Commentaire de Marché

L’Edito du Lundi 13 Octobre 2014 : Déroute sur les marchés, le boomerang de la liquidité Par Bruno Bertez

L’Edito  du Lundi 13 Octobre  2014 : Déroute sur les marchés, le boomerang de la liquidité Par Bruno Bertez

Méfiez-vous des fausses interprétations, méfiez-vous des faussaires de l’interprétation. Tel est le sens de cet article. Nous voulons persuader que ce qui se passe sur les différents marchés n’est pas une péripétie, mais une véritable alerte sur quelque chose, sinon de systémique, du moins de fondamental. Avertissement, ceci n’est pas une prévision, mais une tentative d’interprétation de ce qui se passe. Vous connaissez notre position à cet égard, prévoir l’avenir est impossible, tout au plus peut-on voir le présent avec le regard de demain.

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Nous voulons démontrer que la logique profonde, cachée, de la dislocation de ces derniers jours est la chaîne suivante: risk-off, deleveraging, besoin de liquidités, pertes substantielles sur des stratégies qui dépendent d’un seul et même élément, la foi dans la toute-puissance des Banques Centrales, la confiance dans leur connaissance du Système. Nous affirmons que, de la même manière que la crise de 2007/2008 s’est déclenchée sur la rupture d’un invariant -la croyance en la hausse continue du prix des logements- la crise qui peut survenir  repose sur un invariant: la croyance dans les capacités de banquiers centraux à contrôler le monde réel.

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Dans notre optique, il n’y a aucune diversification des assets, c’est une illusion car tous ont le même sous-jacent, à savoir la capacité de la Fed à tenir ses promesses. En particulier, celles de liquidités et d’assurances. La diversification est un mythe.

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Les marchés ont chuté au cours de la semaine écoulée, avec un bel ensemble. Le mot important, c’est «ensemble». Rien n’a été épargné. Les capitaux n’ont pas fui, délaissé un endroit pour aller vers un autre, non, ils se sont évanouis. Il y a eu destruction. Beaucoup de mouvements, que l’on fait passer pour des flux de capitaux qui se déplaceraient, n’en sont pas, ils recouvrent des destructions pures et simples.

Le second élément est que, pour une fois, il y a eu transmission au cœur du Système, c’est à dire aux USA. Ce n’est pas simplement la périphérie exposée, volatile et de seconde qualité, qui a été sous pression, c’est également ce que nous appelons, le Centre.

Les actions US ont diminué notamment avec une très haute volatilité intraday, et la paire USDJPY s’est effondré …

Les actions ont chuté, le S&P 500 a perdu plus de 3%. Les Transports ont dégringolé de 7%. Le Nasdaq en a été pour 4%, les semi-conducteurs pour près de 10% et le Russell pour 5%. Plus le risque est élevé et plus on a baissé. Le VIX s’est envolé, on est au plus haut de 8 mois; il nous revient que l’achat de la volatilité est, avec un conseil baissier sur le pétrole, notre seule recommandation de ces derniers mois. 

Les spreads Corporate se sont élargis au plus haut de 7 mois; les protections sur les Junks sont au plus haut de 12 mois; le prix du risque sur les émergents est à un plus haut de 7 mois. Les marchés européens ont subi une dégelée sous la conduite du DAX qui a dû abandonner près de 4,5 % et se retrouve en recul de plus de 8% sur le début d’année. Les matières premières ont plus que reflué sous la conduite de l’énergie: le pétrole a chuté de plus de 4%, les pertes sur l’année sont de plus de 13%.

Les pertes sur le risk-on sont colossales, amplifiées par les recours à l’effet de levier. Il ne faut pas oublier que tout, absolument tout, est «leveragé». Plus les autorités ont baissé les taux sans risque, plus elles ont prolongé la diète et plus l’appétit pour le risque a été stimulé. On a compensé par l’élargissement du levier, la réduction de la rémunération de base. Les stratégies sur les actions, technos en particulier, sur les devises, sur les commodities, sur la dette corporate, tout est en levier. De combien? Personne ne le sait car tout ceci passe en plus par le «leverage» que constituent les dérivés, rigoureusement non chiffrable. La certitude que la Fed ne surprendrait pas, qu’elle pourrait tenir ses promesses, qu’elle contrôlerait tout, cette certitude a fait que les assurances ont été très bon marché et que les assureurs eux-mêmes sont à nouveau, comme en 2008/2009, vulnérables. Il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas de véritable assurance dans le Système, personne n’a les fonds propres et les réserves pour offrir une véritable assurance, non l’assurance est dynamique, on va se couvrir sur le marché.

La Fed a commis une erreur d ‘analyse et de communication colossale. Depuis de nombreuses semaines, elle croit que la fin du Taper est une menace pour le niveau des taux longs. Donc elle communique en ce sens, c’est à dire qu’elle braque les opérateurs sur le niveau des taux comme si c’était cela qui était important et comme si c’était cela qu’il fallait craindre. Erreur funeste, ce n’est pas le niveau des taux qui est à craindre, c’est autre chose de plus subtil, c’est le besoin pour les opérateurs de couvrir les dettes qu’ils ont  contractées -les liabilities- en dollars au passif de leur bilan.

Les pertes sont importantes, disons-nous, et jusqu’aux gros, aux très gros, car ils étaient «shorts» de Treasuries à 10 ans, lesquels sont au plus haut de juin 2013! Sacré contrepied, ils ont joué la fin du Taper et «shorté» les Treasuries et ils doivent absorber une baisse des taux de 15 pbs! Depuis le début d’année, c’est le contrepied intégral: les taux du 10 ans sont revenus à 2,28% soit une baisse de rendement de 75 pbs.

Face à une pareille unanimité, notre interprétation est qu’il y a un facteur commun, une cause commune, qui explique ce qui se passe et, cette cause, c’est la peur de la disparition de la liquidité. Lorsque cette peur montre le bout de son nez, alors, la réflexivité se met en branle et, dans un système aussi fragile que le système actuel, toutes les stratégies cherchent à se déboucler en même temps, avec le risque que la porte de sortie soit trop étroite. Les notions de valeur, de prix, de gains et de pertes, perdent toute signification car, à partir d’un certain point, c’est la survie qui est en jeu.

Une hypothèse voisine et complémentaire est qu’à un endroit ou a un autre, lequel, nous l’ignorons, il y a du stress bancaire. Les mouvements actuels en constitueraient les prémices ou les symptômes. Ce qui semble confirmer cette supposition, c’est le brutal accès de faiblesse de l’or qui, il y a quelques jours, est passé sous les 1200 ; les études montrent que de tels accès de faiblesse de l’or précèdent régulièrement  les périodes de stress bancaire et les annoncent. Il ne faut pas oublier que la pierre angulaire du système et de la liquidité, ce sont les collatéraux. En dehors des Etats-Unis, et des actifs en dollars, le collatéral universel est l’or. Son utilisation comme  collatéral  apparaît, aux yeux des profanes, comme une vente. C’est une opération un peu compliquée.

La dislocation de la semaine dernière est particulièrement mal venue:

  • On a annoncé la fin du Taper, ce qui crée une incertitude majeure, personne ne sait où l’on va…

  • Un regain de déflation globale se profile, voire se précise!

  • On révise en baisse les perspectives de croissance et celles du commerce mondial.

  • La reprise US est menacée par la formation en cours d’un Top sur le logement.

  • La chute des commodities fragilise les émergents (surendettés) en cascade.

  • Le deleveraging, la contraction des passifs augmentent les besoins et la rareté du dollar. 

On voit fleurir ici et là ce que nous avons qualifié de fausses interprétations. Ainsi, on cherche à implanter l’idée que les responsables de la déroute, ce seraient la menace Ebola ou les  affrontements géopolitiques. Comme d’habitude, c’est habile, et cela peut marcher. L’une des techniques pour manipuler les marchés consiste à tracer de fausses causalités -que l’on sait temporaires et maîtrisables- afin de préparer, lors de leur disparition, la reprise en mains. A côté de cette parade, il y a: le bluff, les guidances verbales, ce que l’on appelle le jawboning, puis les promesses d’intervention et finalement les interventions elles-mêmes.

Nous, nous disons que ce qui est en cause, c’est la menace de la disparition de la liquidité et, pour boucler le tout, nous rappellerons cette sentence d’un des rares sages parmi les gouverneurs de la Fed : «la liquidité, c’est, on croit que l’on va vendre plus cher que l’on a acheté»!

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BRUNO BERTEZ Le Lundi 13 Octobre 2014

illustrations et mise en page by THE WOLF

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6 réponses »

  1. …voir le présent avec les yeux de demain…comme cela est bien dit en si peu de mots.
    si cela pouvait être vrai nous n’en serions pas là. Je pense que cette peur est en effet celle du manque elle est l’angoisse du junkie : le manque de liquidité et l’enfer de vivre sans se profile. Il prend conscience de cela et le stress lui mordille ses certitudes.

  2. Boulets rouges sur les Allemands, pleins feux sur les Bunds.

    Les réunions internationales sont relativement peu commentées. Ainsi on s’est peu attardé, sauf Bloomberg et un peu Reuters sur le conflit qui oppose les Allemands au Reste du Monde. Les allemands tiennent bon et même ils ont tendance, sinon à durcir leur position, mais à l’exposer plus clairement ces dernières semaines.

    Les inflationnistes, sous la conduite des Anglo-Saxons défendent l’idée qu’il faut aller plus loin dans la stimulation monétaire pour lutter contre la déflation et améliorer la situation économique. Ils essaient de faire croire que l’obstacle à la reprise plus large, c’est la situation de l’Europe: si elle procédait aux QE, tout irait mieux.

    Le bloc Allemand soutient la thèse orthodoxe que la stimulation monétaire est un feu de paille, peu efficace, mais très dangereux à trois titres.

    -elle détourne de prendre les décisions de bonne gestion qui s’imposent
    -elle crée de l’instabilité
    -elle détruit les bilans des Banques Centrales et met en danger la monnaie.

    Les Allemands soutiennent qu’à ce stade les politiques monétaires ne peuvent plus grand chose et que c’est aux politiques et aux autorités fiscales d’avoir le courage de prendre les décisions qui s’imposent.

    A noter que les Allemands ne sont jamais allé jusqu’à élaborer et tenter de présenter un schéma général de sortie de crise, ils restent à l’intérieur de leur sphère, la monnaie et l’UE.

    Nous ne connaissons pas de plan Allemand de sortie de crise, de plan qui engloberait tous les aspects de la situation. Les analyses Allemandes sont des analyses partielles qui, à ce titre ne se posent pas la question de ce qui se passerait si tout le monde menait la même politique qu’eux et ne faisaient que rechercher la compétitivité. L’Allemagne n’a pas la prétention Francaise de tout savoir, elle sait ce qui est bon pour elle, ses voisins, mais au delà , elle ne s’interroge pas sur la question de savoir si les modèles partiels sont transposables au global. En particulier, ce qui est bon pour le Bloc Allemand c’est la dissymétrie. Aux uns, les excédents et la production et aux autres, la consommation et les déficits.

    En mot comme en cent, les Allemands refusent de considérer que le monde global est un système.

    Le fait plus important, au plan financier, est une anomalie. Jusqu’à trois ans de maturité, les fonds d’Etat Allemands offrent un rendement négatif! Personne n’a l’air de s’y intéresser et de s’interroger: C’est la miracle de la linéarité, quand les rendements sont faibles, puis passent à zéro, on finit par trouver normal qu’ils deviennent négatisf. On ne prend pas conscience du fait qu’il s’agit d’une rupture, d’un changement de monde, donc de logique: Se contenter d’un rendement faible lorsque rien ne rapporte, cela se comprend, mais accepter un rendement négatif, c’est autre chose, ce n’est pas la continuité, on se situe dans un autre cadre analytique.

    Accepter de payer l’Allemagne pour qu’elle s’endette, ce n’est pas banal. Certes l’Allemagne refuse de fabriquer du déficit et donc de produire de la dette alors que le système en demande, mais de là à la payer pour qu’elle s’endette, il y a un monde.

    Il faut donc prendre le problème autrement et le formuler d’une facon paradoxale puisque nous sommes dans le paradoxe.

    Si vous achetez de la dette Allemande, cela veut dire que vous échangez du cash, des espèces ou des dépôts bancaires ou que vous vendez un autre asset quasi-monétaire pour obtenir des Bunds Allemands. Comme les Bunds Allemands ne vous rapportent rien, cela veut dire que vous ne recherchez pas le rendement, vous recherchez la protection du capital, le retour du capital. Vous considérez que posséder des Bunds maintient mieux la valeur réelle de votre capital que, soit les espèces, soit les quasi-monnaies et money-like que sont les dépôts bancaires et les autres dettes souveraines.

    Vous anticipez, vous faites le pari que le risque de destruction est important et qu’il est moindre sur les Bunds que sur les autres monnaies et money-like. Au passage, nous vous indiquons que les Bunds Allemands sont un moyen d’avoir de la monnaie Allemande et d’échapper à l’euro et que l’écart entre le rendement négatif dont on se contente sur les Bunds et les rendements positifs ailleurs est une facon de mesurer la dévaluation implicite des autres monnaies. Comme tous les rendements sont faibles à causer des politiques de taux zéro, les écarts paraissent faibles dans l’absolu, mais ils sont très gros en relatif et ils recouvrent des dévaluations implicites considérables.

    Est ce que les marchés se trompent dans leur anticipations? c’est bien sur la question centrale, et on peut s’interroger sur la validité:

    -1 du scénario de destruction
    -2 du scénario de préservation de l’Allemagne.

    Cela fait beaucoup de questions: Est ce que la situation va se détériorer? Est-ce que cela ne va pas couler l’Allemagne et l’entrainer dans la chute? Quelles sont les chances pour que l’Allemagne échappe au sort commun européen, voire mondial? Est ce que l’Allemagne est vraiment isolée des turbulences à venir, la sécurité n’est elle pas illusoire? Les autorités Allemandes choisissent elles la bonne politique sous cet aspect, ne se font elles pas des idées elles aussi?

    Nous n’avons pas de réponse, bien sur, mais nous pensons que l’évolution des taux Allemands et l’évolution des spreads aussi bien à l’intérieur de l’Europe que du monde developpé mérite attention.

  3. Mardi 14 octobre 2014 :

    Allemagne / ZEW-Le sentiment des investisseurs au plus bas depuis 2012.

    L’indice ZEW mesurant le moral des investisseurs et analystes allemands est tombé ce mois-ci en territoire négatif pour la première fois en deux ans, une donnée qui suggère que la première puissance économique européenne souffre de crises à l’étranger et de la conjoncture déprimée, aussi bien au niveau national qu’européen.

    L’institut ZEW, basé à Mannheim, a annoncé mardi que son indice avait reculé pour le dixième mois d’affilée pour tomber à -3,6 en octobre, son plus bas niveau depuis novembre 2012.

    C’est bien plus mauvais qu’attendu, les économistes interrogés par Reuters tablant en moyenne sur un indice à + 1,0.

    La statistique a propulsé les futures sur Bunds à leur plus haut du jour tandis que le rendement de l’emprunt allemand touchait un plus bas record et que l’euro repartait à la baisse.

    Jennifer McKeown, économiste pour l’Europe chez Capital Economics, rappelle que l’indice ZEW est généralement précis pour pointer des retournements de cycles économiques. Conjugué à l’annonce au même moment d’une chute de 1,8% de la production industrielle de la zone euro en août, il fait selon elle redouter une nouvelle récession.

    http://www.boursorama.com/actualites/allemagne-zew-le-sentiment-des-investisseurs-au-plus-bas-depuis-2012-00a28251891c098d78b6086b3b59721a

  4. L’Allemagne dernier bastion, dernier espoir
    L’Allemagne, sans même le savoir est le dernier rempart contre la servitude qui découlera de la « libération » de la monnaie et de la finance.

    L’inflexion économique Allemande dans le sens négatif, si elle est confirmée, va dans le sens de la thèse que j’ai avancée il y a peu, la thèse d’une nouvelle phase, d’une nouvelle étape du processus de crise. Le fait que la conjoncture Américaine soit plutôt meilleure permet de valider la thèse qui a été ébauchée par les organismes internationaux, FMI et OCDE, selon laquelle tout irait bien s’il n’y avait pas le mal Européen. C’est la thèse, vous l’avez remarqué, qui a été reprise ces derniers jours, comme par hasard.
    Cette thèse permet de mettre la pression sur l’Europe bien sûr et sur les pays du bloc Allemand. Elle est parfaitement, clairement, et peu discrètement popularisée par les journaux Britanniques comme le FT et The Telegraph.

    Les anglo-saxons n’ont de cesse de stigmatiser la résistance Allemande. Pour eux, tant qu’il y aura un défenseur de l’orthodoxie bancaire et d’une économie de production, il n’y aura pas de sortie de crise.

    Dans leur conception, une sortie de crise n’est possible que si on va jusqu’au bout dans le « soft », c’est à dire dans l’autonomisation des signes financiers, monétaires, quasi-monétaires et money-like. C’est à dire tant que l’on sera dans le ringard, l’archaïque de l’ancrage. La modernité de la finance, de la monnaie, doivent être comparées à l’évolution dans le domaine des arts: peu à peu on a libéré! Libéré, c’est le grand mot, on a libéré de la contrainte de la représentation du réel. Libéré de la contrainte de n’être que l’expression, que le reflet. Libéré du fil à la patte qui lie au réel.
    Ce que nous essayons de faire passer est fondamental, les évolutions de l’art préfigurent les évolutions du monde dit « réel ». L’art s’est affranchi, au lieu d’être prisonnier de la représentation, il s’en est d’abord éloigné, il l’a déconstruit, puis puis il l’a rejetée. Ce qui fait que l’œuvre d’art n’est plus devenue que ce qu’elle est, le geste du peintre par exemple et il n’y a plus rien à comprendre que le peintre lui-même. Le Maître ce n’est plus la nature, ce n’est plus le travail de transformation, non le Maître c’est le Projet, le Désir, la Volonté du peintre.

    L’analogie ne vous rappelle rien? C’est exactement le processus de la libération de la monnaie, de la libération des assets: ils perdent le lien avec le réel, on les détache, pour qu’ils puissent devenir pure créature/création des Banquiers Centraux, d’abord, puis de la finance ensuite. Le grand cri des Anglo-saxons, promoteurs de cette modernité, promoteurs de la monnaie d’abord « Fiat », puis ensuite « serve » c’est « libérez les assets ». Libérez la « valeur » de la « richesse » réelle. Cachez ces liens avec le fondamental que nous ne serions voir. Les liens avec le fondamental empêchent de tromper en rond. Ils empêchent de passer à une phase nouvelle, celle dont nous abordons la transition.
    Le Bloc Allemand est la statue du commandeur de la survivance du réel, c’est le point d’ancrage du souvenir du fait qu’avant, c’était autrement, il y avait du figuratif, de la production, du travail, de l’effort. Tant qu’il subsistera un exemplaire, un exemple, un vestige de cet avant, on ne pourra pas libérer entièrement. Or la prochaine phase, celle de la ratification définitive de la financiarisation ou financialisation, c’est à dire de la dictature de l’ordre suprême de la finance, passe obligatoirement par cette libération! On a besoin que la dernière contrainte tombe. Que tout devienne circulaire, que tout se morde la queue, que tout flotte. Parce que si tout est circulaire, si tout se mord la queue, alors il n’y a plus de référent extérieur et c’est gagné, il n’y a plus que l’offre, la demande, les désirs que l’on peut « propagander » et manipuler à l’infini. C’est le pouvoir absolu de la finance et de ses grands prêtres. il n’y a plus rien, rien que le pouvoir des Maîtres puisqu’ils ont réussi à évacuer celui de la nature, de la rareté, ils ont définitivement remplacé le travail et la valeur d’usage et la valeur d’échange par la pure valeur « désirs », « désirs » qu’ils contrôlent.

    Tous ceux qui refusent la modernité, qui propagent la thèse de l’éternel retour, des cycles, bref tous ceux qui ne croient pas que dorénavant ce n’est plus comme avant, tous ceux-là, sont les complices objectifs des Maîtres. Ils empêchent de voir en quoi et comment ce n’est plus comme avant. Nous ne sommes pas à la veille de la Grande Réconciliation, non nous sommes à la veille de l’envol de la Sphère Financière, de son autonomisation, sa libération des lois de la pesanteur.

    Le combat qui est engagé est un combat formidable et la résistance des Allemands, si ils restent prisonniers de l’euro et de l’UE, n’est que dernier sursaut: Peu de gens en Allemagne voient clairement les enjeux, bien peu ont la capacité de voir le sens des affrontements. Bien peu voient les finalités, ils en restent aux tactiques. Ils ne sont même pas encore parvenus à décoder les stratégies de leurs adversaires. Les concessions qu’ils ont faites depuis 2012 ne plaident pas en faveur de leur clairvoyance, ils n’ont pas compris le gradualisme de leurs adversaires, ils n’ont pas compris que l’on met le doigt, puis le bras, puis le corps et que finalement la tête également y passe.

    La Cour Européenne saisie par les plaignants Allemands qui avait saisi la Cour Constitutionnelle commence à se pencher sur la conformité du « coûte que coûte » de Draghi de 2012. Notre pronostic est que la décision, quand elle viendra sera une sorte de compromis, en forme d’hommage du vice à la vertu. Draghi va gagner avec une petite tape sur la main pour lui dire de mettre les formes. Cette victoire ouvrira la porte, si ce n’est déjà fait entre temps, à la mesure clef, celle qui est tant attendue par les anglo-saxons, les achats de titres souverains, les vrais Quantitative Easing Européens.

    La mise en place de QE en Europe est le préalable absolu à la recapitalisation des Banques mondiales. Elles ont besoin de près de 1 trillion!

  5. La politique scélérate de Draghi dans ses oeuvres, ou il est question de la vraie notion de coût du capital.

    Au prétexte de l’analyse des résultats de la firme DANONE, il est question de la vraie notion de coût du capital.
    Danone vient d’annoncer ses résultats pour le 3e trimestre. On peut lire dans la presse: « Accélération grâce aux prix ».
    L’activité de Danone est médiocre, car, en fait, les volumes, seuls significatifs, sont en recul de 0,1%. Ce recul global de 0,1% est important car il ne faut pas oublier que la population continue de progresser partout. Comme le dit l’article: « les volumes sont déprimés ».
    Cependant, Danone honore ses prévisions de résultats, il délivre (deliver), comme on dit en Bourse. Danone a monté ses prix, tenez-vous bien, de 7%.Une hausse des prix supérieure aux prévisions a compensé l’effet volume qui, lui, était négatif.

    Compte tenu du fait que les objectifs conjugués de Draghi et des gouvernements, comme le français, sont de lutter contre la déflation, on devrait instaurer un prix de civisme pour récompenser ceux qui, comme Danone, luttent contre la baisse des prix. Il faut, compte tenu de la gravité de la situation, créer une récompense, une médaille, pour les firmes qui se comportent bien, les firmes citoyennes qui amputent le pouvoir d’achat des consommateurs en procédant à des hausses de prix qui compensent la chute des volumes. Ces firmes citoyennes ont bien compris le message: il faut que le pouvoir d’achat réel, le niveau de vie, baisse pour être en ligne avec les politiques des Maîtres.
    Vouloir des hausses de prix tout en proclamant que l’objectif est la compétitivité, c’est vouloir l’appauvrissement et la régression sociale. Danone, qui cherche sans arrêt à être plus productif et à hausser ses tarifs, est un modèle à donner en exemple. D’ailleurs, Danone avec l’Antoine (Riboud), patron progressiste, a toujours été en pointe sous ces aspects! Ses successeurs continuent dans la même ligne.

    Donc, notre Danone délivre, il produit les résultats que le marché attend de lui. Il réussit ainsi à défendre le niveau des 50 euros au cours de Bourse, niveau qu’il menaçait de casser.
    Dans la politique actuelle, l’argent donné quasi gratuitement aux banques et assimilées doit aller gonfler les cours de Bouse, ce que l’on appelle créer un effet de richesse et entretenir l’appétit pour le risque. L’argent qui gonfle le bilan de la BCE n’est pas donné aux consommateurs, il est donné au système bancaire et financier, il va grossir les cours de Bourse, les indices boursiers et produit des niveaux de valorisation, des niveaux de cours qu’il faut soutenir. Il faut les soutenir en délivrant les bénéfices exigés par le marché, en ratifiant les prévisions qui, en fait, sont plutôt des attentes pressantes. En effet, quand elles ne sont pas honorées, il y a sanction sévère. Donc il faut, d’un côté, faire pression sur les salaires en faisant progresser la productivité et, de l’autre, monter les prix pour défendre les marges malgré des volumes insuffisants.

    Danone illustre toute la scélératesse des politiques suivies.
    Les gonflements de bilan de la Banque Centrale élèvent le niveau des cours de Bourse; pour maintenir ces valorisations élevées il faut faire, «coûte que coûte», plus de bénéfices et donc il faut faire, comme tout le système, il faut licencier et monter ses prix. Monter ses prix quand on le peut bien sûr, c’est à dire quand on a le «pricing power». Et quand on n’a pas le «pricing power», alors on entre dans la spirale négative, celle qui conduit à la régression de l’entreprise et au chômage.
    Les politiques monétaires non conventionnelles produisent structurellement du chômage, elles ne luttent pas contre le chômage, elles luttent contre l’emploi. Elles gonflent la valorisation du capital, elles renforcent les exigences de profit et, comme il n’y a pas croissance des volumes, alors on doit faire de la productivité et quand on a le «pricing pouwer», on peut tordre le cou du pouvoir d’achat des consommateurs. Si Danone a le pouvoir de monter ses prix, cela veut dire, compte tenu de stagnation du pouvoir d’achat global, cela veut dire qu’il peut attirer à lui du pouvoir d’achat qui normalement irait ailleurs, il déflate les achats des consommateurs, ailleurs.
    Ces politiques sont des politiques de transfert de richesse, des politiques de laminage des consommateurs/salariés et elles entretiennent un rapport de forces favorable au capital financier et défavorable aux salariés.

    Les amis de Mélenchon, l’ex-leader français de l’extrême gauche, ont produit un ouvrage sur «le coût du capital». Le coût du capital, Guillaume Etievant et Nolwenn Neveu. On sait que c’est la thèse de Mélenchon que de dire que le chômage est provoqué par un coût du capital excessif. Ces malheureux n’ont rien compris à la notion de coût du capital, ils mélangent tout, les profits, dividendes, etc.
    Ils n’ont rien compris au système, comment voulez-vous qu’ils puissent être efficaces? Le coût du capital a à voir avec le cours de Bourse, voilà ce qui leur a échappé. Le coût du capital, c’est ce qu’il faut «délivrer» au capital pour maintenir son niveau de valorisation sur le marché et ceci inclut à la fois le niveau de profit qu’il faut réaliser et le taux de progression de ce profit qu’il faut être capable de générer dans le temps. Le dividende n’a rien à voir avec le coût du capital. Le dividende, si nous ne craignions d’être trop approximatifs, c’est le coût du capital du pauvre. C’est le pauvre qui se contente du dividende distribué: c’est la toute petite partie du profit qu’il faut lui abandonner, par charité, pour qu’il donne son argent et qu’il permette aux vrais kleptos et ploutocrates de faire levier sur lui. Car eux, ce qui les intéresse, ce n’est pas le dividende, mais la plus-value quand ils vendent, fusionnent ou rachètent et… les à-côtés occultes. Suivez mon regard.
    Tous ces gens travaillent à partir de théories du capital fausses. Le dividende n’est pas le coût du capital. Le coût du capital, c’est le taux de profit qu’il faut réaliser et la progression qu’il faut engendrer pour maintenir et justifier les valorisations boursières.
    Le dividende, c’est la petite portion du profit qui est distribuée et qui sert à satisfaire les pauvres, à collecter leur argent afin de faire levier sur eux, comme on le fait sur de la dette. Le dividende, c’est l’équivalent de la poignée de foin que l’on donne à la mule comme repas afin qu’elle continue de porter sa charge qui, elle, est mille fois plus lourde. Le dividende est en quelque sorte le SMIC des petits épargnants, c’est la rémunération minimum pour les maintenir, sinon en vie, du moins dans le grand circuit de l’exploitation de l’épargne.

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