Art de la guerre monétaire et économique

Andréas Hofert : Les marchés financiers ne sont plus fans de TINA

Andréas Hofert : Les marchés financiers ne sont plus fans de TINA

  Margaret Thatcher l’appelait TINA. Derrière ces initiales, se trouve son leitmotiv «Il n’y a pas d’alternative» («There isno alternative») au libéralisme économique.

Ces jours-ci, ce slogan pourrait être repris par les pays européens, qui ont entrepris de se serrer la ceinture pour surmonter la crise de la dette souveraine.

Mais plus on entend cet adage, plus les problèmes semblent insurmontables.

Une forte baisse des dépenses publiques pour accroître le PIB? (cliquez sur le lien)

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  Qu’on l’appelle «TINA», ou «consensus de Washington», l’austérité a toujours été considérée comme une vertu que les investisseurs et le marché n’hésitent pas à récompenser.

 Dans ce cas, pourquoi les dernières mesures d’économies annoncées par l’Espagne ont-elles provoqué non seulement une baisse de sa notation de crédit par Fitch, mais aussi un nouvel accès de faiblesse de l’euro?

La réponse vient du seul endroit au monde où le consensus de Washington ne s’applique pas: Washington, DC.

 Au cours de la semaine qui a vu l’Allemagne annoncer des mesures d’austérité et la France envisager d’inscrire un plafond de déficit public dans sa Constitution, Larry Summers, conseiller économique en chef du président Obama, a envisagé de nouvelles mesures de relance budgétaire aux Etats-Unis.

Un de ses arguments fait figure d’hérésie ( NDLR : On parlera ici bien sur d’hérésie keynésienne)par rapport à la surenchère d’économies en Europe. «Il est impossible d’envisager des budgets à l’équilibre en l’absence de croissance économique et de performance économique solide.»

Les acteurs du marché sont actuellement du même avis. En essayant d’économiserdavantage, les gouvernements européens, confrontés à une croissance très faible, risquentde manquer le train de la reprise.

Pour couronner le tout, la hausse du chômage et la baisse des recettes fiscales pourraient creuser leurs déficits. Malgré lesefforts herculéens déployés par la Grèce, par exemple, le FMI prévoit que son ratiodette publique/PIB passe de 115% en 2009 à 150% en 2012.

En fait, la Grèce et d’autres pays de la zone euro pourraient rééditer malgré eux le paradoxe japonais: en dépit d’un ratio dette/PIB inavouable de presque 200%, le Japon est loin d’avoir été le pays le plus laxiste du G7 en terme de croissance de la dette au cours des vingt dernières années.Le bonnet d’âne revient au Royaume- Uni.

 Entre 1989 et 2008, le ratio d’endettement du Japon est passé d’environ 68% à plus de 170%. Parallèlement, le Royaume-Uni a réussi à maintenir son ratio à 60% jusqu’en 2008 (malgré une hausse rapide) bien que sa dette publique ait augmenté de plus de 8% par an en moyenne pendant cette période.

Qu’est-ce qui explique cette anomalie?

C’est la différence entre leurs taux de croissance nominaux: 5,5% en moyenne pour le Royaume-Uni et seulement 1,2% pour le Japon. Ce paradoxe japonais, qui s’apparente au célèbre «paradoxe de l’épargne» cher à John Maynard Keynes – en période de récession, tout le monde cherche à épargner et la baisse de revenus qui s’ensuit provoque une baisse de l’épargne – explique que les marchés préfèrent actuellement les perspectives de croissance plus encourageantes des Etats-Unis que la cure d’austérité que l’Europe s’est imposée.

Un autre paradoxe prédomine aujourd’hui: les efforts déployés par la Banque Centrale Européenne pour réaffirmer sa fonction de lutte contre l’inflation pourraient se retourner contre elle et affaiblir l’euro qu’elle souhaite pourtant renforcer.

TINA et le consensus de Washington favorisent un monétarisme ultraconservateur, c’est-à-dire une masse monétaire équilibrée visant à stabiliser les prix. Mais les Etats-Unis et le Royaume- Uni qui devraient en ètre les plus ardents défenseurs font tourner leurs planches à billet jour et nuit afin de revigorer leurs économies chancelantes.

A notre avis, c’est précisément pour cette raison que les marchés les récompensent par une appréciation de leurs monnaies face à l’euro, qui souffre de perspectives de croissance limitées. Si on accueille TINA à bras ouverts sur les marchés quand tout va bien, on lui ferme en revanche la porte au nez en période difficile.

ANDREAS HÖFERT Economiste en chef, UBS juin10

BILLET PRECEDENT : L’Espagne à nouveau face à la fatalité de l’Age d’or par Andreas Höfert (cliquez sur le lien)

 
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