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La mort de Thomas oppose la « crépolisation » à la « créolisation »

La mort de Thomas oppose la « crépolisation » à la « créolisation »

laselectiondujour.com

4 min

November 24, 2023

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Pour parler de l’immigration côté jardin, Jean-Luc Mélenchon vante la « créolisation », mélange des cultures et des traditions, à la fois exotique et pacifique. Depuis la mort de Thomas, ce concept publicitaire se voit supplanté par celui de « crépolisation » inventé par le RN dans une tribune du JDD de Pierre-Romain Thionnet. Une lettre les sépare, écrite avec le sang de ce jeune de 16 ans dont les obsèques ont été célébrées cet après-midi.

Le drame de Crépol s’ajoute à la liste déjà longue d’attentats perpétrés en haine d’une réalité indigène matérialisée par l’école et la police mais aussi par une manière de vivre ensemble, lequel semble s’effacer chaque jour davantage de l’horizon social. Créolisation et crépolisation : ce serait l’un ou l’autre ou l’un conduisant à l’autre, sur le même mode que, selon certains, une société multiraciale est nécessairement multiraciste.

Attentat et haine sont les deux mots les plus justes pour qualifier l’expédition menée samedi dernier contre ce village drômois de 500 âmes situé entre Lyon et Valence. Ce qu’on appelle les banlieues rattrape et contamine un tissu rural déjà fragilisé par d’autres formes de violence, celle des faits divers proportionnellement plus nombreux qu’ailleurs, et celle de la relégation économique et culturelle, laquelle engendre déclassement et vieillissement.

Le seul avantage comparatif de la campagne résidait, outre l’espace, dans la tranquillité que l’éloignement des centres urbains pouvait lui fournir. Cette réalité se rétrécit à mesure que la criminalité s’étend à des villes de province naguère paisibles. Le cas d’Alençon, miné par le trafic de drogue, avait fait parler de lui l’an dernier. Aujourd’hui, c’est Romans-sur-Isère, où la cité de la Monnaie a fourbi le commando venu pour « tuer du blanc ». Une « bande », comme on dit, a précipité Crépol dans l’horreur un soir de fête. Les témoignages recueillis par Le Dauphiné suffisent à prendre la mesure de l’événement, lequel n’est pas un fait divers mais un fait social.

Qu’est-ce qui distingue les deux ? Le fait divers est de nature privée. Il n’a pas de portée politique, si dramatique soit-il, comme l’illustre la disparition du petit Émile, qui a trois ans aujourd’hui et dont les parents ont enregistré un message bouleversant aux allures de bouteille à la mer. La dimension « neutre » justifie la médiatisation du fait divers. C’est quelque chose qui, peu ou prou, peut m’arriver, que je le veuille ou non, selon que j’en suis la victime, le responsable ou le coupable. Cela ne signifie pas que le fait divers soit anodin. Par exemple, un accident mobilisant les secours en montagne pose la question de notre relation au risque et à la prise en charge de celui-ci par la collectivité. Une femme tuée dans une scène de ménage invite la société à réfléchir à l’état de santé relationnel des couples, etc. Bref, un fait intime n’interdit pas qu’on en tire une leçon.

Pour Crépol, la chose est de nature différente, et c’est là que l’article du Monde confond les registres lorsqu’il l’assimile aux autres types de violence que subit la ruralité, comme les cambriolages. Ce n’est pas la préméditation qui distingue la mort de Thomas, pas plus que le caractère collectif de la rixe provoquée par cette descente punitive.

Des faits divers restés célèbres possèdent ces ingrédients. Citons la tuerie d’Auriol (1981) ou les affaires Jean-Claude Romand (1993) et Xavier Dupont de Ligonnès (2011). Ces massacres restent toutefois emmurés dans leur dramaturgie et une signification qu’ils ne partagent avec aucun autre récit. S’ils ont ému la France, c’est pour l’issue à laquelle le huis clos familial a pu donner lieu. Tout juste peut-on rattacher les affaires Romand et Dupont de Ligonnès à la précarité économique et à la peur de déchoir socialement, lui le faux médecin endetté de l’OMS, l’autre l’aristo ruiné.

Bien que le crime fasse ressortir la face obscure de l’âme, tous n’accèdent pas au rang de fait social auquel peut prétendre le drame de Crépol, symbole de la France Orange mécanique, celle de l’ensauvagement des mœurs que le RN rattache à une incompatibilité culturelle avec les peuples allogènes.

Le Monde a toutefois raison sur un point, le plus inquiétant, c’est que chaque camp ne pleure plus que ses victimes : « Marine Le Pen et Jordan Bardella n’ont pas réagi à l’agression dans le Val-de-Marne » d’un jardinier arabe traité de « sale bougnoule » et « Jean-Luc Mélenchon n’a rien dit du mort de la Drôme ». Ces silences ne sont pas bons signes.

67, C’est le rang de la France dans le palmarès des pays les plus pacifiques établi par l’Institut pour l’Economie et la Paix, qui mesure « la sécurité de la société, les conflits intérieurs et extérieurs, et le degré de militarisation » dans le monde entier. 67e, c’est mieux que le Kossovo et le Liberia, soixante-dixièmes ex-aequo, mais moins bien que Chypre occupée par la Turquie, la Serbie ou l’Arménie menacé par l’Azerbaïdjan et beaucoup moins bien que Madagascar (55). On est en droit de trouver ce type de classements aléatoire, mais ils n’en donnent pas moins quelques éléments de réflexion. L’Europe est en effet, malgré la guerre en Ukraine, le continent le plus en paix, avec les sept pays dans les dix premiers (1er, l’Islande, suivie par le Danemark et l’Irlande, puis l’Autriche à la 5e place, le Portugal et la Slovénie en 7e et 8e positions, et la Suisse au 10e rang). Le premier pays américain est le Canada (11), alors que les Etats-Unis ne sont que cent-trente-et-unièmes, non pas à cause des guerres qu’ils soutiennent ou causent, mais à cause de leur taux d’homicide, en hausse, qui atteint 6 pour 100.000, soit six fois plus que la plupart des pays d’Europe. Sans surprise, l’Afrique du Nord et le Proche-Orient ne sont pas trop en paix (Liban 135, Israël 143). La Chine, au contraire de l’Iran (147) et de l’Inde (126), occupe une honnête quatre-vingtième place. Il est vrai qu’on s’y promène assez tranquille le soir.

« Rien n’est plus puissant qu’une idée dont le temps est venu »

Or, dans toute question humaine, il y a quelque chose de plus puissant que la force, que le courage, que le génie même : c’est l’idée dont le temps est venu.

Émile Souvestre – La Chouannerie dans le Poitou (1848)

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