Stress test: «Les banques demeurent très vulnérables»
Swisspartners, créé en 1993, est l’un des plus grands gérants de fortune indépendants de Suisse, avec plus de 5 milliards d’actifs sous gestion. Markus Linke y est associé et stratège macroéconomique depuis 2007.
Le Temps: Avec les résultats du stress test, la confiance sera-t-elle de retour dans la zone euro?
Markus Linke: La BCE fait tout son possible pour que le marché l’interprète ainsi. Je ne suis pas sûr qu’elle y parviendra. Un stress test est un exercice théorique. La réalité est souvent différente. Si une banque est en difficultés en raison d’un excès de créances douteuses, elle a besoin de fonds propres supplémentaires. Elle peut se les procurer à travers une augmentation de capital sur le marché. Mais si un trop grand nombre de banques doit procéder au même exercice en même temps, le prix des actions peut être très inférieur aux attentes. Ce lundi, le cours de Monte dei Paschi a d’ailleurs chuté de 18%.
- – Si l’UE laisse tomber les plus faibles, la destruction créatrice pourra faire son œuvre. N’est-ce pas positif?
– Si l’on en croit les résultats du test, oui, mais je ne les partage pas. Durant la crise de 2008, les banques ont pu évaluer leur bilan comme elles le désiraient. Aujourd’hui encore, l’évaluation est basée sur leurs propres estimations. Le stress test n’y a rien changé. Les banques demeurent très vulnérables. Il y a quelques mois, le Financial Times a calculé que le système bancaire européen avait besoin de 800 milliards de dollars de fonds propres sur la base d’un scénario du pire. La BCE l’estime maintenant à 25 milliards. L’écart est massif. Le marché doute de la qualité du stress test et de la solvabilité des instituts. Ce lundi, contrairement aux attentes de la BCE, les actions bancaires ont ouvert à la hausse, mais elles ont ensuite baissé.
- – Est-ce que l’union bancaire se concrétisera comme prévu?
– Les autorités politiques feront tout ce qui est en leur pouvoir pour y parvenir. La BCE prend la responsabilité de la surveillance des banques et, à terme, un marché obligataire européen devrait émerger. De fait, il existe d’ores et déjà dans la mesure où les pays les plus solides s’engagent à garantir la dette d’autres pays.
Le désenchevêtrement des relations entre banques et Etats promis au début de la crise ne s’est pas produit. Au contraire, l’interdépendance s’est accrue et le risque également. Le système est inondé de liquidités, mais il n’a pas assez de fonds propres. Il ne faut pas mélanger liquidités et capital. Au Japon, on a parlé de banques «zombies». Aujourd’hui, les banques «zombies» sont dans la zone euro. On ne peut augmenter son capital qu’en faisant appel au marché ou en générant des bénéfices. Chypre a montré une troisième voie en prenant une partie des dépôts bancaires pour les placer dans les fonds propres.
- – Est-ce possible de procéder à la même opération dans les grands pays de la zone euro?
– Chaque pays dispose déjà d’une loi semblable s’il veut recapitaliser d’urgence son système bancaire. C’est vrai en France et en Suisse. Chypre a été l’occasion d’un test pratique.
- – Est-ce que c’est politiquement réaliste?
– Ce serait le scénario de la dernière chance. Auparavant, on injectera encore plus de liquidités. Un tel acte serait un suicide politique, mais il faut savoir qu’il ne pénaliserait pas les ménages modestes. La très grande majorité des citoyens approuverait un «impôt extraordinaire sur les fortunes».
- – Quand est-ce que cette éventualité pourrait se présenter?
– Elle pourrait se produire si une récession devait se manifester au cours des deux prochaines années. Le FMI a publié une étude sur le niveau de l’impôt extraordinaire sur les fortunes qui serait nécessaire afin de réduire la dette au niveau de 180% du PIB. Aujourd’hui, il se rapproche
des 400%. Boston Consulting Group a calculé que la taxe s’élèverait à 11% en Allemagne, 19% en France, 24% en Italie, 56% en Espagne.
L’économie souffre de l’absence de croissance. Une reprise économique ne peut survenir qu’après une restructuration de la dette.
- – Vous attendez-vous à une japonisation et à dix ans de stagnation supplémentaires en Europe?
– Non. Le Japon a pu se permettre de prolonger le problème parce que le reste du monde
était en forte expansion. La zone euro n’a pas cette chance. Durant les 36 à 48 prochains mois,
nous assisterons à une réforme de la dette à travers sa restructuration, ou au prélèvement d’un impôt extraordinaire sur les fortunes.
PROPOS RECUEILLIS PAR EMMANUEL GARESSUS ZURICH/ l e Temps 28/10/14
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