Art de la guerre monétaire et économique

L’équilibre de Nash menacé : Un retour des barrières douanières est à attendre aux Etats-Unis par Albert Edwards

L’équilibre de Nash menacé : Un retour des barrières douanières est à attendre aux Etats-Unis par A. Edwards

 « Il est stupéfiant de savoir que 42 millions d’Américains – soit plus d’un huitième de la population – vivent actuellement grâce à des tickets d’alimentation. La pauvreté et l’inégalité aux Etats-Unis ont atteint des niveaux records. Près de la moitié des chômeurs sont sans emploi depuis plus de six mois. La crise est bien toujours d’actualité », estime Albert Edwards, de Société Générale Cross Asset Research. L’analyste anticipe un retour des barrières douanières.

Food Stamp Chart

Image: Societe Generale

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« Alors que nous ne sommes plus loin d’une nouvelle aggravation du chômage américain, les déséquilibres commerciaux avec la Chine sont à de nouveaux plus-hauts. Le refus de la Chine de réévaluer sa monnaie rend de plus en plus probable un renforcement généralisé des barrières douanières américaines. » 

« Un ralentissement cyclique emboite désormais le pas à la reprise américaine, qui a été des plus atones. Même si nous avons, à mon avis, repris le chemin de la récession, nul besoin d’être aussi pessimiste que moi pour constater la pression intolérable qui s’exerce actuellement sur la société américaine, qui ne cache pas sa révolte. Une telle situation se produirait dans toute nation où la conception de la prospérité a été bâtie sur une imposture à la Ponzi, orchestrée par les autorités pour masquer plus facilement le fait que les riches sont devenus encore plus riches. En l’absence d’autre issue, la Fed poursuit les mêmes politiques désastreuses. Personne ne devrait être surpris que M. Bernanke sacrifie le dollar. Nous avons récemment cité les propos que M. Bernanke avait tenus dans une allocution de novembre 2002, où il affirmait qu’il n’agirait pas autrement pour éviter une déflation de type japonais. »

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« Pendant ce temps, les réserves de change chinoises augmentent à un rythme record afin de maintenir la parité yuan/dollar. Pendant ce temps encore, les Etats-Unis entretiennent un déficit record vis-à-vis de la Chine d’après les derniers chiffres. Pendant ce temps toujours, le premier ministre chinois Wen Jiabao annonce qu’une hausse de 20% du yuan mènerait les entreprises chinoises à la faillite et créerait une hausse du chômage susceptible de provoquer d’importants soulèvements sociaux (soit, une situation identique à celle des Etats-Unis actuellement). »

 

« Depuis le départ, nous savons que le jeu de l’Age de glace se terminera par une débauche monétaire, une dévaluation compétitive et une guerre commerciale. Alors que le chômage américain repart à la hausse, ne soyez pas surpris si les Etats-Unis en venaient à recourir aux tarifs douaniers en l’absence de réévaluation du yuan par la Chine. Les dernières données sur la pauvreté aux Etats-Unis sont stupéfiantes. Quelque 42 millions d’Américains ont reçu des coupons alimentaires en juillet, un chiffre en hausse d’environ 18% en glissement annuel. Ne vous méprenez pas, le gouvernement américain ne distribue pas de l’argent à l’aveuglette ; les bénéficiaires de ces coupons alimentaires vivent au niveau du seuil de pauvreté, actuellement défini comme un revenu net de 22.056 dollars par an pour un ménage composé de deux adultes et deux enfants. » 

« Nous avions déjà montré précédemment que ce n’était pas seulement la pauvreté en valeur absolue qui était exceptionnellement élevée aux Etats-Unis mais également les inégalités en valeur relative. Les Etats-Unis se trouvent en effet dans une situation différente de celle du Japon il y a dix ans. Le contexte social, nettement moins favorable, ne va pas aider le pays à surmonter la décennie perdue qu’il traverse. » 

« Il devient difficile de contenir le mécontentement de la population. Les démocrates au pouvoir essuient une grande partie des critiques de la part d’un peuple qui souffre et à qui les gouvernements successifs ont fait miroiter une nouvelle ère de prospérité, qui s’est révélée être une bulle de la dette construite selon le schéma de Ponzi. » 

« En attendant, mieux vaut ne pas agiter le chiffon rouge… car la population américaine est aussi enragée qu’un taureau dans l’arène. Le mauvais sort a en effet frappé deux fois : déficit commercial record avec la Chine en août et hausse trimestrielle historique (194 milliards de dollars) des réserves de change chinoises qui ont atteint au T3 le montant astronomique de 2.650 milliards de dollars. »

 « Il n’est guère étonnant que les autorités chinoises (SAFE, organisme chinois de gestion des réserves en devises étrangères) aient choisi d’expliquer, contrairement à leurs habitudes, l’augmentation massive des réserves de change sur leur site web. Selon Market News, SAFE a déclaré que quelque 80 milliards de dollars sur les entrées records de 194 milliards de dollars étaient imputables aux effets de la réévaluation plutôt qu’aux interventions directes sur le marché des changes pour soutenir la parité du yuan avec dollar. A noter par ailleurs que les entrées spéculatives sont également en hausse. » 

« Ayant validé mes modules d’économie internationale à l’université, j’ai essayé de suivre le débat aussi attentivement que possible et, selon moi, les deux camps ont des arguments valables. Ce qui a toutefois suscité mon plus grand étonnement depuis l’éclatement de la bulle de crédit c’est que le déficit commercial des Etats-Unis ne se soit pas accru davantage (et vice versa avec l’excédent chinois). La lecture des articles de Martin Wolf publiés récemment dans le Financial Times (FT) m’incite de plus en plus à penser que la Chine est en train d’exercer une influence malveillante (selon mes propres mots) sur l’économie mondiale et que des mesures s’imposent. Mais je vous entends déjà demander : qui achètera alors les Bons du trésor américains ? Eh bien, M. Bernanke, qui n’attend que ça… » 

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Inquiétudes chinoises par Martin Wolf

« Deux autres excellentes colonnes (également publiées dans le FT) de l’économiste très en vu Gavyn Davies et de mon ami de longue date Peter Tasker soulignent, qu’en raison de l’indexation actuelle du yuan sur le dollar, un assouplissement monétaire massif devrait se transmettre des Etats-Unis à la Chine. Il n’est donc pas étonnant qu’hier, contre toute attente, la Chine ait relevé ses taux pour contrer cette menace. »

« Mes lecteurs réguliers savent que je me suis intéressé de près aux Tigres asiatiques dans les années 1990. Nous étions aussi, à cette époque, en présence de devises sous-évaluées indexées sur le dollar favorisant une croissance extrêmement rapide du PIB par le biais d’interventions sur le marché des changes. La situation a toutefois évolué dans la mesure où cette croissance rapide a abouti à une hausse des salaires et des prix ainsi qu’au relèvement des taux de change réels. La survalorisation qui s’en est suivie a finalement conduit à un tel creusement des déficits des paiements courants que les devises des Tigres asiatiques se sont effondrées. » 

« Ce scénario ne se produit pas avec la Chine. Pourquoi ? Parce que même si l’inflation salariale est clairement orientée à la hausse et que le dernier programme à cinq ans du comité central appelle à un recentrage de l’économie sur la consommation, l’économie chinoise a reposé jusqu’à présent sur un modèle de croissance alimenté par les investissements. En effet, après les mouvements sociaux qui ont accompagné, en 1989, l’envolée de l’inflation (jusqu’à 28%), la Chine a surveillé de très près son taux d’inflation qui, s’il atteint un niveau excessif peut entraîner un resserrement du taux de change réel, et a privilégié un modèle déflationniste fondé sur les investissements. » 

« Frank Veneroso, brillant commentateur des marchés, a été le premier à souligner le caractère inédit dans l’histoire de l’industrialisation du modèle fondé sur les investissements de la Chine. Et c’est là que le bât blesse. Le déferlement d’une nouvelle vague d’investissements alimentés par le crédit dans l’économie mondiale, déjà au bord de la déflation, ne sera tout simplement pas toléré. Voyez les données commerciales. Observez le taux de chômage américain. La révolte, qui se profile aux Etats-Unis, a de plus en plus de chances de se traduire par un retour généralisé des barrières douanières. »

EN LIEN : EQUILIBRE DE NASH   http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89quilibre_de_Nash

source socgen/aof-fund/oct10

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