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2/5ème des Français congelés en dehors du champ politique : l’ostracisation des extrêmes finira-t-elle par faire chanceler la démocratie ? Entretien Bruno Bertez/Jean François Kahn

2/5ème des Français congelés en dehors du champ politique : l’ostracisation des extrêmes finira-t-elle par faire chanceler la démocratie ? Entretien Bruno Bertez/Jean François Kahn

Le Front national n’est, actuellement, représenté que par deux députés à l’Assemblée nationale. Pourtant, près de quatre Français sur dix (37%) se disent d’accord à des degrés divers avec les idées défendues par ce parti.

 Atlantico : Puisque 37% des Français sont d’accord avec les idées défendues par le FN, n’est-il pas dangereux d’ostraciser ce parti ?L’extrême droite, premier parti de France en termes d’adhésion à des idées ?

Bruno Bertez : Je soutiens que l’on a le droit d’être d’extrême droite. Je soutiens, sur la base des enquêtes les plus sérieuses, que près de 40% des Français, 38% précisément des Français, sont proches de ses idées. Sondage réalisé avant les présidentielles, en mars dernier si mes souvenirs sont bons. Les sondeurs pensent en outre que ce chiffre constitue une sous déclaration, il serait minoré. 

Par ailleurs, une forte proportion des gens qui ont voté Front de gauche ont des idées proches de celles du Front national. J’ai écrit un papier humoristique sur cette question et suggéré une réunification de ces deux apparents ennemis, ennemis parce que tout les rapproche. 

Les faux démocrates ne gagnent les élections que par la mise de côté de ces Français qui se sentent proches des idées des extrêmes. Elle permet la perpétuation des mystifications, grâce à l’imposition de fausses alternatives manipulatrices et, en réalité, confiscatoires des volontés nationales. 

Je soutiens que la situation politique de la France est ce qu’elle est parce que l’on ne fait pas attention à ce qui crève les yeux ; l’extrême droite est le premier parti de France en termes d’adhésion à des idées. Les socio-démos, les fausses droites, la pseudo-gauche kleptos et élites auto proclamées ne tiennent le haut du pavé que parce qu’elles ont le champ libre en raison de la démonisation de l’extrême droite, en raison de la mise hors-jeu de 40% des Français. 

Jen-François Kahn : Le résultat des élections montre que le premier parti de France est le parti des gens qui ne votent pas ou qui votent blanc. Surtout, si on ajoute au gens qui ne votent pas, ceux qui ne s’inscrivent même pas sur les listes électorales. Quant au deuxième parti de France, même si cela ne se traduit pas en terme de voix, il est formé par les gens qui rejettent à la fois la droite et la gauche. D’après le dernier sondage que j’ai lu, ils représentent 28% du corps électoral. Ces gens là ne sont pas forcément des « extrêmes »… 

Je pense que Bruno Bertez commet une erreur de fond au départ en plaçant d’un côté l’extrême droite et de l’autre l’extrême gauche. C’est plus compliqué que cela. Il y a un électorat, en partie dans les classes populaires, qui est profondément de gauche sur les questions économiques et sociales et qui en même temps rejoint les thématiques du Front national sur les questions de sécurité et d’immigration. Découper en tranche l’électorat de l’extrême droite et de l’extrême gauche est une erreur. Il y a tout une partie de l’électorat qui est flottant.Cet électorat a un peu de Le Pen dans la tête et un peu de Mélenchon dans la tête. D’ailleurs Bruno Bertez reconnaît qu’une partie des électeurs de Jean-Luc Mélenchon pourrait très bien voter Marine Le Pen. 

D’autre part, la droite classique a parfois un discours tout aussi « extrême », voire plus « extrême » que le Front national. Entre les deux tours de l’élection présidentielle, le discours de la fraction sarkozyste de l’UMP se situait à la droite du Fn. Jamais Marine Le Pen n’avait osé remettre en cause les corps intermédiaires et opposer le vrai et le faux travail. Pas plus tard qu’avant hier ( le 28/10/2012), lorsque les grands patrons ont fixé un ultimatum au gouvernement concernant la baisse des charges, Jean-François Copé s’est déclaré totalement d’accord avec cette initiaitive. Une réaction absurde car cette pétition préconise une hausse de la CSG que le candidat à la présidence de l’UMP juge par ailleurs, à juste titre, « scandaleuse ». Marine Le Pen, elle, a pris une position inverse à celle de Jean-François Copé en se déclarant totalement hostile à cette pétition dénonçant l’arrogance des grands patrons qui se sont enrichis sur le dos du « petit peuple » et qui maintenant souhaitent que celui-ci paie pour eux. En l’occurrence, il y a un clivage terrible entre le leader du FN et le secrétaire général de l’UMP, mais quel est le plus extrémiste des deux ? Qui est le plus à gauche ? Définir ce qu’est, aujourd’hui, un « extrême » est compliqué… 

Enfin, l’échec du système social démocrate est aussi un élément qui joue en faveur des « extrêmes ». Nous sommes en France, comme ailleurs en Europe, confrontés au naufrage de la social démocratie qui nous conduit à une impasse. 

PLUS DE BERTEZ ET DE KAHN EN SUIVANT :

Atlantico 2/5 à 3/5 des électeurs mis hors-jeu : faut-il continuer à les exclure ?

Bruno Bertez : Je soutiens que les leaders de l’extrême droite eux-mêmes fourvoient leurs troupes et leurs sympathisants, qu’ils empêchent la transition vers quelque chose de plus satisfaisant de se faire. En conduisant une large fraction de ceux qui n’ont pas grand-chose à perdre dans une impasse,  ils renforcent objectivement l’ordre en place, ils sont alliés objectifs des kleptos, ils permettent que cela dure. 

Même analyse pour Mélenchon qui vend les voix de ses supporteurs contre le plat de lentilles de l’exercice d’un leadership qui ne conduit nulle part. 

Ce n’est pas un hasard si, à chaque opportunité, ces zozos d’extrême droite et gauche s’efforcent de se tromper de combat et d’emmener leurs troupes là où elles ne servent à rien qu’à se ridiculiser. 

Je soutiens que ce sont les 40% de Français qui votent ou ne votent pas, mais qui se reconnaissent dans la position de rejet (verbal) du ou des Fronts qui constituent le socle du vrai changement à partir duquel on pourra secouer la domination de la coalition klepto/socio-démo/constructiviste. 

L’impossibilité de gouverner, de peser, de faire les bons choix, vient de là, la stérilisation de 2/5 de la population, la mise hors-jeu politique de 2 Français sur 5. 

Ce sont ces Français qui portent en eux le mécontentement, la colère, les motivations pour dire non. 

Quel est l’obstacle ? Voilà la question clef ? 

Jen-François Kahn : Il ne faut pas ostraciser les extrêmes, mais il faut appliquer la loi. Il y a des lois qui condamnent le racisme, l’éloge du crime de guerre ou la remise en cause des institutions républicaines. Cela étant dit, il ne faut diaboliser personne. D’autant plus que les extrêmes finissent toujours par être intégrées. En 1914-1918, les républicains ont intégré l’extrême droite royaliste au nom  de l’unité nationale. En 1944-1945, l’union gaulliste se traduit par l’intégration des communistes dans la communauté nationale. Après coup, cela n’a pas été considéré comme un scandale. 

L’extrême droite ou l’extrême gauche d’un jour, n’est pas l’extrême droite ou l’extrême gauche de toujours. Alain Madelin, Gérard Longuet et Patrick Devedjian étaient à Occident (mouvement politique d’extrême droite fondé en 1964 et dissout en 1968, ndlr).  Aujourd’hui, se sont des républicains modérés. Maurice Leroy était communiste, il est aujourd’hui centriste. Denis Kessler, vice-président du Medef tendance dure, était à la gauche du Parti communiste ! Le nombre de gens qui viennent de l’extrême droite ou de l’extrême et qui ont rejoint la droite ou la gauche modérée est considérable. La meilleure façon de tuer les extrêmes est de les intégrer. Les communiste ont été intégrés au gouvernement par François Mitterrand en 1981, ils ne s’en sont jamais relevés. Et pourtant, certains députés comme Michel Poniatowski disaient que « les chars de l’armée rouge seraient sur la place de la Concorde ! » 

Enfin, pour revenir à ce que je disais au début, il faut s’entendre sur la définition du mot « extrémiste ». En fonction de quels critères, décide-t-on qu’un tel ou un tel est « extrême » ? Par exemple, j’ai trouvé scandaleux que la gauche réagisse de manière hystérique lorsque Jean-François Copé a parlé de racisme « anti-blanc ». D’une part, c’est malheureusement un phénomène qui existe et d’autre part, c’était parfaitement son droit d’en parler. J’ai trouvé également hystérique et gratiné que la gauche dise que l’appel de Jean-François Copé à manifester contre François Hollande était une « atteinte à la République ».  Encore une fois, Monsieur Copé avait parfaitement le droit de s’exprimer. La gauche a assez manifesté contre les gouvernements de droite pour qu’elle l’accepte. En revanche, quand Jean-François Copé dit que Hollande est « un nouveau Robespierre qui mène une politique de terreur », lorsqu’il appelle à la résistance comme si le pays était occupé, on peut se demander si Jean-François Copé est vraiment moins « extrême » que le Front national. Jamais Marine Le Pen a tenu des propos aussi outranciers. C’est le droit du patron de l’UMP de tenir des propos de la sorte. Mais à partir de ce moment là, vous ne pouvez plus dire que le Front national est extrémiste. Cela pose la question : « Qu’est-ce que c’est qu’un extrémiste ? » 

Atlantico : A qui la faute ? Aux extrêmes eux-mêmes ?

Bruno Bertez : Un extrémiste, c’est quelqu’un qui est désigné comme extrémiste, épinglé comme extrémiste. 

Les obstacles à l’intégration des extrêmes ce sont : 

■Les origines de l’extrême droite

■Les chefs historiques de l’extrême droite

■Les cadres de l’extrême droite

■Les absences de stratégie de l’extrême droite

■Le flou des principes fondateurs

■L’absence de vivier de pensée et de réflexion 

L’extrême droite se complait dans les positions et prises de positions reptiliennes, primaires. Elle n’a pas accédé au progrès, à la raison, au savoir. Elle vit et joue sur les pulsions, les réflexes, elle capitalise sur ce qui est noir en l’homme, au lieu de permettre à ce noir de s’exprimer et venir au jour pour devenir blanc, dicible, négociable. 

L’extrême droite, en se nourrissant de pulsions primaires, barre son propre accès à la politique. 

Elle empêche l’accès au politique de près de la moitié de la population, elle permet que, dans le système pervers actuel, on puisse ne pas faire attention à ce que veut, pense, croit, près d’un Français sur deux. 

L’extrême droite est à la fois la force de contestation radicale et, en même temps, l’instrument de la neutralisation de cette contestation. 

La politique, cela consiste à porter au grand jour, à clarifier, à mettre en mots, en objets d’échange, ce qui est en l’individu. 

La politique, c’est la transmutation de l’individuel en social par un processus de prise conscience, d’échange et d’arbitrage. C’est le contraire de la régression et de l’obscurantisme. 

Il faut porter attention à l’extrême droite. Au peuple d’extrême droite, c’est une erreur historique de le rejeter. 

L’extrême droite est-elle capable de se comporter de façon telle qu’elle mérite attention? Y a-t-il au sein de l’extrême droite des gens qui puissent émerger, participer au combat politique, tout en ne perdant pas l’empathie qu’ils ressentent pour ces 40 % de Français? 

Voilà une question fondamentale. 

Y a-t-il des penseurs, des tribuns, des organisateurs capables de renoncer à l’obscurité des instincts et de supporter la lumière du progrès et de la civilisation ? 

Jen-François Kahn : A partir du moment où aussitôt que vous osez émettre une opinion, vous êtes lynché, le débat devient impossible. Jean-François Copé a été lynché pour son opinion sur  le racisme « anti-blanc ». Vincent Peillon a été lynché parce qu’il a osé dire que le débat sur le cannabis pouvait être engagé. Jean-Marc Ayrault a été lynché parce qu’il a dit qu’il fallait voir le problème des 35 heures sans tabou. Eva Joly a été lynché parce qu’elle a dit qu’organiser un défilé militaire le jour où on fête la prise de la Bastille n’était pas forcément une bonne idée. A partir du moment où on ne peut plus rien dire, qu’il y a une espèce de terreur aussitôt que vous faites autre chose que de la langue de bois, cela ne joue pas en faveur de la démocratie ! 

Les médias sont en grande partie responsables. Aujourd’hui, le système médiatique, c’est une « hystérie » par jour et un côté mouton de Panurge. Le magazine Marianne a fait sa « Une » sur le « panurgisme » des médias. Je suis tombé sur un débat télévisé sur cette question. Laurent Neumann, le directeur de la rédaction de Marianne, était confronté à des éditorialistes des autres journaux. Tous les éditorialistes concurrents, sans exception, l’ont fustigé : « C’est une honte de critiquer les médias, nous sommes parfaits ! » Les médias ont le droit de critiquer tout le monde, de montrer tout le monde du doigt, mais les seuls qui sont « sacrés », qu’on n’a pas le droit de toucher, sont les médias eux-mêmes. Or, ils ont tout faux ! Il sont en grande partie responsables de cette décadence, de cette décrépitude de la démocratie.  

D’une manière générale, les extrêmes ne se contentent pas de se mobiliser pour des raisons d’alternance, ils remettent en cause le système. Mais lorsqu’ils étaient révoltés contre le système républicain, le système républicain était défendable. Quand ils extrêmes étaient révoltés contre la démocratie, la démocratie était défendable. Mais aujourd’hui, ils sont face à un système qui n’est pas défendable. C’est là où est tout le problème. C’est très difficile de traiter d’extrêmes des gens qui sont, en effet,  révoltés contre un système indéfendable. C’est pourquoi la définition d’extrême est si compliquée… 

Propos recueillis par Alexandre Devecchio-ATlantico /Publié le 2 novembre 2012

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EN COMPLEMENT ET RAPPEL : Politique Friction du Samedi 27 octobre 2012 : Attention, porter attention à l’extrême droite par Bruno Bertez

Je soutiens que l’on a le droit d’être d’extrême droite. Je soutiens sur la base des enquêtes les plus sérieuses, près de 40% des Français, 38% précisément des Français, sont proches de ses idées. Sondage réalisé avant les présidentielles, en mars dernier si mes souvenirs sont bons. Les sondeurs pensent en outre que ce chiffre constitue une sous déclaration, il serait minoré.

Par ailleurs, une forte proportion des gens qui ont voté Front de Gauche ont des idées proches de celles du Front National. J’ai écrit un papier humoristique sur cette question et suggéré une réunification de ces deux apparents ennemis, ennemis parce que tout les rapproche.

   Les faux démocrates ne gagnent les élections que par la mise de côté de ces Français qui se sentent proches des idées des extrêmes. Elle permet la perpétuation des mystifications, grâce à l’imposition de fausses alternatives manipulatrices et, en réalité, confiscatoires des volontés nationales.

Je soutiens que la situation politique de la France est ce qu’elle est parce que l’on ne fait pas attention à ce qui crève les yeux ; l’extrême droite est le premier parti de France en termes d’adhésion à des idées. Les socio-démos, les fausses droites, la pseudo-gauche kleptos et élites auto proclamées ne tiennent le haut du pavé que parce qu’elles ont le champ libre en raison de la démonisation de l’extrême droite, en raison de la mise hors-jeu de 40% des Français.

Je soutiens que les leaders de l’extrême droite eux-mêmes fourvoient leurs troupes et leurs sympathisants, qu’ils empêchent la transition vers quelque chose de plus satisfaisant de se faire. En conduisant une large fraction de ceux qui n’ont pas grand-chose à perdre dans une impasse,  ils renforcent objectivement l’ordre en place, ils sont alliés objectifs des kleptos, ils permettent que cela dure.

Même analyse pour Mélenchon qui vend les voix de ses supporteurs contre le plat de lentilles de l’exercice d’un leadership qui ne conduit nulle part.

Ce n’est pas un hasard si, à chaque opportunité, ces zozos d’extrême droite et gauche s’efforcent de se tromper de combat et d’emmener leurs troupes là où elles ne servent à rien qu’à se ridiculiser.

Je soutiens que ce sont les 40% de Français qui votent ou ne votent pas, mais qui se reconnaissent dans la position de rejet (verbal) du ou des Fronts qui constituent le socle du vrai changement à partir duquel on pourra secouer la domination de la coalition klepto/socio-démo/constructiviste.

L’impossibilité de gouverner, de peser, de faire les bons choix, vient de là, la stérilisation de 2/5 de la population, la mise hors-jeu politique de 2 Français sur 5.

Ce sont ces Français qui portent en eux le mécontentement, la colère, les motivations pour dire non.

Quel est l’obstacle? Voilà la question clef?

L’obstacle ce sont :

– Les origines de l’extrême droite

– Les chefs historiques de l’extrême droite

– Les cadres de l’extrême droite

– Les absences de stratégie de l’extrême droite

– Le flou des principes fondateurs

– L’absence de vivier de pensée et de réflexion

L’extrême droite se complait dans les positions et prises de positions reptiliennes, primaires. Elle n’a pas accédé au progrès, à la raison, au savoir. Elle vit et joue sur les pulsions, les réflexes, elle capitalise sur ce qui est noir en l’homme, au lieu de permettre à ce noir de s’exprimer et venir au jour pour devenir blanc, dicible, négociable.

L’extrême droite, en se nourrissant de pulsions primaires, barre son propre accès à la politique.

Elle empêche l’accès au politique de près de la moitié de la population, elle permet que, dans le système pervers actuel, on puisse ne pas faire attention à ce que veut, pense, croit, près d’un Français sur deux.

L’extrême droite est à la fois la force de contestation radicale et, en même temps, l’instrument de la neutralisation de cette contestation.

La politique, cela consiste à porter au grand jour, à clarifier, à mettre en mots, en objets d’échange, ce qui est en l’individu.

La politique, c’est la transmutation de l’individuel en social par un processus de prise conscience, d’échange et d’arbitrage. C’est le contraire de la régression et de l’obscurantisme.

Il faut porter attention à l’extrême droite. Au peuple d’extrême droite, c’est une erreur historique de le rejeter.

L’extrême droite est-elle capable de se comporter de façon telle qu’elle mérite attention? Y a-t-il au sein de l’extrême droite des gens qui puissent émerger, participer au combat politique, tout en ne perdant pas l’empathie qu’ils ressentent pour ces 40 % de Français?

Voilà une question fondamentale.

Y a-t-il des penseurs, des tribuns, des organisateurs capables de renoncer à l’obscurité des instincts et de supporter la lumière du progrès et de la civilisation ?

BRUNO BERTEZ Le Samedi 27 Octobre 2012

llustrations et mise en page by THE WOLF

EN BANDE SON :

EN COMPLEMENT : Exégèse par Bruno Bertez

  Je pars d’un constat simple que tout le monde peut faire et a certainement fait ces dernières semaines. Le soutien à la politique du gouvernement, à Hollande et à Ayrault, s’est effondré en quelques semaines.

Certains fournissent des alibis, ils sont, soit de mauvaise foi, soit peu convaincants.

La réalité est incontournable: le Président et son gouvernement paient le prix de promesses intenables. Ils ont trompé les électeurs en minimisant la portée de la crise, en promettant des remèdes inconsistants, incompatibles avec la participation de la France à l’euro. Pire, les volontés de nivellement social, la priorité donnée aux marginaux sur la masse de la population, se traduit par une inquiétude, une déstabilisation, une démoralisation de la société française qui débouchent sur la frilosité et l’accroissement du chômage. Il s’y ajoute des décisions concrètes manifestement contreproductives simplement justifiées par un agenda socialiste sur lequel aucune majorité ne s’est exprimée.

La non-légitimité démocratique d’élections trompeuses, dolosives, doit être admise, tout comme elle doit être admise pour Sarkozy, tout comme elle devait être admise pour Mitterrand qui a trahi le peuple de gauche allégrement.

La complicité des élites, des médias et des corps intermédiaires ne fait aucun doute.

On entend sans cesse justifier cette situation scandaleuse par des arguments de real politik, par la fin justifie les moyens, par, en fait, le déni de la démocratie conçue comme système dans lequel le peuple est souverain.

L’analyse de l’action réelle, celle qui va à l’essentiel et ne retient que la Big Picture montre que sur cet essentiel, il y a peu d’écart entre les positions de la sociale démocratie et celles de la fausse droite.

Tous deux veulent que cela dure, que le système se reproduise à l’identique. Ils veulent que le système du « deficit spending » continue, donc ils veulent que leurs banquiers soient sauvés et puissent continuer à faire leurs fins de mois dispendieuses. En conséquence, ils essaient de faire payer l’excès de dettes, de recapitaliser les banquiers par les citoyens et leur imposent l’austérité.

Ceci dans les deux cas, que l’on soit social démo ou de fausse droite, signifie augmenter les impôts, retirer des bénéfices sociaux, rogner les retraites, reprendre les quelques miettes que le peuple a tiré du gigantesque progrès des 30 dernières années. En un mot, les deux cotés mettent en place des politiques de régression et j’allais oublier de répression et de contrôle.

Du côté gauche avec un peu plus d’accent sur la réduction des inégalités conçue comme tonte des classes moyennes au profit des marginaux. Et des avancées sociétales pour se concilier les bobos.

Du côté droit, avec une fausse attention aux retours des grands équilibres économiques et aux entreprises, mais avec une pointe de nationalisme va-t’en guerre qui remplace les avancées sociétales de gauche dans le dispositif.

Personne ne conteste la monnaie unique, laquelle pourrait être commune sans être unique.

Personne ne conteste le laminage des spécificités nationales, historiques et le rouleau compresseur de la standardisation, mondialisation, européisation.

Personne ne relève la contradiction entre la tonte des citoyens pour cause de nationalité et donc de dette à la patrie et l’accueil à bras ouverts d’étrangers qui n’ont participé en rien à la construction de cette nation. La glorification ridicule des anciens combattants d’outre-mer servant aux yeux des plus débiles à escamoter cette contradiction majeure.

Personne n’ose évoquer la question d’un système monétaire pervers, injuste, dissymétrique au service du laisser-aller américain.

Pour ne citer que quelques sujets sur lesquels il y a consensus entre les socio-démos et la fausse droite.

Dans tous les cas, il s’agit de répartir, partager la pénurie artificielle des peine- à-jouir ; dans tous les cas, il s’agit de régner sur les Français par la culpabilisation, voire la castration. Régner sur les Français par la culpabilisation et bien sûr la peur, l’infantilisation, l’excitation des affects et émotions. La réunion en cours du PS ce week-end donne le triste exemple du refus de s’adresser à l’intelligence, au savoir, à ce qui fait la dignité du citoyen,  sa capacité de réflexion.

Et ce n’est pas le débat scandaleux entre les deux prétendants au leadership de l’UMP qui nous fera changer d’avis.

Nous observons en revanche, que beaucoup de Français disent non, refusent cette situation. Pourquoi ? Parce qu’ils en souffrent, pas seulement matériellement.

Ils votent non, ils votent blanc, ils votent extrêmes pour des partis de protestation, ils refusent de voter, de plus en plus nombreux.

Si la propagande en faveur du vote et de la culpabilisation de ceux qui ne votent pas devait cesser, c’est encore plus de citoyens qui resteraient à l’écart des partis de gouvernement. La légitimité des élus déjà bien faible s’effondrerait littéralement.

L’un des problèmes, et il n’est pas propre, spécifique à la France, est que la collusion des élites renvoie les citoyens vers les extrêmes, vers ce qui se situe à la marge de la politique. Ce faisant, les mécontents, les divergents se trouvent neutralisés, ils n’ont pas de voie et de voix pour s’exprimer. En plus, les bien-pensants/malfaisants s’autorisent à les dénigrer, à les traiter comme des moins que rien et comme des sous-citoyens. Des sous-citoyens archaïques, débiles, que l’on s’autorise ainsi à négliger.

C’est le sens de mon credo, attention, il faut faire attention à l’extrême droite. Il est scandaleux de traiter ceux qui sont porteurs du vrai refus de la collusion actuelle comme des sous-hommes. De traiter ceux qui, intuitivement, savent que cela ne marche pas, que le système est cassé, que l’on va de mal en pire, comme des ilotes. Le fait que ces gens soient en grande majorité des gens du peuple, des gens qui se coltinent le réel alors que les autres ne font que parler, ce fait déjà justifierait qu’on les valorise et qu’on les écoute.

Sont-ce les fonctionnaires, les planqués de la crise, les profiteurs de la répartition et des snobismes qui sont au front, en première ligne? Non. En grande partie, ces gens sont des gens de la production, du vrai travail, de l’effort et de la vie dure.

Voilà pourquoi nous disons qu’il faut revenir sur terre, analyser, critiquer afin que ce réservoir de citoyens ne soit pas fourvoyé, afin qu’il ne soit pas logé dans les poubelles dans lesquelles les apôtres de la bien-pensance voudraient les fourrer.

Voilà pourquoi il faut donner une expression politique digne, claire, même si elle est diversifiée, à tous ceux qui disent non. Il faut que leur expression politique sorte, comme je le dis, du reptilien, du primaire, du noir. Il faut que ceux qui refusent les politiques et les fausses alternatives actuelles puissent accéder à la politique, puissent débattre des grands thèmes, de l’Europe, de la monnaie, des taxes, des libertés, du poids de l’Etat, de la souveraineté, de l’évolution de la société, de la modernité, etc.

Au lieu de maintenir près de la moitié de la population dans le viscéral et le rejet, il convient de faire en sorte de lui fournir les moyens de s’exprimer et d’être représentée.

 BRUNO BERTEZ Le Samedi 28 Octobre

3 réponses »

  1. très lucide analyse; la droite dont vous parlez (les 37%) n’est pas extrême – il faut donc changer de vocabulaire – elle défend les valeurs de base de la république, c’est tout; elle ne se reconnaît pas dans les logorrhées le pennistes mais refuse ( entre autres) qu’une religion quelle qu’elle soit vienne dicter à son pays des usages inacceptables.

  2. Le chef de Marianne fustigeant la démagogie médiatique… c’est un peu l’hôpital qui se fout de la charité non?

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