Art de la guerre monétaire et économique

Humeur de Loups et temps à l’orage du Lundi 9 Avril : En vrac à propos de tout et de rien par Bruno Bertez

Humeur de Loups et temps à l’orage du Lundi 9 Avril : En vrac à propos de tout et de rien par Bruno Bertez

Le petit nuage a visiblement des fuites. Est-il vraiment crevé?  Trop tôt pour le dire, mais il est évident que la météo a changé sur les marchés. Il faut noter qu’à ce jour les places américaines résistent mieux sinon bien.

  Il a fallu encaisser les minutes du FOMC, peu favorables à de nouvelles initiatives monétaires, la rechute européenne, tant au niveau de la dette que de la conjoncture, le suicide d’un malheureux grec, le pessimisme sur le résultat de l’élection française à venir,  des indicateurs ISM décevants aux Etats-Unis, la rechute des marchés de crédit, la contagion négative au secteur bancaire et financier etc.

 En fait tout a chuté à l’unisson dans le complexe du risk-on avec la bascule normale c’est à dire achats sur les treasuries US et le Dollar Index.

Nous vous rappelons notre analyse habituelle, quand on a beaucoup monté,  les corrections sont évidentes.  Elles s’imposent et il est incroyable mais vrai que les marchés s’en étonnent! Apres la hausse la baisse est normale les seules choses intéressantes, ce sont les prétextes et dans une situation fondamentale  « pourrie », des prétextes il y en a, il y en a pléthore.

Notre idée est que les apprentis sorciers gèrent le temps, un coup d’accélérateur de temps à autres, un coup de frein ensuite. L’attaque en règle sur l’or, il y a quelque temps, montrait bien que les marchés déplaisaient: retour de la spéculation, hausse du pétrole , hausse brutale du rendement des Treasuries longues, les démiurges ont froncé le sourcil, cela ne leur convenait pas.

Il y avait place pour une pause. Il fallait secouer le cocotier avant les éventuelles et espérées rampes de lancement de la fusée Obama. Un calendrier électoral, cela se gère. Une fois de plus la clientèle, ou ce qui en reste, a été victime du fine tuning: il y a quelques semaines Bernanke a tenu des propos très dovish, il a embarqué les marchés; il y a quelques jours, c’est l’inverse, il a suscité les dégagements. Tout le monde a compris que la FED voulait mettre un peu à la diète ceux qui manifestait un peu trop d’appétit pour le risque.

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Nous laissons de cote la Comedia dell’arte de l’Europe, les acteurs sont de plus en plus médiocres, ils ne connaissent ni le scenario, ni leur propre texte, c’est cacophonie, ce soir on improvise.

S’agissant de l’Europe il n’ y a qu’une attitude saine et responsable: considérer que rien n’est résolu et que les problèmes sont devant et non derrière. Le LTRO  a sauvé la mise pendant quelque temps, les effets se dissipent, c’est tout.

La résistance aux pseudo-solutions Merkel-Sarkozy, solutions de la fausse rigueur cosmétique, cette résistance s’organise à la fois au niveau des gouvernements, des provinces ou régions et au niveau des peuples, y compris par le sacrifice de sa vie.

L’éléphant dans la pièce, c’est évidemment l’Espagne, éléphant qui rend dérisoires les déclarations de victoire et de succès de Draghi, Sarkozy et autres responsables. Les Anglo-saxons qui ont ridiculisés ces déclarations ont encore marqué un point.

Tant que l’on n’abandonnera pas la politique de l’opacité, du mensonge, il y aura rechute sur rechute: pourquoi parce qu’il y a toujours quelque chose à découvrir sous les tapis. Et parce que la transitivité négative de l’austérité est enclenchée.

Tous les spécialistes savent que tout ce qui est officiel, mis en avant en Espagne est tronqué, trompeur, sinon faux.

Le déficit de l’Etat est présenté de façon trompeuse, il est supérieur à 100% du GDP, les provinces ont un déficit colossal et contestent l’autorité de l’Etat pour les forcer à le réduire, l’immobilier n’est pas à son prix, il doit encore baisser de 35%, les banques ne passent pas la moitié des provisions qu’elles devraient passer, ces banques ont besoin de fonds propres, ce sont elles qui accroissent leurs risques et achètent les obligations de leur gouvernement  etc.  C’est un véritable château de cartes à la merci du moindre coup de vent social ou financier que l’on essaie de faire tenir.

Source : Financial Times

Et Draghi qui continue dans l’absurde ; en début de semaine, il a osé nous dire: « la hausse des taux sur la dette des pays périphériques montre que les marchés veulent que les gouvernements maintiennent une ligne dure sur les mesures de réduction des déficits et les réformes » !

Non, Monsieur Draghi, la hausse des taux indique que le tourniquet du LTRO a  touché ses limites, que les effets euphorisants se dissipent et que vous vous  êtes imprudemment avancé en proclamant votre autosatisfaction d’avoir réussi.

Et le même Draghi qui ose contre tout bon sens et toute vérité nous dire qu’il n’ a pas de problème de politique monétaire en Europe, que la politique de la BCE est bonne pour tous aussi bien pour les pays du nord que pour ceux du sud, qu’il n’ y a pas de problème d’inflation en Allemagne alors que la Bundesbank vient de prendre des mesures pour  lutter contre la spéculation  et la surchauffe immobilière. Draghi ne lit pas la presse allemande, visiblement.

 

La question de la divergence structurelle au sein de l’Europe est le problème majeur, fondamental.

De la même manière que l’on ne corrigera pas les vices du système par la règlementation, on ne corrigera pas les divergences par les LTRO, l’austérité et les reformes du marché du travail. Toutes les tartes  à la crème qui font les choux gras des réunions européennes sont empoisonnées: elles aggravent le mal. Et le drame est que ce sera encore pire si les élections  amènent au pouvoir ici et là les socio-démocrates, car en plus ils perdront le peu de confiance- ou de doute- qui subsistent sur les marchés financiers. Les Anglo-saxons se frottent déjà les mains de l’aubaine.

Il y a quelques jours Rosenberg que nous suivons, écrivait que, pour investir, il fallait choisir les pays qui ont :

-Des gouvernements pro-business

-Une banque centrale responsable-

-Des ressources naturelles, matières premières

-Une dette triple A

L’Europe n’est près de recevoir de vrais fonds d’investissement, elle sera dominée par la spéculation prédatrice, le pillage,… ce qui se passe en Grèce est une triste préfiguration… L’avenir de l’Europe,c’est le sacrifice, ressort sur lequel jouent les responsables européens, ressort sur lequel ont toujours joué tous les régimes totalitaires, le sacrifice, l’altruisme, la solidarité récupérée, monopolisée par l’Etat pour asseoir, conforter, conserver son pouvoir.

 Derrière les erreurs économiques, il y a la politique et derrière la politique il y a les libertés.

 Nous ne résistons pas au triste plaisir de citer Ayn Rand, « A la base de tous les totalitarismes, il y a l’altruisme ».

BRUNO BERTEZ Le  9 Avril 2012

llustrations et mise en page by THE WOLF

EN BANDE SON :

1 réponse »

  1. Mardi 10 Avril.
    Le présent billet n’est pas a destination boursière. Par conséquent le pessimisme ou l’optimisme qui pourraient s’en dégager n’est en rien indicatif d’une position sur les marchés. Les sentiments boursiers sont ce qu’ils sont , sur le court et moyen terme les marchés ont leur logique propre laquelle ne coïncide pas avec la logique tout court:

    Au cours des 6 derniers mois les bourses mondiales ont connu un rally fantastique.
    Sauf erreur de notre part, elles monté de 30% en moyenne. Deux sont en pointe et ont fait mieux, l’Allemagne et le Brésil avec des hausses de prés de 45%, quatre ont fait moins bien , la Nouvelle Zélande, l’Australie, le Canada, la Chine avec des hausses de 15 a 20%.

    Vous remarquerez à la fois l’unanimité des hausses, mais aussi la ligne de partage entre les bourses qui ont monté plus que la moyenne et celles qui ont monté moins : l’observation la plus nette est la performance  » faible » du bloc Chine/Commodities.
    La Chine semble  »plomber » en quelque sorte les pays qui lui sont arrimés soit réellement soit simplement conceptuellement.

    L’événement marquant de la période a été le gonflement sans précédent des bilans des banques globales, ce gonflement est général, synchronisé. C’est la première fois que l’on voit pareil phénomène avec une telle ampleur et une telle extension.

    Le système bancaire mondial est inondé de liquidités quasi gratuites, qu’il ne prête pas, qu’il stocke en grande partie, nous disons en grande partie car il y a une fraction qui elle, va chasser le rendement spéculatif sur les marchés. Le non risk ne rapporte rien donc on stocke les liquidités, le risk élevé à retour rapide est chassé en coup de fusil, en prédateur. Le crédit à l’économie , nous parlons du crédit privé reste bloqué, la vitesse de circulation de la monnaie continue de chuter: La poursuite de la baisse de la vélocité de la monnaie témoigne à la fois de la non transmission des politiques monétaires à l’économie réelle, de leur échec , et de l’ampleur de l’impairement , de la dégradation du système financier global.

    Les politiques monétaires sont clairement inefficaces sur la production et l’emploi.
    Elles ont un effet limité que nous appellerons effet d’ambiance, elles évitent la sinistrose, les titres de medias catastrophistes. Elles jouent par le soi disant effet de richesse, le wealth effect , elles jouent par le biais du sauvetage, du maintien en vie d’une une grande partie de l’appareil bancaire, par le maintien en survie, respiration artificielle des finances des grands pays industrialisés.

    Contrairement à la propagande qui essaie de faire prendre des vessies pour des lanternes et feint de s’indigner que l’appareil bancaire ne fait pas son travail, les politiques monétaires de gonflement des bilans des banques centrales ne sont que des politiques de sauvetage des gouvernements surendettés et de leurs prêteurs, les banques. Et comme la situation est grave, catastrophique et que l’on ne peut agir avec discernement sous peine de se tromper, on arrose, on noie indistinctement pour être sur qu’il y aura assez de liquidités pour masquer la faillite du système. C’est la raison pour laquelle le système bancaire mondial est à la fois en situation de faillite ou d’insolvabilité et en même temps assis sur des trillions oisifs ou en dépôt auprès des banques centrales. Le paradoxe vous le comprenez n’est qu’apparent c’est parce que le système est détérioré mais que l’on ne peut être sélectif dans les remèdes que l’on en est réduit à suralimenter en liquidités, à overshooter.

    C’est l’existence de cet overshooting, de cet excès, de ce débord qui provoque et explique le rally des marchés: Ce n’est absolument pas l’espoir, l’arlésienne de la reprise autoentretenue: ce qui est lié à la reprise, les commodities, les facteurs de production sont atones, encéphalogramme plat ou pire.

    Malgré quelques statistiques positives biaisées par une météo incroyablement favorable , les autorités américaines ont maintenu le suspens ou l’espoir de prochaines largesses monétaires. Elles ont soutenu les marchés, par la parole. Elles savent bien qu’ajouter encore des liquidités ne servirait à rien au plan réel, cela ne servirait qu’à gonfler la bulle spéculative des bourses donc à fragiliser et surtout à enfler les cours du pétrole laquelle réduit le pouvoir d’achat disponible et accentue la tendance déflationniste. Parler est donc la meilleure solution, cela ne coute rien … tant que cela marche . Mais il ne faudrait pas que le bluff soit découvert, il serait dramatique que l’on sache que le roi est nu, il serait dramatique que le dernière bouée, fut elle fictive, est percée. Le mythe de la toute puissance doit être entretenu, il doit survivre a tous les échecs

    Le principal obstacle à de nouvelles initiatives monétaires non conventionnelle n’est pas technique : absence de treasuries courtes pour faire le twist américain , absence de collatéraux x pour les LTRO del a BCE, ce n’est pas non plus l’inflation , non c’est la crédibilité: elle s’use quand on sert trop sans résultat!

    Compte tenu du raccourcissement de l’échelle de temps , compte tenu de l’effet d’apprentissage, compte tenu du renforcement des conséquences non voulues, la crédibilité doit maintenant être utilisée avec parcimonie, économisée. Les conséquences négatives , qui entrent dans le bilan, la balance des avantages et inconvénients des politiques monétaires non conventionnelles , sont devenues trop évidentes . Sans compter tout ce que l’on ne voit pas mais que les autorités elles connaissent. l’allocation délirante du capital, accumulation de capital non productif, le découragement de l’épargne , le détournement des énergies entrepreneuriales etc.

    Nous sommes au stade, pas encore évident pour le public et ses medias, ou le kick the can , la tentative de booster le court terme se heurte en profondeur aux structures du long terme , le compromettent.

    Faut il continuer à détruire plus pour des petits bénéfices temporaires de court terme ; les oppositions au sein de la FED ou au sein de l’Europe à la poursuite des politiques monétaires en cours tournent autour de cette question.

    Avec le  »miss » , les déceptions sur l’évolution conjoncturelle aux Etats -Unis, les craintes de récession sont , à juste titre ravivées. L’Europe est à nouveau sur le bord d’une crise financière, la Chine et l’Inde vacillent coincées entre les déséquilibres fondamentaux et l’inflation, le Japon s’enfonce dans le désastre économique, financier, politique et démographique . Le seul recours à nouveau est la BOJ.

    Si le suspens de futures initiatives monétaires venait à disparaitre soit par l’annonce de nouvelles mesures, soit par la généralisation du doute, les marchés risqueraient d’être livrés à eux mêmes , c’est à dire aux lois naturelles de la gravité. Tout ce qui est soutenu finit toujours par tomber c’est une loi incontournable. Espérons que le soutien par la parole et les discours fonctionnera encore quelque temps.

    Pendant ce temps le fiscal que l’on a eu tendance à oublier, les feux étant sur le monétaire, le fiscal comme une taupe ronge le fondamental.

    En fin 2O12 c’est à un véritable mur fiscal que vont se heurter les Etas Unis avec un fort relèvement automatique des prélèvements: En Europe c’est la même chose soit en raison des mesures de réduction des déficits déjà décidés , soit en raison de celles qui ont été différées.

    Nous pensons qu’au delà des chiffres, des effets mesurables, le fiscal va jouer un rôle très négatif dans les pays développés. Les gens normaux ont perdu de l’argent en 2008/2009, ils n’en ont pas gagné en 2010/2011 prudents , frigorifiés face à l’escarpolette des marchés, ils ont conscience de l’instabilité fiscale et règlementaire en préparation laquelle se traduira par de lourdes ponctions, ils savent aussi que la maitrise de la hausse des prix est un mythe , tout ceci plaide en faveur d’une frilosité renforcée.

    Les comportements vont s’infléchir dans le sens de la rétention , de la préservation, surtout dans le secteur de petites et moyennes entreprises ou la ligne de partage entre la situation personnelle de l’entrepreneur et celle son entreprise est ténue, voire inexistante. Les effets directs du laminage du à la crise, les effets indirects de l’aggravation des confiscations fiscales, les effets sournois du renchérissement , tout cela va se composer, s’additionner pour réduire les propensions à investir et consommer et renforcer l’attrait de la thésaurisation.

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