Art de la guerre monétaire et économique

La Fed n’est pas au bout de son programme de relance par Andreas Höfert 

La Fed n’est pas au bout de son programme de relance par Andreas Höfert

Si les actions américaines venaient à décliner au second semestre de 2011, le «QE3» viendra

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Hollywood et les shows de Las Vegas, entre autres, ont bâti la réputation des Américains comme maîtres incontestés de la mise en scène. Dès lors, la première conférence de presse post-décision monétaire tenue par un président de Réserve fédérale a déçu. Les journalistes présents semblaient triés sur le volet, bien timides, évitant les questions qui fâchent.

Rien de nouveau en guise d’informations. Ben Bernanke s’en est peu ou prou tenu au communiqué de presse. Oui, les taux des Fed funds resteront à leur niveau zéro pour longtemps encore. Non, le «QE2», le programme d’achat de 600 milliards de dollars de bons du Trésor américain par la Fed, ne sera pas prolongé au-delà de juin. Non, l’inflation n’est pas un problème et non, la Réserve fédérale et sa politique monétaire expansive ne sont pas responsables de la faiblesse du dollar.

Nous ne nous étendrons pas plus sur le sérieux des deux dernières remarques. Il est clair qu’une expansion monétaire affaiblit une monnaie. Quant aux pressions inflationnistes, il suffit de se remémorer l’intervention, digne de Marie-Antoinette, de William Dudley, président de la Fed de New York, devant un public ouvrier dans le quartier new-yorkais du Queens en mars. Alors qu’il démontrait l’absence d’inflation en évoquant l’exemple du nouvel iPad, deux fois plus performant que son prédécesseur et pour le même prix, quelqu’un dans l’assistance s’exclamât: «Je ne peux pas manger un iPad.»

Ce qui nous semble encore plus discutable néanmoins, c’est l’affirmation que le «QE2» sera fini en juin. S’il fallait tirer un bilan de cette politique monétaire expansive, c’est qu’elle n’aura servi à rien en ce qui concerne l’économie réelle. La croissance américaine au premier trimestre 2011 a été décevante, surtout en regard des moyens fiscaux et monétaires utilisés. Il en va de même sur le front de l’emploi. Si l’on fait fi des multiples révisions statistiques supposées montrer une image plus flatteuse du chômage, une amélioration «à l’américaine» s’y fait toujours attendre. En revanche, l’impact du «QE2» s’est bien ressenti sur les marchés. Si l’on avait su en décembre 2010 que le monde serait confronté durant le premier semestre de 2011 à une catastrophe majeure au Japon, à une guerre en Libye et à une situation d’instabilité dans la plupart des pays arabes, poussant les prix du pétrole bien au-delà des 100 dollars le baril, personne n’aurait parié sur une hausse du cours des actions.

C’est pourtant la seule prévision du chef de la Fed à l’annonce du «QE2» en 2010 qui se soit révélée exacte. Voilà pourquoi nous sommes persuadés que si les actions américaines venaient à décliner au second semestre de 2011, le «QE3» viendra.

Andreas Höfert chef économiste UBS

EN COMPLEMENT : Fed: retour vers le futur

(…) Il devient de plus en plus évident que non seulement les actes concrets de la Fed comptent, mais aussi tout le reste, qui contribue à l’élaboration des attentes sur les marchés. Cependant, ces attentes ne sont pas non plus très éloignées de la réalité, comme nous l’a montré la bulle immobilière américaine en prélude à la crise financière et économique internationale.

A ce sujet, la Fed devrait admettre ses erreurs après-coup; sa politique des taux d’intérêt peu élevés menée dans les années 2003/04 a en tout cas servi à catalyser la bulle, même si elle n’en a pas été la seule responsable. Lorsque la bulle immobilière a explosé, des produits financiers de plusieurs milliards couverts par l’immobilier, que les banques américaines n’étaient pas les seules à détenir, se sont soudain dévalorisés. La suite est connue, mais elle n’appartient pas encore au passé. Rétrospectivement, l’introduction du cycle de relèvement des taux en juillet 2004 était trop tardive: le taux de chômage avait déjà franchi son maximum un an auparavant, l’économie était bien relancée depuis un an et l’inflation avait déjà quitté sa zone dite de confort deux ou trois mois plus tôt. En outre, les prix immobiliers –  qui ne figurent pas dans l’indice des prix à la consommation – grimpaient déjà fortement depuis un certain temps.

Quel enseignement faut-il en tirer pour l’avenir?

La politique monétaire est aujourd’hui déjà beaucoup plus expansive depuis beaucoup plus longtemps qu’elle ne l’avait été sous Greenspan. A quand la prochaine bulle?

 Source :  le centre de recherches conjoncturelles (KOF) de l’EPFZ mai11

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Un essai pour établir la liste des désordres économiques et financiers que les Etats-Unis génèrent dans le Reste du Monde par Patrick Artus

On sait que les politiques économiques menées aux Etats-Unis ont des objectifs uniquement domestiques, et ne prennent pas en compte leurs effets sur les autres pays (leurs externalités internationales). Ceci conduit à ce que ces politiques génèrent de multiples désordres dans le Reste de Monde, parmi lesquels en particulier :

avec l’excès chronique de création monétaire aux Etats-Unis, des flux de capitaux très importants vers les pays émergents, d’où l’appréciation excessive des devises de ces pays, et la nécessité pour ces pays, d’accumuler des réserves de change, donc de mener eux aussi une politique monétaire trop expansionniste ;

plus globalement, des biais dans l’ensemble du système de taux de change mondial ;

avec la politique monétaire chroniquement trop expansionniste des Etats-Unis, un excès de liquidité mondiale conduisant à des bulles à répétition sur les prix des actifs (actions, immobilier, matières premières), et à une amplification des cycles économiques liés à la croissance puis à l’explosion des bulles sur les prix des actifs ;

 – avec la volonté de la plupart des pays d’éviter une appréciation excessive de leur devise par rapport au dollar, la capture de l’épargne mondiale par le financement du déficit extérieur des Etats-Unis (qui vient à certaines périodes du besoin de financement des ménages américain, à d’autres périodes du besoin de financement du déficit public aux Etats-Unis) donc une utilisation inefficace de l’épargne mondiale ;

 – de plus les actifs en dollars achetés par les non résidents se révèlent être de mauvaise qualité, (ABS jusqu’en 2007, Treasuries récemment) d’où la transmission des crises financières des Etats-Unis au Reste du Monde.

http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=58075

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