Chinamerica

L’ombre chinoise d’une nouvelle bulle immobilière par Andreas Höfert

L’ombre chinoise d’une nouvelle bulle immobilière par Andreas Höfert

L’immobilier est probablement un des actifs les plus anciens que l’on connaisse. C’est pourquoi cet investissement possède une longue histoire jalonnée de fièvres et de krachs. Alors que nous subissons encore les contrecoups de la dernière crise immobilière, les signaux d’une nouvelle bulle se densifient en Chine. Le cas échéant, ses effets seront ressentis sur l’ensemble du globe.

L’éclatement de la bulle immobilière en Chine (cliquez sur le lien)

PLUS DHOFERT EN SUIVANT :

Quatre ans après le pic du marché, les ondes de choc suite à l’explosion des bulles immobilières américaine, britannique et espagnole, restent encore perceptibles. Pour ces victimes récentes, les marchés n’ont même pas commencé à se rétablir. Si nous nous remémorons les lendemains de fête douloureux du Japon après l’éclatement de la bulle immobilière à la fin des années 1980, nous pouvons en conclure qu’il faudra probablement plus d’une décennie pour véritablement effacer le dernier krach.

Une crise immobilière et 20 ans de perdu au Japon (cliquez sur le lien)

L’éclatement d’une bulle immobilière cause des ravages particulièrement sévères dans une économie. Elle affecte des pans entiers de la population d’un pays. Son principal carburant est normalement la croissance effrénée du crédit et de la masse monétaire. Dès lors, lorsque les prix s’effondrent et que la liquidité se tarit du jour au lendemain, il s’ensuit de nombreuses faillites chez les particuliers et des dégâts parfois irréparables chez les intermédiaires financiers. Des tendances déflationnistes apparaissent, alors que la conjoncture reste désespérément molle. Voilà le spectre qui terrorise de nombreux économistes américains aujourd’hui. Une répétition de la stagnation-déflation japonaise frappant la première économie mondiale n’est pas une perspective très engageante.

Mais, si elles sont tellement dangereuses, pourquoi les bulles se forment-elles donc? Pourquoi les autorités ne les combattent-elles pas dès les premiers signes?

Ces bulles ne sont malheureusement pas si faciles à identifier. L’actuel président de la Réserve Fédérale, M. Bernanke, tout comme son prédécesseur M. Greenspan, sont tous deux considérés comme des économistes chevronnés. Cependant, ils n’ont pas vu se former la bulle immobilière américaine, même à la fin de 2005 lorsque les prix atteignaient des sommets et que bon nombre de leurs collègues devenaient plus prudents. D’aucuns prétendent qu’ils auraient vu la bulle venir, mais l’auraient délibérément ignorée, car elle ne correspondait ni à leur politique ni à leur vision du monde. De plus, ils auraient naïvement supposé que le coût du «nettoyage» après son éclatement serait gérable.

Il n’en reste pas moins qu’une bulle n’est pas aussi évidente à priori qu’à posteriori. Prenons l’exemple actuel de la Chine.

Une récente publication du National Bureau of Economic Research américain note que les prix des maisons chinoises ont «augmenté de 140% depuis le premier trimestre 2007 et de 41% (valeur annualisée), un record, au premier trimestre 2010». Il s’agit indéniablement d’une hausse extrême. Il existe néanmoins des différences fondamentales entre la bulle immobilière du début de la décennie aux Etats-Unis et ailleurs et la dynamique actuelle du marché de l’immobilier chinois.

La hausse des prix en Chine découle d’une pénurie d’offre, et non d’une demande excessive alimentée par le crédit bon marché, c’est-à-dire par l’endettement. Les prix ont certes beaucoup augmenté ces dernières années, mais c’est également le cas du revenu urbain moyen. De plus, selon le Fonds monétaire international, l’encours des prêts hypothécaires s’élève seulement à 14% du PIB chinois, une valeur à comparer aux 76% aux Etats-Unis ou aux presque 90% en Australie. Si la plupart des économistes chinois admettent l’existence de poches de surévaluation, notamment dans les métropoles à la mode telles que Pékin ou Shanghai, ils s’empressent de rajouter qu’au niveau national, l’évolution des prix de l’immobilier a été parallèle à celle du revenu national.

Autre différence majeure entre le laissez-faire des Etats-Unis durant ces dix dernières années et la Chine actuelle: le gouvernement chinois s’est, pour le moment, montré plutôt vigilant, s’inquiétant ouvertement d’une bulle immobilière potentielle, et il a pris des mesures pour justement réduire la croissance du crédit susceptible d’alimenter le phénomène.

C’est pour cela qu’il est difficile de savoir actuellement si la Chine traverse en ce moment une bulle immobilière qui finira par éclater avec toutes les conséquences que cela suppose, ou si le dynamisme des prix, qui s’est dernièrement ralenti, reflète simplement des fondamentaux et des particularités du marché chinois.

Toutefois, en regard de notre expérience récente de circonstances semblables sur les marchés immobiliers américain, britannique et espagnol, la situation en Chine mérite qu’on y prête attention car elle constitue un risque supplémentaire dans ce monde convalescent de la crise financière.

Soyons clairs: si elle se matérialisait, une bulle chinoise de l’immobilier aurait des conséquences graves à l’échelle mondiale, et pourrait menacer la reprise encore incertaine dans le monde développé. Car ce dernier est en effet devenu une seule grande maison dont toutes les pièces communiquent entre elles. Et nous vivons tous à l’ombre de cette demeure.

Andreas Höfert Chef économiste UBS aout10

BILLET PRECEDENT : La thèse du connu inconnu pour expliquer la crise par Andreas Hofert

2 réponses »

Laisser un commentaire