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Affaire Valeurs Actuelles contre le Monde : Entre investigation et grande indignation ! Par François Schaller

Affaire Valeurs Actuelles contre le Monde : Entre investigation et grande indignation ! Par  François Schaller

Valeurs Actuelles enquête sur Le Monde. Qui dépose plainte. Ou quand les médias redescendent sur terre.

C’est une histoire assez cocasse d’arroseur arrosé et… très indigné. A ce stade  tout au moins. Le news magazine français Valeurs Actuelles, qui passe pour sarkozien, publie des informations assez précises sur les rendez-vous des deux journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme enquêtant au quotidien Le Monde sur l’affaire Bygmalion (qu’ils sont accusés par Valeurs Actuelles de vouloir transformer en affaire Sarkozy). Il s’avère qu’ils ont été reçus le même jour à l’Elysée, à la Chancellerie, chez un juge en charge du dossier Bygmalion, peu avant la publication d’articles contenant des informations qui auraient dû rester confidentielles.

Valeurs Actuelles fait en somme ce que les journalistes d’investigation ont en général le droit et bien raison de faire. Le magazine publie des données qui lui ont peut-être été fournies par des proches des deux journalistes du Monde, ou par d’autres gorges profondes aux motivations peu claires. A moins que les infos aient été obtenues par des procédés illégaux de hacking ou de filature, ce qui devrait se savoir assez vite.

Le lecteur en déduira ce qu’il voudra, y compris (et si possible) que les investigateurs du Monde sont renseignés par des dignitaires et magistrats tenus à des secrets de fonction en principe très stricts dans ce genre de circonstance. On s’en doutait bien, mais c’est assez différent lorsque c’est démontré.

La réaction d’une douzaine de sociétés de rédacteurs des plus grands médias français, privés et publics, a été de condamner fermement les révélations de Valeurs Actuelles, parce que les sources des journalistes (ceux du Monde en l’occurrence) doivent être protégées, et qu’il n’est pas sain que des médias enquêtent sur d’autres médias pour les identifier. Il en va de la liberté de la presse, l’un des piliers de la démocratie.

En tant que citoyen et journaliste (très allergique par ailleurs au personnage Sarkozy), nous ne sommes évidemment pas d’accord avec ces conclusions. Ce sont aux journalistes de protéger leurs sources, et à la justice de respecter ce devoir déontologique (sauf peut-être dans quelques cas extrêmes). Si ces sources sont identifiées par d’autres (journalistes ou non), rien n’empêche de les divulguer. Si le quotidien Le Monde, qui a déposé plainte (le monde à l’envers), ou la justice, découvraient qui avait renseigné Valeurs Actuelles, il semblerait tout aussi normal qu’ils le communiquent.

Que des médias enquêtent sur d’autres médias comme sur n’importe quelle institution n’est pas malsain en soi. Cette égalité de traitement est même tout à fait souhaitable, et bien trop rare. Elle contribue à relativiser l’idée malheureusement si répandue que les journalistes fonctionnent comme une corporation d’intouchables. Unis par un sacrement, touchés par la grâce. Une mafia qui a d’ordinaire trop beau jeu d’agiter le spectre du muselage, de la démocratie en danger, lorsque l’un de ses membres est critiqué. Ou quand la justice se mêle de ses affaires. Elle va d’ailleurs certainement adorer celles de Valeurs Actuelles.

François Schaller

Source AGEFI SUISSE 20/10/2014

http://agefi.com/suisse/detail/artikel/valeurs-actuelles-enquete-sur-le-monde-qui-depose-plainte-ou-quand-les-medias-redescendent-sur-terre-384144.html?issueUID=700&pageUID=20915&cHash=8fa6cdeac008242eb2f34d273f7e462b

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