Douce France

Maintenant, il faut payer! par Beat Kappeler

Maintenant, il faut payer! par Beat Kappeler

    En France, le point final du keynésianisme est atteint…

C’en est assez! L’éditorial du Monde de mardi constatait que l’austérité allemande est «au moins aussi inutile que dangereuse» et que ce pays, en économisant 80 milliards d’euros dans les comptes publics «s’enferme dans une stratégie non coopérative».

Regardons alors cette vertueuse France, coopérative et pas dangereuse du tout. La France n’a pas connu d’excédent budgétaire depuis 30 ans. La dette publique française dépasse 80% du produit national et son déficit public y ajoute 8% par an. Elle va droit au mur. Le livre de Jacques Attali le dit d’ailleurs sur 260 pages en détail, et le titre est évocateur: «Tous ruinés dans dix ans?».

Le rapport Pébereau de 2005 sur la dette publique était déjà alarmant. La vraie dette était supérieure de moitié à la dette annoncée. Le premier ministre, Dominique de Villepin, promettait aussitôt d’abaisser la dette et le déficit au niveau des normes de Maastricht d’ici à 2010. Ce serait aujourd’hui. Mais le président Nicolas Sarkozy a déjà renvoyé cet effort à 2012.

Aujourd’hui, la France est le seul pays très endetté de l’Union qui n’a pas de régime d’économies sérieuses. L’année prochaine, les politiciens lorgneront déjà vers l’échéance présidentielle et un paquet de mesures semble plus éloigné que jamais. A ce qu’il semble, la stratégie française n’est pas très coopérative.

Mais il y a plus grave, ce sont les répercussions européennes de cette politique. Car si les marchés des obligations se rendent compte que la France n’arrive pas à juguler la course vers l’endettement total, tandis que les autres s’y appliquent, la France aura de la peine à financer sa dette. Si jamais elle doit utiliser le paquet des 440 milliards d’euros promis pour suppléer les marchés, elle devra sortir de la ronde des pays qui le garantissent. Car un pays ne peut pas adhérer à ce programme à la fois comme garant des fonds et comme débiteur.La même chose vaut pour l’Espagne. Chaque fois qu’un pays supplémentaire aura besoin de ce fonds, le nombre des membres garantisseurs se réduira. Quelle ingénieuse construction!

Si donc la France est évacuée de ce programme de garantie, il ne vaudra plus rien. Ou plutôt, ce ne sera plus que l’Allemagne qui le financera. Affaiblir ce pays-ancre pour améliorer le sort des autres, voilà la recette ingénieuse du commentateur du Monde. La révolte des contribuables de l’Allemagne et de sa Cour constitutionnelle sera garantie. Et les marchés ne souscriront plus du tout aux émissions de ce fonds des 440 milliards, dont aucun euro n’est encore levé sur les marchés aujourd’hui.

La réticence de la France à commencer par son programme d’austérité et de rigueur constitue donc une menace incroyable sur tout l’édifice par lequel les membres de la zone euro comptaient le soutenir.

La France, sa ministre de l’Economie et pratiquement tous les milieux politiques se prévalent, une fois de plus, d’un keynésianisme vulgaire – il ne faudrait donc pas étouffer la relance, et continuer les déficits.

Mais ceci était la pratique courante depuis plus de 30 ans. Jamais, pendant les bonnes années, le keynésianisme n’a été invoqué pour économiser et pour repayer les engagements pris pendant les périodes creuses. Les politiques de relance ont formé une spirale dangereusement ascendante.

Avec les dettes et avec les déficits astronomiques d’aujourd’hui, cette politique est définitivement terminée, impossible, invraisemblable.

Les responsables de la firme Pimco ont utilisé la formule qui convient: le point final du keynésianisme est atteint. Maintenant, et une fois pour toutes, il faut payer. Et tant pis s’il y a déflation, récession, rigueur.

Mais qui sont les gens de Pim­co? C’est le plus grand fonds d’investissement de l’Occident.
Ce sont aussi les gens qui avaient déclaré ne jamais acheter de la dette grecque. S’ils disent cela de la dette française, un jour, l’année prochaine, le glas sonnera. Ce ne sont pas de spéculateurs, mais des investisseurs très conservateurs. La caste politique française, au contraire, est composée de casse-cou hasardeux et non coopératifs.

source le temps juin10

BILLET PRECEDENT : Dans le piège de la dette par Beat Kappeler (cliquez sur le lien)

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