Japon

La gabegie dans les fonds alloués à la reconstruction après le séisme et le tsunami au Japon

La gabegie dans les fonds alloués à la reconstruction après le séisme et le tsunami au Japon

Près de la moitié du budget de la reconstruction n’a pas encore été débloquée. Et certaines sommes ont été allouées à des projets sans rapport avec la reconstruction

Des sommes bloquées, des aides détournées, des subventions remisées… L’argent de la reconstruction au Japon reste l’Arlésienne pour les sinistrés du séisme de mars 2011. Les rapports indépendants et les enquêtes qui se multiplient depuis plusieurs semaines éclairent au grand jour les errements du système bureaucratique nippon, accusé de saper la reconstruction. Et cela renvoie le Parti démocratique au pouvoir à ses engagements de transparence pris en 2009.

Projets sans rapport

Dans un long document rendu public fin octobre, le conseil japonais de la vérification a révélé que près de la moitié du budget de la reconstruction du pays – quelque 184 milliards d’euros – n’avait pas encore été débloquée à la suite d’indécision et de retards au sein de l’administration. La Cour des comptes japonaise a surtout mis en évidence des dépenses qui n’avaient qu’un rapport très lointain sinon surréaliste avec les besoins dans les zones sinistrées, où 325 000 personnes attendent toit et travail, où les collectivités locales raclent les fonds de tiroir. Ainsi, 330 millions de yens (environ 3,2 millions d’euros) ont été versés pour des travaux de réparation dans un stade à Tokyo. Quelque 500 millions de yens (près de 4,8 millions d’euros) ont été distribués pour une route côtière à Okinawa, tout au sud de l’Archipel. Interrogé par la chaîne NHK, un entrepreneur présent sur le chantier a d’ailleurs admis qu’il «ne s’agissait pas vraiment d’un projet essentiel». Des enveloppes ont été également allouées pour la formation professionnelle de détenus, des travaux de recherche d’une agence gouvernementale sur la dépollution et la fusion nucléaire, des mesures de protection de la flotte baleinière, des programmes d’invitation et de communication, etc.

C’est la NHK qui a levé le voile sur ses pratiques en septembre dans un documentaire. Face à l’ampleur des détournements, elle a consulté Yoshimitsu Shiozaki, professeur à la Ritsumeikan University de Kyoto. Ancien auditeur du budget de la reconstruction pour le grand séisme de Kobe en 1995, il est arrivé à la conclusion que, sur les 88 milliards d’euros d’aides budgétisées jusqu’à présent, un gros quart avait été affecté à des projets sans rapport avec la reconstruction dans les trois préfectures les plus touchées par le séisme et le tsunami du 11 mars 2011, celles d’Iwate, Miyagi et Fukushima. «Juridiquement parlant, ces projets ne posent pas problème, expliquait récemment Yoshimitsu Shiozaki au Japan Times, recommandant aux députés et aux fonctionnaires de venir dans les zones sinistrées. Des faits similaires se sont produits après le tremblement de terre de 1995. […] Simplement, cette fois, [les fonds] sont utilisés d’une manière plus trompeuse.»

De plus en plus critiquées, les autorités tentent de défendre leurs choix. «Le gouvernement n’a pas fait assez et ne l’a pas fait de façon adéquate. Il faut écouter ceux qui disent que la reconstruction devrait être la première priorité», a confessé le 29 octobre le chef du gouvernement, Yoshihiko Noda, dans un discours devant le parlement. Avant de promettre que les projets sans rapport seraient bientôt privés de budget.

Par Arnaud Vaulerin Kyoto /Le Temps Nov12

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