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L’Article du Jour : Rapport minoritaire (Marc Obregon)

Rapport minoritaire

Comme toujours, l’éditocratie du lundi matin s’en empare avec charognardise. On éructe de part et d’autre du spectre politique, on lave en public le linge sale de la Macronie, on tire à boulets rouges sur les récents choix stratégiques du Jupiter Descending. Il est vrai qu’à force de planer d’aller jouer à Risk avec Volodymir Zelenski, le nez dans la poudreuse, il y a longtemps que l’hyper-président n’est pas redescendu sur terre. Le Parlement doit lui sembler une vieillerie bien désuète, un mirage du monde d’avant, un de ces colifichets navrants dont on pare la vieille République comme on attache des créoles aux lobes d’une putain, pour lui donner le lustre d’antan. Et comment lui donner tort ? La France abstentionniste a gagné le combat, elle a redit son dégoût du politique, sa fainéantise morale, sa désaffection pour tout comportement civique. Macron a pour lui une France adossée sur l’abandon du politique, sur le divertissement de masse comme seul horizon moral. On préfère les micro-polémiques des réseaux sociaux, les buckets challenges et les horions de la foule numérique, on préfère bâtir des caravanes de mèmes pour faire rire ses abonnés, on préfère disserter sans fin sur le dernier Marvel – et de toutes façons on est chacun tellement isolés dans nos bulles informationnelles que les contradicteurs nous paraissent lointains, désactivés, presque indiscernables des bots de Google qui inlassablement nettoient les gouttières du web. Il n’y a plus de politique possible dans un monde gazeux, dans une société dont on a ôté le système nerveux pour le remplacer par ce déploiement sans fin de bulles de savons rosâtres, vaguement domotiques, qui plic-ploquent avec satisfaction contre le faux plafond de l’univers, avant de s’évanouir tragiquement dans l’espace infini (et au-delà).

 

Bizarrement, le monde politique fait comme si cette France abstentionniste (dont je fais cruellement partie) n’existait pas, comme si elle n’était qu’une variable d’ajustement. La reconnaître, ce serait reconnaître l’inanité de notre système, ce serait donner raison à Macron qui pense pouvoir gouverner par-dessus la démocratie, par-dessus la République, enjambant superbement l’hémicycle, plus luciférien et zozotant que jamais. Et pourtant… et pourtant, le vote des français peut être considéré comme un rapport minoritaire, c’est-à-dire comme l’expression d’une minorité d’un point de vue quantitatif, mais qui exprime malgré tout un point de vue crucial. La granularité du monde politique français n’est peut être plus l’électeur, mais autre chose… Une entité extrêmement instable, extrêmement volatile, incapable de se fixer sur un seul support, mais qui réactive contre son gré le mécanisme grippé de la démocratie. Résultat, Macron pourrait bel et bien être empêché de gouverner comme il l’entend, avec un Parlement globalement acquis au RN et à cet espèce de golem cramoisi, le NUPES. Résultat, la démocratie française s’est encore jouée en deux temps : d’abord le tour symbolique, cathartique et toujours très vain de l’élection présidentielle, qui permet de rengorger les vieux démons, de mettre en pâture les mêmes vieux moulins à vent. Ensuite, le temps du concret, là où se joue quelque chose de plus dicible, là où les élites locales sont enfin cruellement sanctionnées pour leur manque de réalisme, pour leur éloignement des français. On ne saurait donner tort à ces derniers, et on ne peut que saluer ce petit sursaut de vie démocratique, qui nous ferait presque croire que quelque chose comme un reste de pouvoir réside entre nos mains…

Par Marc Obregon L’Incorrect

Toi, vieux Gaulois et fils du bon Villon, Vide ton verre et baise ta maîtresse. »

Théodore de Banville

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