de la sécurité d’alimentation c’est plus discutable. On a longtemps vécu sur l’idée que notre parc domestique et les imports suffiraient, mais tous nos voisins ont aussi eu une politique similaire de fermeture de moyens pilotables. Ainsi, il n’y a plus beaucoup de marges en Europe et cela prendra du temps pour en regagner.

Est-il possible que l’ASN se comporte avec un excès de prudence dans la mise en maintenance de certaines centrales ? Toutes les centrales fermées avaient-elles besoin de l’être ?

C’est difficile de parler d’excès de prudence quand on ne connaît pas toutes les pièces du dossier. Je ne suis pas membre de l’ASN ni des groupes permanents d’experts de l’IRSN, je ne peux donc dire s’il y a excès de prudence dans le cas de la corrosion sous contrainte par exemple. L’ASN prend son travail au sérieux, et il vaut mieux un excès de prudence qu’un excès de confiance.

Serait-il possible, dans un contexte de crise énergétique d’ampleur, de rouvrir certaines centrales actuellement en maintenance (puisque la moitié du parc est à l’arrêt) pour éviter une envolée des prix de l’énergie, avec un niveau de sécurité suffisant ?

C’est déjà la décision prise par le gouvernement concernant la centrale à charbon de Saint-Avold. Pour les centrales nucléaires, en particulier Fessenheim, c’est aujourd’hui impossible. Un certain nombre de pièces ont déjà été démontées et des opérations de préparations au démantèlement ont été effectuées qui rendent la centrale inopérable aujourd’hui.

Quand un centrale est arrêtée pour maintenance, il faut attendre que celle-ci soit de toute façon terminée pour redémarrer. C’est comme si on allait récupérer sa voiture chez le garagiste avant que les réparations soient terminées. Pour les réacteurs arrêtés en raison de la corrosion sous contrainte, il faut d’abord savoir l’étendue du défaut et s’il y a un vrai risque pour l’installation. Il est question ici d’un certain principe de précaution qu’il me parait dangereux de remettre en cause car ce serait mettre le doigt dans un engrenage que de dealer avec la sûreté alors qu’on n’est pas en risque de black out.

Notre philosophie d’emploi des centrales nucléaires devrait-elle être revue pour éviter des situations comme celle que nous vivons actuellement ?

Je ne comprends pas trop le terme de « philosophie d’emploi des centrales nucléaires ». Ce qui est certain c’est qu’il faut reconstruire un système électrique certes bas carbone, mais surtout capable de passer les aléas climatiques et aussi géopolitiques. A ce titre, le discours de Belfort d’Emmanuel Macron il y a quelques mois semble tracer un changement de voie par rapport aux décennies précédentes. Reste maintenant à passer aux actes.

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