Commentaire de Marché

Matières Premières : L’incertitude autour des schistes

Matières Premières : L’incertitude autour des schistes

Gunvor. L’estimation des réserves de schistes aux Etats-Unis a été fortement revue à la baisse. La révolution en est-elle encore une?

L’Agence d’Information sur l’Énergie (EIA) réduisait en début d’année ses estimations de réserves de pétrole de schiste dans le bassin de Monterey en Californie de 96%. De 14 milliards de barils récupérables, le gisement n’en offrirait plus que 600 millions. Plusieurs estimations concluent que les réserves de la formation Utica ne seraient qu’une fraction – environ 5% – de ce que les autorités avaient laissé entendre. «Les attentes suscitées sur le plan financier par l’essor de l’exploitation des schistes ont été souvent exagérées par les sociétés pétrolières et par Wall Street» écrivait Bernard de Combret en février dans les Echos. Après l’enthousiasme extravagant des premiers temps, attribué par certains à la construction délibérée d’une nouvelle bulle, la promesse des énergies de schiste se dégonfle-t-elle réellement?

David Fyfe, chef économiste chez Gunvor à Genève, se montre plus mesuré. Si l’exubérance irrationnelle des dernières années ne se justifiait pas, le désarroi n’est pas non plus de mise.

Il distingue tout d’abord les réserves de pétrole de celles de gaz. La profondeur de ces dernières étant beaucoup plus considérable et bien plus transformatrice pour l’économie américaine. Il rappelle, en outre, qu’il eut été absurde de compter sur les réserves californiennes et que ni le bassin de Monterey ni la formation Utica à New York n’ont jamais été considérées comme des sources primaires d’énergie fossile. En d’autres termes, qu’il n’y jamais été question de les exploiter dans les premières années. La densité de population, et dans le cas de la Californie, les normes environnementales, ont toujours représenté un frein au développement du forage et l’exploitation de ces zones qui ne pourrait être envisagée qu’avec une hausse significative du prix du pétrole et plutôt à partir de 2030 que de 2020. Il rappelle, une fois encore, l’importance des réserves prouvées par rapport à celle des ressources physiques estimées auxquelles les médias accordent un poids superfétatoire.

«Cependant si la cadence d’exploitation des huiles de schistes restera rapide jusqu’en 2020, elle sera amenée à ralentir par la suite» observe-t-il. Il est hors de question que la production de brut américaine continue à s’accroitre d’un million de barils/jour chaque année.

La forme de la courbe des futures sur le Brent et sur WTI marque toutefois une évolution marquée du sentiment. Pour les deux produits, les courbes de janvier projetaient un net fléchissement des prix à 5 ans, avec des valeurs entre 85 et 90 dollars le baril pour le Brent et entre 75 et 80 dollars pour le WTI. Ce n’est plus le cas. A fin août, ces valeurs sont remontées respectivement au dessus de 95 dollars pour le Brent et 85 pour le WTI. Jusqu’en début d’année, le marché sous-estimait les risques d’approvisionnement. La réévaluation des réserves californiennes a sonné l’alarme, au même titre que les problèmes politiques en Irak et en Russie.

Les schistes ont tout de même révolutionné l’économie américaine. D’importateurs de pays pétroliers, les Etats-Unis sont passés au statut d’exportateur avec 4 millions de barils/jour de produits raffinés. Ce qui a fait plonger le raffinage européen. L’interdiction d’exporter le brut américain reste en vigueur mais la vente à l’international des condensats est maintenant autorisée, au cas par cas. Chaque cargo doit en demander l’autorisation.

«Le pétrole de schiste est beaucoup plus sensible au prix que ne le sont les produits extraits des réservoirs traditionnels» observe David Fyfe. L’approche classique exige des capitaux de départ considérables mais l’exploitation est beaucoup moins couteuse. C’est l’inverse pour le pétrole de schiste qui demande peu d’investissement et exige de forer et forer encore, avec un taux de déclin naturel de 35% à 45%. Avec un seuil de rentabilité situé entre 50 et 80 dollars le baril pour le WTI (et 60 à 90 pour le Brent), dès que le prix du brut chute (il est aujourd’hui en dessous de 100 dollars pour le Brent), l’exploitation d’un gisement de schiste trop couteux peut cesser immédiatement, offrant la remarquable flexibilité d’une industrie qui peut stopper et repartir à tout moment en fonction du prix. Reste aussi à déterminer ce qui se passera lorsque la Réserve Fédérale rehaussera les taux car les sociétés du secteur sont lourdement endettées.

Il apparait aujourd’hui qu’il sera difficile d’exploiter les schistes en dehors des Etats-Unis. Leur réseau d’oléoducs, la facilité d’obtention des permis de forage et les droits sur les ressources souterraines leur procurent un avantage considérable dans ce domaine. Rien de semblable en Europe bien évidemment. Quant aux réserves russes ou chinoises, on ne sait pas grand’chose de leur densité. L’Agence internationale de l’Energie estime que sur les quelques 6 millions de barils/jour léger de brut non acide qui seront produits à l’horizon 2030, seuls 1 million sera produit hors des Etats-Unis

Nicolette de joncaire/ AGEFI SUISSE 15/9/2014

http://agefi.com/marches-produits/detail/artikel/gunvor-lestimation-des-reserves-de-schistes-aux-etats-unis-a-ete-fortement-revue-a-la-baisse-la-revolution-en-est-elle-encore-une%3F-381615.html?catUID=19&issueUID=675&pageUID=20178&cHash=d744bca9933f761e42c29a6a9046fdf5

1 réponse »

  1. attention à ce genre de commentaires sur le gaz et l’huile de schiste; voir
    http://bit.ly/1qjAWxq

    et aussi le fracking sans eau en cours d’essais au Colorado School of Mines; azote liquide;

    Today’s Energy and Capital
    Waterless Fracking Technology
    Is Cryogenic Fracturing the Next Step for the Shale Boom?

    http://bit.ly/1qjBgfx

    Cordialement

    Encore une fois, les gaz et huiles incluses dans les roches sédimentaires à composés organiques, sous forme de petites bulles sont une ressource totalement nouvelle accessible grâce à l’innovation technologique. Comme toujours, le problème c’est, est ce que ce qui est produit vaut plus que ce qu’on a mis pour le produire. Cordialement

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