Aristote contre Platon

Petite géopolitique de la crise grecque…

   

Petite géopolitique de la crise grecque…

Proche&Moyen-Orient.ch  Observatoire Géostratégique  13/7/15

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En définitive, Alexis Tsipras a su opposer à la machinerie de l’Union européenne les réglages politiques que François Hollande avait promis d’effectuer, durant sa campagne présidentielle, avant d’y renoncer aussitôt une fois élu. En effet, remettre à plat le fonctionnement du grand marché unique et de sa monnaie au service de l’hégémonie allemande et de la globalisation financière constituait l’un des engagements cardinaux du candidat socialiste ! Une fois à l’Elysée, le même se précipite à Washington pour déclarer qu’il faut accélérer la finalisation d’un Traité instituant un grand marché transatlantique… Hallucinant ! Et Tsipras restera certainement dans l’Histoire pour s’être levé contre cet à-plat-ventrisme généralisé face aux banques privées qui « régulent » la mondialisation économique, en veillant scrupuleusement à l’application drastique de la vieille loi d’airain du capitalisme : privation des profits, socialisation des pertes…

Sans jamais apparaître en première ligne de la gestion de crise, le président Barack Obama n’a pourtant cessé de « conseiller » téléphoniquement Angela Merkel et François Hollande « pour sauver la stabilité financière mondiale et la cohésion politique de l’Union européenne », reconnaît l’un des plus hauts-fonctionnaires de l’Elysée en ajoutant : « ce qui l’obsédait davantage était la sécurité du commandement militaire de l’OTAN en Méditerranée orientale ». Certes, la plupart des bases américaines – installées en Grèce durant la Guerre froide – ont été démantelées, mais la plus importante – celle de Souda, en Crète – fonctionne toujours à plein régime. Située à quelques encablures des côtes de Syrie, de Jordanie, du Liban et d’Israël, ce port en eaux profondes accueille les frégates, sous-marins, porte-avions, chasseurs et hélicoptères de la VIème flotte chargée de veiller au respect de l’ordre américain dans la zone.

Entre mars et octobre 2011, c’est de là que décolleront les F-16 et avions ravitailleurs pour bombarder la Libye et renverser le colonel Kadhafi. Des centaines de Marines et Forces spéciales américaines investiront alors le petit port voisin touristique de la Canée pour parer à toute éventualité, si les supplétifs français et britanniques venaient à faire défaut… C’est de là aussi que les bâtiments de l’US-Navy appareillent pour aller croiser au large de Tartous et Lattaquié, afin de surveiller la marine russe qui sécurise les côtes de Syrie. C’est de là encore que des avions d’observation décollent quotidiennement pour appuyer les unités offensives de la marine israélienne qui quadrillent les nouveaux blocs gaziers en cours d’exploitation entre Chypre, l’Egypte et le Liban. « Les violations israéliennes de l’espace maritime libanais sont dix fois supérieures en nombre aux intrusions de la chasse israélienne pourtant quotidiennes de l’espace aérien libanais », nous confie l’un des officiers généraux du renseignement militaire du Pays du cèdre…

Depuis le début de la crise, Alexis Tsipras ne cesse de le répéter : l’UE sous-estime le risque de déstabilisation régionale qu’entraînerait une sortie de la Grèce de la zone euro. « Le facteur géopolitique est en effet totalement absent du débat », souligne Georges Prévélakis1, « garantir une Grèce stable politiquement et performante économiquement aide à stabiliser la région et à européaniser les Balkans. Malheureusement, aujourd’hui, c’est la Grèce qui se balkanise ». Le maintien des forces internationales veillant à l’application des Accords de Dayton2 demeure indispensable face au durcissement des nationalismes dans les Balkans où les groupes jihadistes recrutent plus que jamais. En mai dernier, des affrontements meurtriers ont éclaté en Macédoine avec des mafias albanaises du Kosovo qui multiplient leurs infiltrations dans les Etats de la région.

En voie de radicalisation religieuse, la Turquie continue – malgré ses dénégations officielles – de favoriser Dae’ch et d’autres factions jihadistes ainsi que les flux migratoires clandestins en provenance du très Proche-Orient. La Grèce est ainsi devenue un couloir de passage vers l’Europe du Nord… Enfin, son affaiblissement isolerait considérablement Chypre face à la Turquie qui occupe toujours le nord de l’île depuis 1974. Dans ce contexte, le géant maritime chinois COSCO assure désormais la gestion des principaux terminaux conteneurs du port du Pirée alors que des investisseurs russes lorgnent sur le port de Salonique, le chemin de fer grec et la société nationale de nickel.

Au plan énergétique, Moscou cherche – pour la livraison de son gaz aux Européens -, des voies de contournement du territoire ukrainien. Echaudé l’année dernière, par l’opposition de la Bulgarie au projet de gazoduc South Stream, le Kremlin cherche activement de nouveaux partenariats méditerranéens, notamment en direction de la Grèce. Dans tous les cas de figures, et même si elle n’est pas encore d’actualité, une nouvelle relation gréco-russe constitue une autre hantise de Washington…

En définitive, l’une des principales conséquences géopolitiques de la résistance de la Grèce aux diktats politico-financiers de l’UE, fut de mettre au grand jour la complicité organique liant l’Europe actuelle aux redéploiements successifs de l’OTAN en Méditerranée et en Europe centrale. Cheval de Troie de l’OTAN, l’UE ne doit pas seulement corriger ses mécanismes monétaires et financiers. Elle devrait aussi conquérir et affirmer son indépendance, sinon sa souveraineté politique face à Washington et l’OTAN. Premier bailleur de fonds de l’Autorité palestinienne, l’UE qui ne cesse de consolider ses partenariats militaires et industriels avec Israël, n’a toujours pas voix au chapitre en ce qui concerne l’improbable relance des négociations israélo-palestiniennes !

Avec Alexis Tsipras, il se pourrait bien qu’on sorte enfin des impostures abstraites de La République de Platon (les experts au pouvoir) pour renouer avec les rationalités opérationnelles de la Politique d’Aristote. Il se pourrait bien aussi que l’UE, géant économique mais « nain politique », soit obligée de revoir aussi son Organon, jusqu’alors au service de Washington et des banquiers de Wall Street et de la City. A voir…

Richard Labévière
13 juillet 2015


1 Georges Prévélakis : Géopolitique de la Grèce. Editions Complexe, 2005.
2 Les accords de Dayton, signés le 14 décembre 1995, mettent fin aux combats interethniques qui ont lieu en Bosnie-Herzégovine.

http://prochetmoyen-orient.ch/lenvers-des-cartes-du-13-juillet-2015/

Grèce : tous aux abris. Victoria Nuland rôde


Les États-Unis et l’Allemagne sont prêts à concevoir un coup d’État en Grèce pour garder cet atout stratégique sur le flanc sud-est vulnérable de l’Otan. L’experte en coups d’État Victoria Nuland est en mission.


Par Kurt Nimmo – Le 6 juillet 2015 – Source infowars.com/ Le Saker Francophone

Crédit photo : Voice of America

«Un putsch à Athènes pour sauver l’allié grec de l’ennemi russe est en préparation par les États-Unis et l’Allemagne, avec le soutien des exemptés fiscaux de la Grèce – les oligarques, les armateurs anglo-grecs, et l’Église orthodoxe grecque», écrit John Helmer, le seul correspondant étranger en Russie, indépendant des médias système, en poste depuis si longtemps.

Le premier indice que quelque chose se trame est la présence de Victoria Nuland, secrétaire d’État adjointe pour les affaires européennes et eurasiennes, à Athènes en mars.

The Guardian a rapporté le 17 mars que Nuland «est allée dans la capitale au moment où l’inquiétude des US montait à propos de la grande crise de la dette de l’euro qui commençait à représenter une menace géopolitique. La Grèce, autorisée à déraper hors de contrôle, financièrement dépourvue et sans les liens de l’UE qui la maintiennent à l’Ouest, pourrait se retrouver sous l’influence de la Russie. Le flanc sud-est de l’Otan serait infiniment affaibli au moment où grandissent les soucis globaux de sécurité face aux fondamentalistes islamistes au Moyen-Orient».

Nuland et les États-Unis pourraient travailler en étroite collaboration avec les militaires grecs pour fomenter un coup d’État après le vote historique du référendum qui a répondu non aux exigences des banksters.

La réputation de Nuland n’est plus à faire. Elle est connue pour son rôle dans le renversement du gouvernement démocratiquement élu de l’Ukraine et il semble maintenant qu’elle a été désignée pour une répétition en Grèce. Helmer écrit :

Lorsque Nuland est venue à Athènes pour lancer un ultimatum contre la rupture du régime des sanctions anti-russes, et que les think-tanks anglo-américains ont emboîté le pas avec des avertissements selon lesquels la marine russe faisait route vers le Pirée, le but du jeu est devenu clair. Le but de l’opération Nemesis était de sauver la Grèce, non pas d’elle-même ou de ses créanciers, mais de l’ennemi à Moscou.

La Russie pour arracher la Grèce aux griffes des banquiers

La Russie est prête à aider la Grèce dans sa lutte contre les banksters de Wall Street et de Bruxelles. On pense qu’une sortie de la Grèce de la zone euro la rapprochera de la Russie et approfondira les divisions au sein de l’Otan.

Le Premier ministre grec Alexis Tsipras du parti socialiste Syriza a déclaré à la mi-juin qu’un alignement avec la Russie était possible et a laissé entendre que la Grèce était «prête à aller vers de nouvelles mers pour atteindre de nouveaux ports plus sûrs».

Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov et le vice-Premier ministre Arkadi Dvorkovitch ont déclaré, au cours du Forum économique international de Saint-Pétersbourg, que la Russie envisagerait d’accorder des prêts à la Grèce si nécessaire.

Les militaire grecs envoient un message clair

L’avant-veille du référendum, un certain nombre d’officiers grecs ont publiquement appelé à voter oui.

«Le général en retraite Fragkoulis Fragkos, ancien ministre de la défense et ancien chef d’état-major grec, a appelé à un oui fort dimanche. En 2011, Fragkos a été destitué par le Premier ministre George Papandreou au milieu de rumeurs de coup d’État», écrit Alex Lantier.

Faisant clairement référence à Tsipras, Fragkos a déclaré que «les valeurs et les principes moraux, qui ont toujours défini les Grecs, ne peuvent pas être négociés par un politicien désemparé et historiquement ignorant qui avance les intérêts de son propre parti».

Un groupe de 65 officiers de haut rang à la retraite a publié un communiqué citant leur serment à la patrie et au drapeau et avertissant: «En choisissant l’isolement, nous mettons la patrie et son avenir en danger.»

Tsipras et Syriza se sont préparés pour un possible coup d’État en janvier en remaniant le personnel militaire.

Selon les source de Helmer, «La direction des services militaires et de renseignement a été changée, mais pas radicalement. Le ministre de la Défense (Panos Kammenos) est de droite donc il n’y a pas de radicaux aux commandes».

Les militaire grecs sont un atout pour une Opération Gladio 

L’intervention américaine en Grèce n’a rien de nouveau. Entre 1987 et 1989 les États-Unis ont fait un effort concerté visant à renverser le gouvernement grec élu du Premier ministre Andreas Papandreou.

Avant cela, en 1967, l’armée grecque a installé la dictature des colonels suite à un coup d’État.

L’armée grecque s’est trouvée sous le contrôle de la CIA à la suite de l’entrée dans l’Otan de la Grèce en 1952. Les éléments de l’armée grecque faisaient partie de stay-behind, le réseau clandestin de la CIA dirigeant l’Opération Gladio, et ces éléments (spécifiquement LOK, ou Lochoi Oreinōn Katadromōn, à savoir Mountain Raiding Companies) ont été directement impliqués dans le coup d’État de 1967.

Kurt Nimmo

Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone

http://lesakerfrancophone.net/grece-tous-aux-abris-victoria-nuland-rode/

EN BANDE SON:  

3 réponses »

  1. L' »affaire Grecque »,c’est une Poupée Russe
    Voici donc une autre « surprise » pour le même prix 🙂
    L’UE pour « soutenir » la Grèce ne peut être au four et au moulin
    elle desserre donc son « effort de guerre » en Ukraine,principalement financier
    et tous les « intéressés » le taisent,car l’Ukraine plus que la Grèce est aux limites de la faillite
    Eh oui,L’UKRAINE c’est « Le Tonneau des Danaïdes » 🙂
    ça n’enlève rien à la qualité de cet article que j’ai apprécié comme celui à la Une de Bruno Bertez sur l’Allemagne
    Bonne lecture

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