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Pour Warren Buffet la dette fut une arme d’enrichissement massif

Pour Warren Buffet la dette fut une arme d’enrichissement massif

Une astuce de Warren Buffett mise au jour par des chercheurs. La réussite du milliardaire américain serait liée à l’effet de levier. Lasse Pedersen présentait son travail mardi à Genève             

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Depuis de nombreuses années, la réussite de Warren Buffett intrigue ses pairs. En investissant dans des sociétés de qualité et jugées peu risquées, le milliardaire américain parvient régulièrement à battre les marchés. Le mois dernier, sa société Berkshire Hathaway a ainsi augmenté son dividende pour la cinquantième année consécutive.

Pourtant, en théorie, moins un actif est risqué – en termes de volatilité – et moins il devrait rapporter. «En termes relatifs, cette doctrine n’est pas avérée dans la pratique, observe Lasse Pedersen, professeur à la NYU Stern Business School. ­Fischer Black [ndlr: connu pour avoir inventé un modèle permettant de valoriser le prix des options] s’était déjà rendu compte, dès 1969, que les actions considérées comme sûres affichaient de très – trop? – bonnes performances par rapport au risque qu’elles représentaient.» C’est d’ailleurs à la lecture d’une biographie de leur illustre prédécesseur que Lasse Pedersen et Andrea Frazzini, l’un de ses collègues à l’Université de New York, ont souhaité poursuivre les recherches sur cette récurrence paradoxale.

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Mardi, ce Danois d’origine était de passage à Genève pour présenter les résultats de leur travail – «Betting Against Beta» – dans le cadre d’une conférence organisée par le Swiss Finance Institute. «Nul besoin du génie de Warren Buffett pour espérer répliquer ses performances», explique Lasse Pedersen. D’après lui, la dichotomie relative des performances entre actifs réputés sûrs et les plus risqués, qui profite au célèbre investisseur, serait principalement due à l’effet de levier. Soit un endettement qui permet à l’investisseur de prendre une position plus importante que celle correspondant aux fonds dont il dispose réellement.

Pour Lasse Pedersen, l’explication est la suivante: les investisseurs qui ne peuvent user de l’effet de levier ont tendance à se reporter vers des actifs risqués afin de bénéficier de rendements plus élevés. De la sorte, ils poussent le prix de ces actifs à la hausse, ce qui, au final, se répercute sur leurs rendements qui diminuent en conséquence. Le fait que tout investisseur n’ait pas la possibilité ni l’envie de recourir à l’effet de levier – les fonds de pension n’y sont pas autorisés, par exemple – expliquerait donc la différence relative des rendements. Un exemple? «Notre modèle a été testé sur la bourse américaine pour les quarante dernières années mais aussi sur une vingtaine d’autres marchés, répond Lasse Pedersen. Et à chaque fois le résultat fut le même, y compris pour le marché obligataire ou celui des crédits.»

Au final, les investisseurs qui ont moins de contraintes et qui, à l’image des fonds alternatifs, peuvent recourir à l’effet de levier bénéficient donc d’un certain avantage. En égalisant le risque – en ajoutant un effet de levier sur un portefeuille d’actifs réputés sûrs – ils peuvent battre le marché sans accroître le risque de volatilité. «Même s’il refuse de l’avouer, Warren Buffett recourt lui aussi à l’effet de levier en souscrivant, entre autres, à des emprunts à long terme», souligne Lasse Pedersen.

Mais user de l’effet de levier comporte toutefois une part de risque, reconnaît Lasse Pedersen. «C’est probablement la raison pour laquelle de nombreux investisseurs ne souhaitent pas l’utiliser, poursuit-il. D’ailleurs, si cette dichotomie perdure depuis 1926 [ndlr: comme le montre le travail de recherche], c’est précisément qu’il est compliqué d’en tirer profit. Sinon, tout le monde y aurait recours et l’avantage disparaîtrait probablement.»

Quarante ans après Fischer Black, les deux universitaires entendent poursuivre leur recherche en se focalisant davantage encore sur la stratégie propre à Warren Buffett. Et cette fois-ci, ils comptent bien envoyer une copie «au plus talentueux des investisseurs de notre temps».

Par Sébastien Dubas/le temps avril12

EN COMPLEMENT :  Les méthodes d’analyse boursière et de gestion de portefeuille de Lynch et de Buffett constituent des menaces graves pour l’investisseur moyen (reprise)

*Chronique extraite du livre « Investir dans les titres de valeur » de l’auteur André Gosselin.

 Faits saillants:

un rendement de 10 % par année pendant 30 ans, à partir d’un investissement initial de 10 000 $, peut paraître tout à fait acceptable; or, à ce rythme, l’investisseur se retrouve avec un capital accumulé de 174 500 $ à I ‘âge de la retraite, contre 300 000 $, comme on le sait, s’il a réussi à obtenir un rendement de 12 % par année plutôt que 10 %. Un tout petit 2 % de plus en rendement annuel composé fait une grosse différence après 30 ans

Le mythe Warren Buffett est attirant, mais sa stratégie d’investissement, aussi simple soit-elle, n’est pas à la portée du premier venu

La stratégie d’investissement de Peter Lynch ou celle de Warren Buffett sont conçues pour Peter Lynch et Warren Buffett. Elles ne sont pas nécessairement faites pour l’investisseur moyen

 « Battre le marché », « Battre Wall Street », « Battre le Dow Jones » : nombre d’ouvrages sur l’investissement vous promettent de réaliser cet objectif qui consiste à obtenir un rendement de portefeuille supérieur à la moyenne. Les titres de quelques-uns des best-sellers publics ces dernières années aux États-Unis suffisent à illustrer l’importance de cet enjeu dans la culture de l’investisseur: Beating the Street (de Peter Lynch); Beating the Dow (de Michael O’Higgins); The dividend investor: A safe and sure way to beat the market (de Harvey Knowles et Damon Petty); How to retire rich: time-tested strategies to beat the market and retire in style (de James O’Shaughnessy); The Motley fool investment guide: How the fool beats Wall Street’s wise men and how you can too (de David et Tom Gardner). Autant de formules chocs qui veulent dire la même chose: obtenir les quelques points de pourcentage (2 % ou 3 %) dans le rendement de votre portefeuille qui font la différence entre une retraite dorée et une retraite dépendante de l’État.

Cela peut paraître ridicule pour certains, mais les investisseurs américains se souviennent des propos d’Albert Einstein qui affirmait que les rendements composés sont la plus grande découverte de l’histoire de l’humanité. Qu’il suffise de donner un autre exemple: un rendement de 10 % par année pendant 30 ans, à partir d’un investissement initial de 10 000 $, peut paraître tout à fait acceptable; or, à ce rythme, l’investisseur se retrouve avec un capital accumulé de 174 500 $ à I ‘âge de la retraite, contre 300 000 $, comme on le sait, s’il a réussi à obtenir un rendement de 12 % par année plutôt que 10 %. Un tout petit 2 % de plus en rendement annuel composé fait une grosse différence après 30 ans. Tout est relatif, dirait Einstein, à I’exception des mathématiques financières.

Les petits investisseurs américains ne manquent pas de modèles pour réaliser leur projet de battre le marché. Warren Buffett, la plus grande légende vivante dans l’univers de la finance et de l’investissement, est décrit comme l’un des rares Américains à être devenu milliardaire grâce à la Bourse. II possède I’une des plus grandes fortunes des États-Unis et n’est devancé que par Bill Gates, le président et fondateur de Microsoft, dont il est un ami personnel.

Buffett n’a jamais écrit de livre sur sa stratégie d’investissement, mais on a publié tant d’ouvrages et d’articles à son sujet qu’on peut dire que sa philosophie de placement exerce une influence énorme sur les petits investisseurs américains et leur façon de gérer leur portefeuille. La personnalité de Buffett, sa simplicité, son style de vie modeste et son grand talent pour vulgariser l’art de l’investissement à la Bourse ont tout pour séduire. Si l’approche de Buffett lui a permis d’être multimilliardaire, pourquoi ne permettrait-elle pas à l’investisseur moyen d’être simplement millionnaire? Le mythe Warren Buffett est attirant, mais sa stratégie d’investissement, aussi simple soit-elle, n’est pas à la portée du premier venu.

Peter Lynch est une autre légende vivante de l’investissement qui a servi de modèle à des milliers de petits investisseurs. Gestionnaire de l’un des plus gros fonds de placement des États-Unis (le fonds Magellan de Fidelity), Lynch a procuré aux actionnaires de son fonds un rendement de plus de 20 % par année pendant 10 ans au cours des années 1980. II est aussi l’auteur de trois livres sur la Bourse qui sont autant de best-sellers et qui ont contribué à créer l’une des stratégies d’investissement parmi les plus populaires aux États-Unis. Ses bouquins ont été traduits en de nombreuses langues, notamment en français, en allemand, en japonais, en coréen, en suédois et en espagnol. Lynch a pris sa retraite à titre de gestionnaire du fonds Magellan en 1990, mais il continue d’être très actif sur la place publique et dans ce qu’on pourrait appeler l’industrie de l’éducation populaire en investissement. II accorde régulièrement des entrevues aux magazines financiers les plus en vue, et il a même participé à la création d’un logiciel pédagogique sur l’art du placement en Bourse.

La stratégie d’investissement de Peter Lynch ou celle de Warren Buffett sont conçues pour Peter Lynch et Warren Buffett. Elles ne sont pas nécessairement faites pour l’investisseur moyen. II y a un effort très louable de la part de ces deux grands investisseurs pour vulgariser, pour démystifier, pour critiquer et pour transmettre au plus grand nombre le savoir financier et les principes élémentaires du placement en Bourse. Mais, à mon sens, cela n’est pas suffisant pour protéger ou pour promouvoir les intérêts des petits investisseurs. L’investisseur qui adopte les méthodes de Lynch ou celles de Buffett est loin d’être assuré qu’il aura, toutes proportions gardées, les mêmes rendements qu’eux. II aurait tort de penser qu’il a de bonnes chances de battre le marché s’il applique, telles quelles, les stratégies enseignées ou pratiquées par ces deux autorités de la finance. Ce n’est pas parce qu’elles ont fonctionné pour Lynch et pour Buffett qu’elles vont être efficaces pour tous les autres.

J’ai lu peu de critiques sur les stratégies d’investissement de Warren Buffett ou de Peter Lynch. Ces gens sont des intouchables. L’équivalent d’un Abraham Lincoln, d’un Neil Armstrong ou d’un Michael Jordan. Des personnages légendaires qu’on ne peut attaquer puisqu’ils ont réussi. N’incarnent-ils pas le rêve américain dans toute sa splendeur? Des individus partis de rien qui, à force de travail et d’acharnement, ont grimpé au sommet de la pyramide financière. De fait, on peut difficilement s’en prendre aux individus. Ce sont des hommes remarquables, parmi les plus intègres, les plus honnêtes, les plus accessibles et les plus compétents de leur profession. J’en conviens, leur succès est phénoménal et mérite le plus grand respect.

Néanmoins, il faut établir une distinction entre l’individu et son système, faire la différence entre le professionnel et sa philosophie de placement. Les méthodes d’analyse boursière et de gestion de portefeuille de Lynch et de Buffett constituent des menaces graves pour l’investisseur moyen. II faut le crier haut et fort, et en être bien conscient. Une minorité d’investisseurs peut sans doute réussir grâce à ces stratégies légendaires, mais je suis persuadé que la très grande majorité de ceux qui se lancent dans ces aventures singulières courent à leur perte.

André Gosselin Ph. D Auteur en Finance/orientation finances

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