Art de la guerre monétaire et économique

Cette finance qui parasite l’économie réelle par Michel Santi

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Notre avenir dépend de l’innovation mais celle-ci n’intéresse quasiment plus personne au sein des sociétés occidentales. Les États-Unis, autrefois modèle suprême envié par le monde entier dont les inventions contribuèrent à améliorer l’existence de centaines de millions de personnes, se retrouvent actuellement à la traîne en termes d’innovation. Une étude de l’Information Technology & Innovation Foundation les place désormais au quatrième rang derrière… Singapour ou la Finlande. Une étude de l’Ocde constate par ailleurs qu’ils sont aujourd’hui distancés par des nations ayant fortement investi dans la recherche, dans l’éducation et qui ne souffrent pas d’une inégalité des revenus aussi choquante.

De fait, les fondamentaux caractérisant une économie traditionnelle ont été bouleversés aux USA comme en Europe. C’est une inversion des valeurs qui a progressivement privé l’appareil de production des investissements qui y étaient traditionnellement destinés et qui permettaient naguère d’améliorer les conditions de travail des salariés comme la qualité des produits manufacturés. C’est un flux inverse que les entreprises ont même subi puisque les capitaux en ont été extraits. Cette déprédation de l’outil de travail se déroulant selon une ampleur « industrielle » ! L’inventivité et l’initiative des entreprises se sont donc logiquement effacées devant l’efficience de la finance qui a littéralement pompé hors de l’entreprise des capitaux indispensables à la recherche, à la technologie et à la formation.

Voilà donc le système financier qui s’enrichit aux dépens des concepteurs et des producteurs de nos biens d’équipement et de nos produits manufacturés. De fait, l’hypertrophie de la finance et de ses profits tout aussi démesurés qu’indécents s’est concrétisée en foulant aux pieds la qualité de nos emplois. Les intérêts vitaux de la vraie économie ont été sacrifiés sur l’autel de la finance, des investisseurs, des spéculateurs, du court terme et de leurs bénéfices. C’est une authentique confiscation des ressources qui a eu lieu : qui a privé les citoyens d’une croissance stable, qui a empêché l’amélioration de leur niveau de vie, qui a déstabilisé l’économie à la faveur de l’implosion répétitive de bulles spéculatives et qui a soustrait à nos économies une part substantielle de leur prospérité.

Savez-vous que de nos jours la maxime de Wall Street et de la City de Londres est : « I.B.G.- Y.B.G. » ? « I’ll Be Gone, You’ll Be Gone », soit en français : « Je ne serai plus là, vous ne serez plus là », qui signifie clairement que les cataclysmes de demain – inévitables comme conséquences des comportements actuels – ne sont pas leur problème. Les financiers, et tous ceux qui gravitent autour d’eux, ne seront en effet plus ici… Et ce sera à d’autres de gérer les problèmes induits par leurs exactions d’aujourd’hui. Il va de soi que cette énième version d’ « après moi le déluge » se fiche éperdument de stabilité financière, comme de la qualité des emplois.

Wall Street et ses émules ont ainsi dénaturé le paysage industriel et des affaires en général, pour les amener à devenir des opérations hypermargées, dont la vocation se réduit exclusivement à la rentabilité sur le court terme d’un capital prompt à se détourner pour aller vers des transactions plus juteuses. Quand prendrons-nous conscience que les marchés financiers ne créent nulle valeur et qu’ils doivent être subordonnés et placés fermement sous la tutelle de l’économie productive ? Car, pour paraphraser Paul Volcker, ancien président de la Fed, les distributeurs automatiques de billets (ATM) représentent la seule innovation utile de la finance de ces vingt dernières années !

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Volkswagen? Pas une exception, mais la règle du capitalisme actuel

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Le capitalisme doit redevenir l’affaire de tous car il est aux mains d’une infime minorité qui est aux commandes. Un glissement imperceptible s’est déroulé depuis le début des années 80: le pouvoir de l’argent étant passé des mains des capitaines d’industrie à ceux de la haute finance. Ce faisant, l’oligarchie financière a progressivement étendu sa domination pour finir, vers le milieu des années 2000, par régner sur l’ensemble de l’économie réelle qui en est devenue totalement accro, via le levier de la financiarisation. Cette sophistication ultime de la finance (ayant accouché de la crise des subprimes dès 2007) a su se rendre indispensable à l’économie en l’arrosant de liquidités. L’ensemble des entreprises et des acteurs économiques a dès lors adopté le marché comme référence suprême sans se rendre compte que cette financiarisation revenait en fait à une monopolisation accrue des pouvoirs. Pouvoirs qui étaient imperceptiblement passés depuis les mains des capitaines d’industrie et des entrepreneurs (qui avaient au moins le mérite d’être familiers avec leurs ouvriers et avec leur production) entre les mains d’une élite de financiers. La tradition entrepreneuriale avait jusque-là réellement créé une valeur ajoutée pour notre société. Et les révolutions technologiques laissé une marque profonde pour avoir constitué les authentiques forces motrices ayant autorisé prospérité des sociétés et réalisation de l’individu. En effet, le profit n’avait jamais été qu’un instrument pour ces entreprises et non le but ultime comme il l’est pour la finance, car il était constamment réinvesti, certes dans l’intérêt de ces entrepreneurs, mais également de toute la chaîne humaine qui y participait.

Aujourd’hui, le profit est l’horizon unique de cette financiarisation qui a tout contaminé sur son passage et qui ne considère désormais les entreprises que comme un levier à profits, ou une machine à sous dans un casino planétaire qui achète, qui vend des entreprises, qui embauche et qui licencie des salariés, avec pour seuls critères les bénéfices escomptés. La dichotomie entre industrie et finance a en effet totalement disparu. Le scandale tout récent de Volkswagen achève, si besoin est, de nous convaincre que la production n’est finalement qu’un accessoire, tout juste bon pour justifier et pour alimenter un secteur financier qui s’avère bien plus lucratif que les activités traditionnelles. Le mélange des genres est donc devenu global, intégralement en faveur de la finance et au mépris de tout intérêt commercial et de toute stratégie industrielle. C’est l’ensemble du spectre qui se retrouve aujourd’hui contaminé par la financiarisation: l’énergie, l’immobilier, les denrées alimentaires. Toutes les facettes de l’activité économique se retrouvent ainsi enchevêtrées dans une toile complexe tissée par la financiarisation. Du reste, les domaines d’activités n’importent nullement à cette financiarisation capable de sévir aujourd’hui sur un secteur donné pour l’abandonner sans crier gare au profit de placements en faveur d’un autre plus rentable. Le seul et unique objectif étant de dégager dans les meilleurs délais des bénéfices sonnants et trébuchants : telle est en effet la spécialisation ultime à l’exclusion de toute autre.

Organiser le sous-effectif, négliger les conditions de travail, moderniser à reculons l’outil de production, telles sont donc devenues les lignes de conduite des gestionnaires de ces entreprises modernes, désormais sous le joug des financiers. Cet objectif unique du profit, érigé au rang de religion pragmatique, a défini de nouveaux codes dont l’ensemble de la société doit s’imprégner et s’inspirer. Voilà pourquoi l’Allemagne se focalise entièrement sur les gains de productivité comme seul et unique moyen pour résorber les déficits. Comme les seules améliorations tolérées sont celles qui touchent à la productivité, tous les critères, toute optimisation et toute recherche de solutions sont scrutés et décortiqués à l’aune de la productivité. Ce mépris suprême de la valeur travail que nous acceptons tous dans l’intérêt des gonflements des revenus spéculatifs n’est-il pas la marque de la décadence de notre civilisation ? À l’aide de ses produits toujours plus sophistiqués, la finance a fait main basse sur le management comme sur l’outil de travail, considérés dès lors comme une simple variable négociable à la hausse ou à la baisse, selon les besoins et les profits du moment. Le travail est devenu une simple denrée, une vulgaire matière première, privée de toute considération morale et même humaine. De fait, les entreprises qui licencient sont quasiment toujours récompensées par les marchés via une augmentation de leur titre en bourse tandis que, parallèlement, celles qui embauchent courent le risque d’être jugées avec grande circonspection par l’armada des analystes financiers confortablement installés dans leur fauteuil.

De la pression intense exercée sur leurs salariés (à tous les niveaux de la hiérarchie) pour atteindre et dépasser les objectifs, au stress permanent auquel sont soumises les directions générales quant à l’évolution du cours en bourse de la société qui les emploie. Des retours sur investissements, des chiffres relatifs à leurs ventes nationales et internationales à leurs économies de fonctionnement. Les violations de la loi et la corruption semblent faire aujourd’hui partie des règles du jeu de ces entreprises et du monde de la finance, seulement préoccupés par réaliser de bons chiffres, dépasser les concurrents, conquérir de nouveaux marchés et clients jusqu’à ce que certains se fassent «pincer». Allègrement piétinées, l’éthique et la morale sont priées de s’éclipser face aux promotions, aux bonus, aux comptes et aux rapports falsifiés. Volkswagen ne constitue à cet égard qu’une péripétie supplémentaire sur un long chemin de corruption et de scandales ayant touché (depuis une petite quinzaine d’années) Worldcom, News Corp ou Wal Mart… C’est donc l’ensemble du spectre du monde du travail (et pas seulement la finance) qui se retrouve infecté par le conflit d’intérêt, par la comptabilité frauduleuse, par les fausses déclarations et par les atteintes à la vie privée. Le capitalisme moderne est-il donc condamné à générer des monstres ? Milton Friedman affirmait que le capitalisme est la liberté. Certes, à condition que cette liberté reste l’apanage d’une infime minorité qui coexiste à côté et au-dessus d’un océan de serfs.

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EN BANDE SON:  

7 réponses »

  1. Papier lumineux. Comment depuis un tel constat trouver des solutions politiques, au moins en France? Car ces dérives ont été encouragées et permises par une classe politique constituée d’individus que nous connaissons bien et une presse « mainstream » aux ordres qui depuis des décennies fait un travail idéologique intensif. Qui donc sera capable de les dénoncer, d’être entendu, et de proposer un nouveau chemin, dans le cadre d’une souveraineté nationale qui rendrait aux citoyens leur liberté de choix contre ces stratégies mondialisées dont l’UE est un vecteur puissant? C’est tout le problème actuel, l’essentiel des appareils politiques en France étant, en dépit de leurs discours parfois divergents, les éléments constitutifs de ce système qui nous conduit au désastre. La finance a cadenassé la démocratie ici comme ailleurs, et à ce jour, nulle solution politique crédible n’existe. Expliciter si clairement le problème est en tout cas un grand progrès dans la cacophonie publique actuelle, et un premier pas indispensable vers « autre chose ».

  2. Michel Santi exprime ici avec brio et simplicité ce qui fait que le commerce et l’industrie (à l’échelle mondiale) se sont complètement sclérosés, atrophiés, au profit d’une cynique caste de profiteurs suceurs de sang éternellement insatisfaits au détriment du plus grand nombre : les banques de Wall Street et la City, et par contagion tout le système financier, avec l’aide des caciques des systèmes monétaires (issu du même sérail d’ailleurs, insufflant des coups de turbo monétaire en cas de coup de barre (QE & rachat des bonds par la FED, BCE, etc), avec la complicité des gouvernants dits « politiques » (qui ne décident de quasiment rien) dans le conflit d’intérêts permanent : chez nous les énarques passent du public au privé cooptés par la même caste implantée dans les conseils d’administration (bien plus pour leur carnet d’adresses que pour leurs compétences : économie dirigée à 57% du PIB, donc le business à cette hauteur se fait avec les confrères et collègues de la fonction publique, ce sans grosse concurrence …) goûtant ainsi aux délices des bonus, golden parachute, stock-options, primes diverses.Ce papier m’a conforté dans l’analyse que je me fais depuis près de 20 ans sur la déliquescence du capitalisme, il est grand temps de mettre de l’ordre, sinon des révolutions le feront dans un avenir peut-être très proche.
    L’expression des idées et la force qui s’en dégage, c’était très bien Santi.

  3. Ce papier est une bonne synthèse, mais ce qui me gêne chez Santi et bien d’autres bloggeurs condamnant très justement ce modèle destructeur qu’est le capitalisme moderne, est que tout ces nouveaux analystes étaient avant 2008 eux-même des financiers ou TRADERS profitant très largement de ce système.

    La crise passant par là avec Lehman brothers, les banques les ont largement licencié, sont apparus alors sur NET de nombreuses lettres de nouveaux analystes (ex-traders et autres) critiquant le système qu’ils on adoré et qui les a enrichi …. vous allez me dire qu’il n ‘est jamais trop tard, mais c’est quand même faire d’une belle hypocrisie.

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