Argentine

A Buenos Aires, la bourse en folie masque une économie à la dérive

A Buenos Aires, la bourse en folie masque une économie à la dérive

Le marché s’envole de 60% cette année. En récession, le pays est pourtant au bord du défaut de paiement. Explication

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Si, le 30 juillet, l’Argentine n’a pas payé ses créanciers, elle sera déclarée en défaut de payement. Depuis deux trimestres l’économie du pays est en récession, le pouvoir d’achat des Argentins est miné par une inflation qui frôle les 30% et le spectre du chômage se fait tous les jours plus présent.

Menace de défaut, économie à la dérive, et pourtant! L’indice Merval de la bourse de Buenos Aires, l’équivalent du SMI suisse ou du Dow Jones américain, affole tous les compteurs: +20% au mois de juin, +63% en 2014 et +120% en une année. Des chiffres qui donnent le vertige et qui font de la place financière argentine la plus rentable du monde, sans comparaison avec les marchés traditionnels comme ceux de New York (+3% en 2014) ou de Zurich (7%) et loin devant d’autres marchés émergents comme ceux de Turquie (+17%) ou d’Egypte (+25%). Le capitalisme argentin aurait-il ses propres règles? Pourquoi tant d’enthousiasme?

Premièrement, les opérateurs sont convaincus que le gouvernement négociera un accord avec ses créanciers, permettant ainsi à l’Argentine de retrouver, treize ans après, l’accès aux marchés financiers internationaux et d’emprunter à des taux raisonnables (soit environ 8%, contre plus de 12% actuellement).

Peu importe au final, car le résultat ne fait pas de doutes.  Soit l’Argentine fait de nouveau défaut sur sa dette, renouant avec le scénario de 2001 dont les conséquences sont encore perceptibles économiquement, soit le pays accepte de payer ses créanciers et fait son grand retour  sur les marchés financiers internationaux pour faire face à cette situation.

Deuxièmement, les dernières élections législatives ont clairement montré le désir de changement des Argentins. L’ère Kirchner devrait logiquement se terminer en octobre 2015, date des prochaines élections présidentielles, laissant espérer aux acteurs économiques un gouvernement plus «aimable» avec le secteur financier. Une «amabilité» qui devrait se traduire par l’abandon du contrôle des changes et des restrictions aux importations, donnant ainsi un coup de fouet au secteur industriel.

Et enfin, troisièmement, le discours de la présidente Cristina Kirchner début juin a fait clairement comprendre qu’elle ne cherchera pas la confrontation avec les fonds spéculatifs: «Nous autres, Argentins, nous voulons négocier avec tous nos créanciers. Je suis une présidente responsable.» Sous entendu: «Je veux éviter le défaut de paiement.» Des paroles et des perspectives qui ont fait bondir le Merval de 20% en moins d’un mois, un rendement sans équivalent sur les autres marchés de la planète.

Pour le professeur d’économie et spécialiste de la bourse Jorge Fedio, la bourse de Buenos Aires mise donc sur le fait que le défaut sera évité et a déjà le regard tourné sur les changements politico-économiques qui s’annoncent suite aux élections présidentielles de 2015. En d’autres termes, pour le spécialiste, la bourse reflète ce qui va se produire demain et non ce qui se passe aujourd’hui.

Une «audace», comme le juge Jose Luis Espert, économiste consultant en macroéconomie, qui pourrait se payer très cher. Le 30 juillet, l’Argentine doit en effet payer les détenteurs des bonds de la dette souveraine qui avaient accepté la restructuration proposée par les présidents Nestor et Cristina Kirchner en 2005 et 2010. L’argent a bien été versé aux banques, mais la justice new-yorkaise a bloqué ces fonds tant que l’Argentine n’aura pas payé le 1,3 milliard de dollars qu’elle doit aux fonds vautours. Une décision confirmée hier mardi par le juge qui a ordonné à l’Argentine de payer ses créanciers, vautours ou pas. Il reste donc une semaine au gouvernement de Cristina Kirchner pour trouver un accord avec les fonds vautours, faute de quoi le pays se retrouvera en défaut de paiement. La bourse de Buenos Aires pourrait alors connaître une descente aussi vertigineuse que le fut son ascension.

PAR PIERRE BRATSCHI BUENOS AIRES/ Le Temps 23/7/2014

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/46dd1ce8-11cb-11e4-befc-d0fb0d39023d/A_Buenos_Aires_la_bourse_en_folie_masque_une_%C3%A9conomie_%C3%A0_la_d%C3%A9rive

Le réel carcan de la dette souveraine de l’Argentine

Le verdict de la Cour suprême soulève de nombreuses questions pour les émetteurs et les détenteurs de dette souveraine.

La dette souveraine est revenue dans l’actualité récemment, cette fois en raison d’une décision de la Cour suprême des Etats-Unis concernant la dette de l’Argentine. Des problèmes complexes découlent de ce jugement qui risque de compliquer encore plus les choses. La dette souveraine fait partie intégrante du système financier international depuis des siècles. Les souverains empruntaient, souvent à l’étranger pour financer les guerres et d’autres dépenses. Lorsqu’ils ne pouvaient pas rembourser, comme cela arrivait parfois, ils tombaient en défaut de paiement.

De nos jours, les souverains sont la plupart du temps des gouvernements démocratiquement élus, mais qui empruntent encore. Et il arrive encore qu’ils se retrouvent dans des circonstances où leur dette est devenue ingérable et qu’ils cherchent de l’aide à l’extérieur du pays pour pouvoir respecter leurs engagements relatifs au service de la dette.

En général, lorsque des entreprises privées (ou des gouvernements régionaux) deviennent insolvables, des procédures juridiques de faillite s’enclenchent pour déterminer la marche à suivre. Sans ces procédures, une économie de marché ne serait pas en mesure de fonctionner normalement.

Ceci, est dû en partie au fait, qu’au contraire, les créanciers cesseraient de faire crédit et exigeraient de se faire rembourser au moindre signe d’un problème. Et aussi parce que les créanciers de premier rang recevraient le plein montant qui leur est dû, laissant moins aux détenteurs de titres de créance subalternes et incitant de la sorte tous les créanciers à se précipiter à la sortie bien avant que le service de la dette ne soit plus possible.

Qui plus est, dans bon nombre de cas, la valeur d’exploitation des actifs des entreprises qui éprouvent des difficultés est supérieure à ce qu’elle serait si les actifs étaient vendus séparément. Dans ces cas, tous les créanciers seraient en meilleure posture si la dette était radiée au lieu d’une liquidation. Les lois en matière de faillite ont donc l’effet de protéger collectivement les créanciers en empêchant que ne se produise un événement qui nuirait inutilement à tous. Toutefois, dans le cas des dettes souveraines, il n’existe pas de loi internationale à caractère exécutoire qui régit les procédures de faillite. Même si des procédures de base se sont formées à mesure du développement des marchés internationaux des capitaux, elles demeurent des mesures ponctuelles. Etant donné le niveau d’incertitude, et puisque les créanciers peuvent souvent effacer leur dette exprimée en monnaie du pays simplement en accélérant la cadence de la planche à billets, les créanciers exigent habituellement une prime substantielle sur les taux d’intérêt lorsque les obligations ne sont pas émises dans un régime juridique ou dans la devise d’un pays avancé – le plus souvent aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni.

Lorsqu’un Etat souverain détermine que sa dette étrangère n’est plus viable, les autorités du pays et les créanciers doivent négocier entre eux les mesures à prendre. Pour les obligations souveraines détenues par d’autres Etats souverains, le Club de Paris qui regroupe les pays créanciers a établi des procédures pour traiter ce type de dette. Mais lorsque des créanciers du secteur privé détiennent des titres souverains, les réunir dans une organisation représente, en tout temps, un défi de taille.

Lorsque la dette ne peut plus être refinancée facilement, il existe plusieurs issues possibles de négociation. Parfois, les paiements du service de la dette sont rééchelonnés ou possiblement étirés sur une plus longue échéance, donnant ainsi plus de temps aux pays endettés de recouvrer leur capacité d’effectuer des paiements. Dans d’autres circonstances, les créanciers consentent à échanger les anciennes obligations pour des nouvelles, dont la valeur nominale est inférieure ou qui portent des intérêts moins élevés. Peu de gouvernements décident de ne plus rien payer quoiqu’il arrive.

L’Argentine a cessé d’honorer les paiements sur sa dette en 2001. Après plusieurs années difficiles, le pays est parvenu à négocier un échange des obligations en circulation pour des titres à valeur nominale inférieure. Environ 93% des créanciers ont consenti à l’échange et ont reçu de nouveaux titres de créance dont la valeur nominale était du quart de celle des anciennes obligations. Après 2005, l’Argentine a réussi à maintenir le service de sa dette sur les nouvelles obligations.

Mais certains créanciers ont refusé de se départir de leurs titres et ont plutôt entamé des procédures juridiques contre l’Argentine dans une cour de New York (car les obligations faisant l’objet du litige avaient été émises en vertu de la Loi de New York). Les obligations de l’Argentine (comme la plupart des autres titres) comportaient une disposition pari passu selon laquelle le gouvernement s’engageait à traiter tous les détenteurs des titres de la même manière. Les investisseurs qui ont refusé de remettre leurs obligations ont fait valoir le fait que, si le service de la nouvelle dette était effectué à sa pleine valeur (comme ce fut le cas), le traitement égal de tous les créanciers impliquait nécessairement que les investisseurs ayant conservé les anciens titres doivent recevoir le plein montant des sommes qui leur était dues (comprenant non seulement l’intérêt, mais également le principal).

La Cour d’appel de seconde instance des Etats-Unis a décidé que l’Argentine était tenue d’honorer ses engagements envers les détenteurs d’obligations ayant conservé leur titre dans la même proportion (à savoir 100%) que les détenteurs des titres échangés. C’était cette décision même que la Cour suprême a récemment confirmée.

Selon cette ordonnance de la cour, l’Argentine ne pourrait pas payer les détenteurs des nouvelles obligations sans payer également les détenteurs des anciens titres de créance. Il serait également interdit aux établissements financiers américains de servir d’intermédiaires pour effectuer des paiements au nom de l’Argentine. Il en résulte que l’Argentine a le choix de rembourser le plein montant aux détenteurs d’anciens titres ou bien de ne pas honorer les conditions de la nouvelle dette.

Peu importe la façon dont l’impasse actuelle est résolue, la décision juridique soulève de nombreuses questions pour les émetteurs et les détenteurs de dette souveraine. Si les créanciers estiment pour le moment que le fait de conserver ses titres augmente les chances de se faire rembourser le plein montant à une date ultérieure, il sera plus ardu de restructurer les dettes souveraines et de relancer les rouages normaux des économies.

Depuis la crise de la dette de l’Argentine, la plupart des nouvelles émissions d’obligations comportent des dispositions sur le droit de recours collectif en vertu desquelles les détenteurs des titres sont tenus de consentir à la restructuration si une proportion déterminée (habituellement autour de 70%) y consent. Au fil du temps, les obligations en circulation qui ne comportent pas de telles dispositions se font de plus en plus rares. Pourtant les droits de recours collectif ne règlent pas complètement le problème, car un vote serait nécessaire à chaque nouvelle émission et une majorité de détenteurs d’anciens titres pourrait être obtenue en rachetant le pourcentage nécessaire pour bloquer une émission de moindre envergure.

Il se peut également que de nouveaux libellés se retrouvent dans les prochaines émissions de titres obligataires qui supplanteront la disposition pari passu, mais qui donneront assez de garanties aux investisseurs que le marché sera libre d’opérer autant qu’il l’a été avant la décision qui vient d’entrer en vigueur.

Avant la crise de l’euro, il était de mise que les problèmes de service de la dette souveraine étaient réservés aux marchés émergents et aux pays les moins développés. La décision de la Cour suprême des États-Unis dans le dossier de l’Argentine complique encore la chose et pourrait bien accroître les risques liés à l’achat de titres de dette souveraine augmentant d’un même trait les coûts d’émission de cette dette.

Anne Krueger  Université Johns Hopkins    Project Syndicate 9/7/14

http://www.project-syndicate.org/commentary/anne-krueger-examines-the-fallout-from-the-us-supreme-court-s-recent-ruling-in-favor-of-bondholders/french

LE COMMENTAIRE DE MISH 

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L’Argentine déterminée à faire défaut une deuxième fois Par Mish – Global Economic Analysis

Publié le 23 juillet 2014

Note de rappel : l’Argentine a fait défaut de ses obligations suite à une crise de la dette survenue en 2001-02. 92% des investisseurs ont accepté des décotes, mais un fonds vautour a mis la main sur 8% des parts à prix plancher et refusé de négocier.

En juin, la Cour suprême des Etats-Unis a décrété que l’Argentine ne peut pas faire défaut sélectivement sur le petit groupe récalcitrant.

Le problème avec cette décision est que si l’Argentine remboursait le fonds vautour à hauteur de 100%, elle devrait aussi rembourser ceux qui possèdent des obligations argentines à 100%, ce qui détruirait à nouveau l’économie du pays.

Dans le futur, les contrats liés aux obligations forceront tout le monde à suivre la décision de la majorité.

Un deuxième défaut

A l’heure actuelle, et en conséquence directe de la décision de justice, l’Argentine semble déterminée à faire défaut. Pour une deuxième fois.

Un investisseur a déclaré vendredi que l’Argentine refuse encore de s’entretenir avec ceux qui ne souhaitent pas négocier, et que si elle ne changeait pas d’avis avant le 30 juillet, elle serait forcée de faire défaut à nouveau.

« Le gouvernement argentin semble déterminé à faire défaut. Nous espérons qu’il évitera de s’engager dans cette impasse », a déclaré un porte-parole de NML Ldt, une division d’Elliott Management Corp.

Une impasse

L’impasse dont il parle ici est l’échec de l’Argentine à négocier. NML Ldt place l’Argentine dans une position qui la forcera à perdre quelle que soit sa décision. L’Argentine tente désormais (et j’espère qu’elle y parviendra) de rembourser les 92% tout en faisant complètement défaut sur les 8% restants afin qu’ils n’obtiennent jamais un centime.

Malheureusement, la tentative de l’Argentine à contourner la décision de justice passera par des banques américaines qui n’accepteront pas que des paiements soient versés à seulement 92% des détenteurs d’obligations.

L’Argentine se retrouve coincée et devra faire défaut.

http://www.24hgold.com/francais/actualite-or-argent-l-argentine-determinee-a-faire-defaut-une-deuxieme-fois.aspx?article=5662563548H11690&redirect=false&contributor=Mish.&mk=2

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