Gestion du risque, Titrisation, Produits Structurés, Fonds à formules....

Michel Verlaine : Du faux débat au sujet des CDS

 Les hommes politiques sont toujours à l’affût de boucs émissaires afin de masquer leurs propres incompétences. La crise de la dette grecque fournit un bon exemple. C’est l’occasion pour certains de pérorer et de lancer des faux débats.

Goldman Sachs : Cible et bouc émissaire facile des Gouvernements Populistes Européens (cliquez sur le lien)

WSJ : Spéculation / séparer le bon grain de l’ivraie (cliquez sur le lien)

Commentaire : Sur la spéculation et sur l’erreur de croire que de tuer le messager porteur de la mauvaise nouvelle règlera la question (cliquez sur le lien)

PLUS DE CDS EN SUIVANT :

Ainsi, les fameux CDS, c’est-à-dire les Credit Default Swaps, du fait de la spéculation implicite de certains acteurs, viendraient renforcer les problèmes d’endettement de la Grèce. En passant, ce dont ces hommes politiques parlent moins, c’est qu’ils se sont laissé berner par les précédentes autorités grecques.

Trappes à Dettes : Etat grec, état voyou ??? (cliquez sur le lien)

Trappe à dettes : Retour sur les problèmes économiques de la Grèce et son intégration dans la zone Euro (cliquez sur le lien)

Hans-Werner Sinn : La Grèce, cette pécheresse (cliquez sur le lien)

Un grand nombre de commentateurs ont donc suggéré d’interdire l’utilisation des « naked » CDS, littéralement les CDS « nus ». D’autres ont lancé des phrases sans contenu informatif réel et qui relèvent du populisme, en se référant à des « instruments de torture » qui pourraient contrecarrer les attaques spéculatives. Voilà où nous en sommes arrivé en politique… .

Que sont donc ces fameux CDS ?

Comme le terme « swap », l’indique il s’agit en premier lieu d’un échange de flux. Une partie va payer une prime de risque afin de s’assurer contre certains événements, éventuellement le défaut d’une entreprise. La contrepartie va recevoir la prime mais devra payer une somme donnée lorsque le défaut en question a lieu. Le lecteur éveillé aura remarqué qu’un CDS n’est donc rien d’autre qu’un contrat d’assurance avec cependant deux différences majeures. Tout d’abord, aucune des deux parties n’est obligée de détenir l’actif de référence en question, et on parle alors de « naked » CDS.

 Puis, les contrats ne sont pas standardisés mais négociés de gré à gré.

 En principe, les CDS devraient améliorer l’efficience des marchés, non seulement en permettant un partage des risques plus efficace, mais aussi en révélant très rapidement les anticipations des intervenants du marché en ce qui concerne les risques de crédit respectifs. Les CDS révèlent plus rapidement l’information, et les flux d’informations semblent aller des CDS vers les obligations, et c’est justement ce qui préoccupe les autorités européennes. Justement, les primes de CDS sur la dette souveraine grecque ont rapidement augmenté, et cela impacte les coûts de refinancement et les rendements des obligations grecques.

Selon certains commentateurs, les primes des CDS seraient la résultante de spéculations avec l’utilisation de « naked » CDS. Des spéculateurs prendraient position contre la dette grecque en espérant qu’il y ait défaut. Ces « naked » CDS permettent, en effet, de prendre des positions à découvert, ce qui permet de tirer un gain lorsque la valeur de l’actif de référence diminue. Or ce que certains commentateurs semblent ne pas avoir compris, c’est qu’il faut deux parties pour faire un CDS. Il y a souvent une partie qui entend s’assurer et une partie qu’on pourrait nommer le « spéculateur » et qui espère faire un gain du fait que la prime de risque ne reflète pas correctement les risques. En passant, ce « spéculateur » n’est pas plus un spéculateur que ne l’est n’importe quelle compagnie d’assurance ! Par ailleurs, il fournit la liquidité au marché. Il est vrai que dans certaines situations, lorsqu’il y a une forte illiquidité du marché, certaines transactions bien placées pourraient permettre de manipuler les marchés en donnant l’impression que l’actif de référence soit exposé à des risques non perçus auparavant. Or on peut douter qu’il y ait manipulation des CDS indexés sur la dette grecque puisque les marchés sur dette souveraine sont en général très liquides, grâce d’ailleurs aux endettements excessifs des gouvernements.

Quel est donc le véritable problème avec ces CDS ?

Premièrement, les CDS créent un ensemble d’interdépendances entre les acteurs, ce qui génère du risque systémique.

Deuxièmement, du fait que les risques assurés soient des défauts, les valeurs des CDS sont sujet à des sauts, leurs valeurs se dégradant moins de manière continue, au sens mathématique du terme. A cela s’ajoute le risque de contrepartie.

Prenons un exemple simplifié pour illustrer. Supposons qu’il y ait un actif contre le défaut duquel certains acteurs veulent s’assurer. Le nombre d’actifs sur le marché est limité. Dans ce cas, ces acteurs peuvent chercher une contrepartie qui est prête à leur fournir une garantie contre le paiement d’une prime. Aucune des parties ne détient l’actif de référence, et il s’agit dès lors d’un « naked » CDS. Plusieurs acteurs peuvent effectuer le même type de contrat en un nombre infini de fois sans qu’il y un acteur qui détienne l’actif de référence. Par conséquent, la richesse future de plusieurs intervenants dépend du même événement incertain, le défaut de l’actif de référence. C’est de ce fait que les « naked » CDS deviennent source de risque systémique.

Considérons le cas où les contreparties qui garantissent contre le défaut sont constituées par des entreprises qui pensent que la prime de risque surcompense par rapport aux risques encourus. En principe, les acteurs qui se sont assurés contre le risque de défaut ne risquent plus de faire face à un « choc » de richesse. Or beaucoup d’intervenants risquent d’oublier qu’il y a toujours un risque que l’entreprise qui assure fasse défaut, c’est le risque de contrepartie. Si, en effet, le risque en question survient et que l’entreprise fait faillite, les intervenants qui furent assuré vont être impactés. Par ailleurs, vu que les transactions sont faites de gré à gré, les intervenants deviennent nerveux car ils ne savent pas qui a contracté avec qui. Les marchés interbancaires risquent de se bloquer. Les autorités non plus ne comprennent pas les mécanismes d’interdépendance des marchés. Comme le lecteur aura compris, il s’agit là, en simplifiant, des enchaînements qui ont mené à la récente crise financière.

Le véritable problème avec les CDS, notamment les « naked » CDS, réside dans le fait qu’ils génèrent du risque systémique et non pas parce qu’ils biaisent les coûts d’endettement, comme certains hommes politiques ont pu le faire croire. Il est regrettable que ces messieurs dévient l’opinion publique des véritables problèmes qui sont le contrôle et les limites des risques systémiques, sujet un peu plus compliqué que l’interdiction des produits.

Michel Verlaine est professeur associé en finance, fondateur de CAPM-Consulting. 

Article paru dans l’édition du 30.03.10

Formation Financière : Comprendre les CDS (cliquez sur le lien)

Marché Obligataire : Bannir les CDS augmenterait le coût des emprunts d’Etat (cliquez sur le lien)

DERNIERE NEWS : 

CDS: offre de compensation en France

La branche française de la chambre de compensation LCH.Clearnet a annoncé hier le lancement d’une offre de compensation sur les CDS («Credit Default Swaps») en zone euro, ces produits dérivés mis en cause dans la crise grecque et les difficultés de la zone euro.

Cette offre concernera en premier lieu les CDS liés aux indices européens (iTraxx) et dans un deuxième temps, à une date non précisée, les CDS liés à une seule entité de référence notamment les CDS souverains, a indiqué à l’AFP Christophe Hémon, directeur général de LCH.Clearnet SA. LCH.Clearnet SA travaille au lancement de ce projet depuis 9 à 10 mois avec quatre banques françaises – BNP Paribas, Société Générale, Calyon et Natixis – qui sont adhérentes à ce service de compensation,

3 réponses »

Laisser un commentaire