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L’avenir incertain du covoiturage en Chine

L’avenir incertain du covoiturage en Chine

Le rêve des citadins de posséder une télévision ou un frigidaire a fait place à celui de s’asseoir derrière un volant, quitte à faire du surplace

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Alors qu’en Europe on tend à troquer la voiture pour la bicyclette, en Chine c’est l’inverse qui se produit. Les pistes cyclables sont en voie de disparition et certaines rues qui, par le passé, étaient aux vélos leur sont désormais interdites.

En effet, la voiture asphyxie les villes chinoises. En 2009, Beijing comptait plus de 4 millions de voitures, enregistrant une croissance annuelle supérieure à 10%. La construction de plusieurs lignes de métro n’est pas parvenue à répondre à la demande de mobilité des citadins, ni au défi logistique que pose la classe moyenne émergente établie dans les zones périurbaines. Aux heures de pointe, les axes principaux de la capitale sont tellement congestionnés que le gouvernement municipal a introduit un système d’alternance basé sur les plaques minéralogiques. Les problèmes ne se limitent pas non plus à la circulation. Le stationnement fait également souci. Par endroits, on expérimente une optimisation de l’espace en mettant à disposition (pour une somme modeste) des places de parc privées durant la journée.

On aurait pu penser qu’un réseau routier de 25 000 kilomètres, l’achèvement d’un 6e périphérique encerclant la capitale et le développement des transports publics permettraient de fluidifier le trafic. Toutefois, à l’heure actuelle, les transports publics ne recueillent plus que la moitié des investissements, l’autre moitié étant désormais attribuée aux autoroutes. A défaut de résoudre le problème de paralysie des villes, le vaste réseau autoroutier qui quadrille maintenant le pays offrira peut-être une planche de salut au développement du marché automobile chinois.

Faute de pouvoir s’offrir une voiture, certains s’essayent à une forme intermédiaire du rêve automobile. Dans plusieurs villes, la mode est en effet au covoiturage. Certes, avec près de 80% des véhicules circulant à Beijing sans passager, on est encore loin d’un phénomène de masse. Mais l’attitude à l’égard du partage de l’habitacle semble positive. Selon un récent sondage, seuls 15% des propriétaires excluent l’idée d’embarquer un passager. De plus, la quasi-totalité des répondants trouve normal de payer pour le covoiturage, comme quoi le système communiste a fait son temps.

Un groupe de chercheurs a déjà segmenté les adeptes du covoiturage: les pratiques, les sociaux, les environnementalistes, les «trendy» et les samaritains. Le profil démographique des adeptes du covoiturage révèle quelques surprises. Les conducteurs sont à 85% des hommes alors que les passagers sont pour 79% des femmes. A croire que le covoiturage est un moyen de faire des rencontres! En outre, la majorité appartient à la classe d’âge des 19-25 ans ou à celle des plus de 60 ans, ce qui laisse à penser que les éco-réalistes sont soit des nouveaux ou des anciens conducteurs.

Internet joue un rôle central dans le succès du covoiturage. Créé en 2002, chexing.net est à ce jour le plus grand site à proposer une plateforme où offre et demande de covoiturage se rencontrent. La démarche est relativement simple: une fois le contact établi au travers du site web, s’ensuit soit un coup de téléphone soit un face-à-face. Il n’y a généralement pas de contrat passé entre conducteur et passager, juste un accord sur le montant du parcours. Celui-ci oscille le plus souvent entre le prix d’un billet de métro et celui d’une course en taxi. Certains utilisateurs ont développé des algorithmes plus complexes, par exemple en faisant varier les prix entre un tiers du prix du taxi et trois fois le prix du bus. Selon certaines estimations, les 4 millions d’utilisateurs que compte le site organisent entre 10 000 et 20 000 trajets quotidiens dans les grandes villes.

Deux ombres viennent obscurcir le tableau. Premièrement, les aspects légaux du covoiturage restent plus qu’abstraits pour tout le monde. Les assurances ne couvrent en effet souvent que le conducteur, et la majorité d’entre eux avoue ignorer les conséquences légales d’un accident. La municipalité de Beijing a du reste failli donner le coup de grâce aux velléités de conduite éco-responsable. En 2009, une directive a imposé des amendes pouvant aller jusqu’à 15 000 dollars. Un terme a été trouvé pour qualifier les voitures partagées: «heiche», littéralement voiture noire,une allusion colorée au monde clandestin. Certaines municipalités, plus conscientes de la nécessité d’atténuer les problèmes de mobilité, ont pris les devants. Ainsi, en 2009, Shanghai a publié une directive définissant le covoiturage: pour être considéré comme tel, le passager doit toujours être le même. La ville de Hangzhou, quant à elle, a donné le feu
vert au covoiturage à condition qu’il n’y ait pas de transactions financières! Le résultat: un échec total. Wuhan et Chongqing ont placé leurs espoirs dans des programmes communautaires. A Wuhan, les habitants d’un quartier ont pris les choses en main en s’organisant entre voisins. Ils font d’une pierre deux coups. En se restreignant à une petite communauté connue, ils limitent les risques de criminalité. De plus, l’effet de service rendu entre voisins résout la problématique du paiement.

Deuxièmement, et plus embêtant pour l’avenir du covoiturage, les utilisateurs actuels avouent ne pas vouloir partager leur voiture lorsqu’ils en posséderont une. Le covoiturage sera-t-il un phénomène «passager», peinant à juguler l’explosion du trafic privé? Probablement. Mais les citoyens et les municipalités n’hésitent pas à faire preuve de créativité afin de pallier le déficit de mobilité. Avec le soutien de Forever, leader mondial des fabricants de vélos, le parc technologique de Zhangjiang à Shanghai vient de lancer sa propre version du Vélib. La boucle est bouclée!

Par Marc Laperrouza / le temps  aout10

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