Les responsables de la conduite des affaires vont devoir favoriser l’inflation rééquilibrante des prix et des salaires. Après avoir favorisé l’inflation des assets.
Vous savez que nous sommes très haussiers. Presque sans plus de précision, haussiers en général. Haussiers sur le prix des assets financiers bien pensants, c’est à dire ceux dont la hausse est vue d’un bon œil par les responsables de la conduite des affaires. Haussiers également sur le prix des assets «voyous» comme l’or, le pétrole, les matières premières, etc. dont les régulateurs feignent de se plaindre.
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Dans un monde confronté globalement à une crise déflationniste de surendettement, la hausse du prix de tout actif, quel qu’il soit, et à condition qu’elle soit ordonnée et encadrée est bienvenue.
La hausse des actifs resolvabilise le système, ses acteurs stratégiques et même les acteurs déviants.
Imaginez ce qui se serait produit si la défaillance de Dubaï World était intervenue fin 2008 avec un prix du pétrole à 35$ alors que le Moyen Orient producteur était en difficultés. La Banque Centrale des Emirats adossée à Abou Dhabi aurait-elle pu prendre le risque de faire ce qu’elle a fait, inonder de liquidités et circonscrire la propagation de la méfiance?
La hausse des actifs ne fait pas que resolvabiliser, regonfler les bilans des banques, elle réveille les animal spirits, le goût du jeu et ce qu’il est de bon ton d’appeler le goût du risque.
Elle fait en sorte de créer une sorte de fausse confiance, moutonnière, qui permet des mouvements et des transferts de richesse considérables.
Ainsi, cette fameuse préférence pour le risque conduit présentement le public à se précipiter sur les émissions obligataires, sur les fonds spécialisés et sur les ETF correspondants. Pourtant, les rendements sont a minima! D’après les statistiques qui retracent les flux de capitaux, jamais le public n’a acheté autant de titres à revenu fixe, à la fois directement et indirectement. Les taux administrés sont quasi à zéro, les taux réels de marché sont à peine positifs et chacun sait parmi les professionnels qu’ils sont condamnés à remonter. C’est une aubaine pour les émetteurs, même les plus mauvais.
C’est un énorme transfert de richesse qui sera concrétisé quand les taux administrés remonteront et que les taux de marchés reprendront le chemin des normes historiques. Ce sera alors le moment où les actions seront au plus haut, ce sera le moment pour le public de venir vendre ses obligations dans des conditions catastrophiques et de servir de contrepartie aux ventes d’actions ramassées auparavant par les banques d’investissements.
La hausse des actifs produit une sorte de fausse confiance perverse. On continue de savoir que le fond est très mauvais, mais on veut l’oublier. On doute de son propre jugement à la faveur de l’envie et de l’appétit de gain. Au fond, on sait bien que Dubaï reste Dubaï et que les grandes banques créditrices sont en train de faire leurs comptes dans l’opacité en prétendant toutes ne pas être touchées.
La confiance est au centre du système, même si elle est fausse. Même si elle est produite par des perceptions manipulées. Même si elle est pilotée par des apprentis sorciers dont la crédibilité s’est avérée nulle par le passé. Un exemple.
Après les trop bons chiffres de l’emploi publiés la semaine dernière aux Etats-Unis, les marchés ont, tout à fait logiquement, anticipé une hausse des taux de la Fed plus forte et plus rapide que prévu. Bernanke est donc sorti et, devant le Club Economique de Washington, il a dit: «le marché du travail reste faible»; «nous avons encore un chemin assez long à faire avant que nous puissions être certains que la reprise sera autonome». C’est ce que l’on peut appeler tuer dans l’œuf les anticipations (raisonnables) de remontée des taux. Du coup, les taux ont cessé de monter, le dollar aussi, les actions qui menaçaient de chuter se sont stabilisées. C’est ce que l’on appelle rétablir la confiance, n’est-ce pas. Et peu importe la valeur que l’on peut accorder à de pareils propos, ils sont efficaces. Ils valent en fait ce pour quoi ils valent, c’est à dire un signe que la Fed veut la poursuite de la hausse des actions, le maintien des taux d’intérêt bas et la baisse du dollar. Bref, ces propos valent feu vert donné à la spéculation. L’espoir pour les plus honnêtes est que la confiance sera justifiée plus tard par les conséquences de son propre retour. La reprise économique, la fameuse reprise autonome dont on nous parle pour se donner une raison de différer les hausses de taux, finira par venir. Elle récompensera ceux qui ont fait confiance.
Nous sommes désolés de devoir nous inscrire en faux contre cette vision idyllique conventionnelle.
La reprise viendra, c’est évident, c’est mécanique, c’est mathématique, mais elle ne viendra pas comme on l’espère. La reprise viendra et elle sera autonome lorsque les anticipations inflationnistes généralisées se seront réveillées. Nous disons bien généralisées pour marquer que les anticipations inflationnistes sur les assets ne suffisent pas. Généralisées, cela veut dire que l’échelle de perroquet des prix et des salaires devra se mettre en branle.
Nous sommes dans une crise de surendettement. Depuis vingt-cinq ans, le système compense les déséquilibres créés par la globalisation et l’arbitrage international du travail par le recours au crédit.
Face à la pression sur le vrai pouvoir d’achat gagné dans les vieux pays industrialisés, il a été répondu par l’accroissement exponentiel du faux pouvoir d’achat octroyé, tombé du ciel, par le crédit. Et l’endettement s’est mis à galoper. Il en a fallu de plus en plus pour maintenir la croissance des PNB et un volume d’emplois décent. Il en a fallu de plus en plus car on a constaté une sorte de rendement décroissant des endettements. Pour continuer dans cette voie, il a fallu maintenir les taux d’intérêt bas, très bas. Ceci n’a été permis que par la quasi-suppression de l’inflation des prix et des revenus. Accessoirement, il a fallu passer à un système de crédit fondé non pas sur les capacités de remboursement à un système de crédit adossé sur les assets. Ce que l’on a considéré longtemps comme un cercle vertueux, endettement croissant, taux d’intérêt bas, maîtrise de l’inflation, était en réalité un cercle vicieux qui conduisait au surendettement et débouchait sur la crise.
C’est l’absence d’inflation, sa répression, qui sont à l’origine du surendettement généralisé. La surproduction globale entretenue par le surinvestissement chinois, la manipulation des indices de prix par les gouvernements, la recherche absolue de la productivité par les firmes pour attirer les capitaux et créer de la valeur, tout a contribué à la répression de l’inflation, laquelle inflation a été remplacée par le déficit commercial en tant que symptôme du dérèglement du crédit.
L’inflation dans sa fonction de sonnette, de signal d’alarme, de mise en harmonie des dettes et des revenus, d’euthanasie du passé, cette inflation n’a pu se manifester.
Les prix, les revenus, les salaires, les cash flow nominaux ont insuffisamment progressé dans les vieux pays en regard de la masse de dettes, de la masse de capitaux, de la masse de promesses que l’on a accumulées. Les assets se sont trouvés surévalués par rapport aux flux susceptibles de les rentabiliser. Les dettes n’ont pu être servies ou remboursées faute de cash flow disponibles. L’absence d’inflation a empêché le système de se reproduire. Il s’est bloqué. Le système ne peut se reproduire que si, au fur et à mesure, il se décharge du poids du passé. Et c’est la fonction de l’inflation. L’absence d’inflation a, en quelque sorte, empêché le système de buter sur ses propres limites. L’image du coureur qui doit s’arrêter à cause de la douleur que lui envoie son pancréas est tout à fait adéquate pour décrire cette fonction de l’inflation.
La relativité du surendettement La grande vérité est que le surendettement est toujours quelque chose de relatif, de relatif aux flux de revenus destinés à assurer le paiement des intérêts et le remboursement du capital. Le surendettement n’est pas relatif aux gages, aux actifs donnés en garantie par les débiteurs. Ces gages supposent un marché pour être réalisés. Ils supposent des acheteurs à l’infini sur ce marché. Ils supposent l’économie Ponzi. Et l’histoire prouve que les systèmes Ponzi finissent toujours mal.
Le surendettement du système, le vrai, est beaucoup plus important que celui dont on nous parle et dont on voit de temps à autres circuler les chiffres. Le vrai surendettement doit inclure toutes les promesses qui sont faites dans les contrats de retraite et dans les système de protection sociale. Les citoyens concernés ont un droit qui, à ce titre, représente un capital en face duquel la contrepartie est très insuffisante. Il y a beaucoup plus de capital accumulé dans le système qu’on ne le croit et face à ce capital il n’y a pas grand chose et surtout un grand trou.
Face à l’excès de crédits et de dettes qui s’est manifesté en 2008, le monde global a refusé l’assainissement, les faillites, les moratoires et les conversions. Il a répondu… par un accroissement de dettes, dettes pour sauver le système financier, dettes pour payer la stimulation keynésienne.
Résultat, aux dettes anciennes sont venues s’ajouter les nouvelles. Le stock de dettes qui était déjà considérable et insoutenable avant la crise s’est trouvé multiplié par deux et certains vont au-delà dans leurs estimations. Un tel stock de dettes implique une ponction sur le travail vivant, sur la production de richesses futures tellement élevée qu’elle risque d’entraîner l’asphyxie. Le poids des dettes étoufferait l’activité et la découragerait.
Les responsables de la conduite des affaires le savent bien, eux qui ne cessent de rappeler que la croissance future sera faible, très ralentie. Mais ce qu’ils évitent de dire, c’est la suite. Ils évitent de faire part de leur conviction profonde que les systèmes sociaux et politiques ne résisteraient pas à une croissance anémique et à un chômage durablement élevé. Ce qu’ils oublient de dire, c’est qu’après avoir, dans la hâte, en urgence, favorisé l’inflation des assets, ils vont devoir, pour terminer le travail, favoriser l’inflation des prix et des revenus. Ils vont devoir faire le contraire de ce qui a été fait pendant deux décennies. Ils vont devoir rattraper le temps perdu pendant lequel l’inflation a été supprimée.
Source agefi dec09
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