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Argent Public : Quand Austérité rime avec Prodigalité

 Pour réduire leurs déficits, les Etats se lancent dans de vastes programmes d’austérité

Les mesures de réduction des déficits publics s’orientent autour de quatre axes principaux: la baisse des dépenses budgétaires générales, la révision des statuts de la fonction publique et donc de ses coûts, la hausse de l’âge de la retraite et la hausse de la charge fiscale.

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Baisse des dépenses générales

L’Espagne se montre la plus déterminée dans sa volonté d’abaisser le montant des dépenses publiques. Sa planification budgétaire prévoit de réduire d’ici à 2013 les dépenses du gouvernement central de 40 milliards d’euros et de 10 milliards celles des collectivités locales, afin de ramener le déficit de 11,3% du PIB actuellement à 3% en 2012.

L’Irlande taillera dans plusieurs de ses programmes sociaux afin de ramener son déficit, actuellement à 11,6% du PIB, à 2,9% en 2014, Ainsi, les allocations familiales seront réduites de 16 euros par enfant et par mois pour s’échelonner entre 150 et 187 euros selon les situations. Elle coupera aussi dans ses programmes généraux et dans les investissements.

Bien que ses intentions ne soient pas encore détaillées, la France prévoit de réduire de 1% ses dépenses publiques dès 2011.

Le Royaume-Uni et le Portugal prennent la même direction, quoique leurs efforts ne soient pas chiffrés. Pour réduire leurs dettes, les deux pays s’engagent dans de nouvelles privatisations. Le gouvernement Brown veut céder les participations massives dans trois grandes banques prises au pic de la crise pour les sauver de la faillite. Il veut aussi vendre d’autres actifs, comme des participations dans des sociétés publiques internationales. Il envisage aussi l’introduction d’une forme de frein à l’endettement nommée «Fiscal Responsibility Act».

Les Etats-Unis programment un gel de leurs dépenses dans tous les domaines à l’exception de la défense, de l’éducation et de la recherche, pendant une année, avant de les aligner sur le niveau d’inflation jusqu’à la fin de la décennie, selon le programme budgétaire présenté lundi par la Maison-Blanche. Le déficit devrait ainsi être ramené de 1600 milliards de dollars à une moyenne située entre 700 milliards et 1000 milliards de dollars à la fin de la décennie.

Au Japon, le gouvernement Hatoyama va couper dans ses investissements dans les travaux publics afin d’allouer davantage de moyens aux dépenses sociales, ceci afin de stimuler la consommation intérieure.

Révision des statuts des fonctionnaires

Plusieurs gouvernements veulent réduire le nombre de leurs fonctionnaires. Le plus déterminé est l’Espagne. Seul un départ sur dix sera remplacé. La France et le Portugal n’en remplaceront qu’un sur deux, la Grèce réduira l’effectif de 10%. La république hellénique gèlera aussi les salaires supérieurs à 2000 euros mensuels. L’Irlande ira plus loin: tous les employés de l’Etat subiront une coupe, allant de 5% pour les personnes gagnant moins de 30 000 euros par an à 15% pour ceux qui en touchent plus de 200 000. Symboliquement, le premier ministre Brian Cowen abaisse sa rémunération de 20%.

Elévation de l’âge de la retraite

Recommandée par l’OCDE afin d’aligner les charges futures sur l’allongement de l’espérance de vie, l’élévation de l’âge de la retraite est ouvertement évoquée dans deux pays: l’Espagne et la France. Tous deux cherchent à le porter à 67 ans.

Hausse des impôts

De nombreux gouvernements veulent élever leurs revenus fiscaux, à commencer par ceux qui sont payés par les personnes physiques. La mesure la plus spectaculaire est l’imposition des bonus prévue par le Royaume-Uni (50% des rémunérations variables ­supérieures à 27 500 livres) et par la France (au même taux) notamment.

Aux Etats-Unis, les baisses ­d’impôts accordées aux contribuables jouissant d’un revenu ­annuel supérieur à 250 000 dollars par l’administration Bush ne seront pas renouvelées. Les rabais d’impôts de 400 dollars accordés aux particuliers sont néanmoins maintenus dans le projet de ­budget 2011. La France veut ­mettre fin à certains régimes ­fiscaux spéciaux. L’Irlande va ­simplifier la déclaration de revenu.

La Grèce se joint au groupe des Etats qui classent désormais la lutte contre l’évasion fiscale parmi leurs priorités, comme les Etats-Unis, la France ou l’Allemagne.

Les banques devront assumer une part du fardeau, du moins aux Etats-Unis. Celles qui ont recouru aux fonds gouvernementaux au plus fort de la crise devront honorer une «taxe de recouvrement» établie sur leurs engagements. L’introduction de taxes carbone pèsera aussi sur les industries gazières, carbonifères et pétrolières aux Etats-Unis et sur les consommateurs d’énergies fossiles en Irlande.

. «Les Etats feront face à la résistance sociale»

Philippe Bacchetta, professeur d’économie à l’Université de Lausanne, affirme que la crise de la dette des pays de l’OCDE n’est pas soutenable

Le Temps: L’endettement des Etats de l’OCDE est-il alarmant?

Philippe Bacchetta: Il n’est pas dramatique. Dans le passé, nous avons déjà vu des niveaux comparables. Par contre, il est insoutenable, ce qui veut dire qu’on ne peut pas continuer sur la même voie. Les Etats ne peuvent pas vivre éternellement au-dessus de leurs moyens. Le service de la dette peut peser lourd dans le budget national.

– Quel est le vrai problème?

– A ce rythme, ils n’arriveront pas à financer les dettes. Les Etats fortement endettés doivent débourser un taux d’intérêt très élevé sur le marché des capitaux, ce qui est le cas pour la Grèce à présent. Quand il devient impossible de refinancer la dette, il y a défaut de paiement. Et là, le pays débiteur rentre dans un cercle vicieux.

La Grèce est-elle proche de cette situation?

– C’est une situation alarmante car le déficit budgétaire est très important. Mais le plus préoccupant, c’est la difficulté du gouvernement à convaincre la population grecque à faire des sacrifices. Par ailleurs, le pays a un mauvais antécédent: il manque de crédi­bilité auprès du marché pour avoir triché une fois avec ses statistiques.

L’endettement concerne plusieurs Etats membres en Europe. Ont-ils, selon vous, la volonté d’agir?

– Il faut plutôt parler des gouvernements en place, qui politiquement arrivent à leurs «limites». Ils doivent effectivement faire face à la résistance sociale face aux mesures d’austérité nécessaires pour rétablir la crédibilité. Certains pays arrivent mieux que d’autres à convaincre leur population. Les Irlandais ont accepté des baisses de salaire. Ce n’est pas le cas dans tous les pays.

Craignez-vous une crise sociale? Quelles seraient les conséquences?

– Les réformes passent nécessairement par une diminution des prestations publiques. La résistance aux mesures d’austérité est normale. Mais elle freinera les réformes. On voit déjà les fronts d’opposition qui se dessinent en Grèce, au Portugal et en Espagne.

Qui doit faire les sacrifices dans un programme d’austérité?

– Il faudrait répartir les sacrifices à l’ensemble des populations.

Cela dépend aussi du choix de la société qu’on veut. Les gouvernements de gauche privilégieront les impôts sur le capital et ceux de droite demanderont aux travailleurs de faire un effort. Dans les deux cas, les tensions augmentent dans la société.

Comment peut-on réconcilier la maîtrise de la dette et la croissance nécessaire pour générer des emplois et le pouvoir d’achat?

– Il n’y a pas d’impact négatif de la dette sur la croissance. Des pays endettés ont connu ou connaissent la croissance. Les problèmes découlent des mesures prises pour maîtriser l’endettement. Si on augmente les impôts des entreprises ou si on retire les subventions à la production pour réduire le déficit budgétaire, la croissance sera affectée.

– L’endettement conduit-il à l’inflation?

– Pas de manière importante.

EN COMPLEMENTS  INDISPENSABLES : Actifs bancaires et dette souveraine rapportés au PIB : comparaisons internationales (cliquez sur le lien)

Trappes à Dettes / Europe : inconséquences et conséquences… (cliquez sur le lien)

L’insoutenable légèreté de l’argent public (cliquez sur le lien)

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