Art de la guerre monétaire et économique

Géopoli-trique – Assassinat de Soleimani : une raison pour destituer Trump ? Par André Archimbaud

Assassinat de Soleimani : une raison pour destituer Trump ?

« Avoir trop de chefs ne vaut rien : qu’un seul soit chef, qu’un seul soit roi […]. » — Homère, Iliade

Soleimani était l’homme fort de l’Iran, équivalent local d’un hybride entre vice-président et secrétaire d’État des États-Unis. Selon le Premier ministre irakien, il venait d’arriver à Bagdad pour conduire « des négociations » avec ce dernier. L’artisan géostratégique du « croissant chiite » qui relie l’Iran chiite à la Syrie alaouite (chiite) via l’Irak (chiite) – véritable moteur d’un espace pan-chiite intégrant le Liban, le Bahreïn, l’Azerbaïdjan et certaines parties de la Turquie et du Pakistan – est mort et les « négociations » évoquées par le Premier ministre irakien, n’auront pas lieu.

Alain Juillet, ex-directeur de la DGSE, l’avait dit, les troubles en Syrie ont commencé quelques semaines après la signature de l’accord irano-syrien de 2011 portant sur la création d’un port méthanier à côté de la base russe syrienne de Tartous, aboutissement d’un pipeline à construire entre le plus grand gisement gazier du monde, le gisement iranien de South Pars, et la Syrie, via… l’Irak. Stratégie du croissant chiite oblige, récemment renforcée par la découverte de nouveaux gisements pétroliers iraniens qui augmenteraient ses capacités d’un tiers.

Dès son arrivée au pouvoir, Trump a été confronté par le lobby néoconservateur (qui a absorbé l’establishment des deux partis), lequel, on commence à en avoir les preuves maintenant, l’a neutralisé en le maintenant sous la pression d’un coup d’État « à petit feu » sous couvert d’enquêtes. Résultat : Trump s’est entouré d’équipes bellicistes qui voient deux Carthage à détruire : la russe et l’iranienne. Cependant que la Chine, implacable dans sa détermination à devenir l’empire du XXIe siècle, a su financer larga manu les think tanks, lobbies, et business associés à la classe dirigeante américaine.

Sur la Carthage russe, Trump a traîné des pieds. Mais il a suivi la ligne Netanyahou sur l’iranienne, se retirant de l’accord sur le nucléaire, puis en écrasant de sanctions le pays (et ses alliés commerciaux). Au cours de l’été 2019, à la suite de provocations (de qui ?), il avait ainsi « décidé » le bombardement d’installations sur le territoire iranien, qu’il annula in extremis à la suite d’une conversation avec un journaliste conservateur-isolationniste, Tucker Carlson.

Enragé, son entourage s’est révolté pendant l’été : une procédure d’impeachment (officiellement au sujet de l’Ukraine) a été lancée par des éléments de la communauté du renseignement qui ont modifié les règles sur les lanceurs d’alerte afin de faciliter le traitement d’une plainte de seconde main (donc impossible à tracer) rédigée au préalable avec le concours du président de l’Intelligence Committee de la Chambre, organe désigné opportunément, ensuite, pour lancer la procédure d’impeachment. Car Trump, en limogeant le faucon John Bolton, venait de provoquer l’hydre néoconservatrice qui le rembourse aujourd’hui au centuple par une procédure d’impeachment aux parfums gaziers.

Ce qui gêne le « coup » en cours à Washington, version ukrainienne. L’on découvre, en effet, maintenant, que l’avocat du « lanceur d’alerte », Mark S. Zaid, proclamait dès janvier 2017 sur Twitter le lancement d’un « coup », précisément, décrivant la formule : rébellion, impeachment, appui des journalistes. Il précisait, par exemple, en juillet 2017 : « On va se débarrasser de lui, le pays est suffisamment fort pour lui survivre ainsi qu’à ses supporters. ». Puis : « CNN va jouer un rôle déterminant dans l’interruption du mandat de Trump. » Parfois, la vérité sort de la bouche des avocats.

Trump, par lâcheté, tactique, duplicité, ou incompétence, n’a pas su échapper à l’hydre, qui aujourd’hui lui impose d’échanger sa survie politique au Sénat, tribunal de l’impeachment en cours et fief des néoconservateurs, en échange de bombardements (Proche Orient) et sanctions (Europe) préalables aux changements de régimes voulus par la super-classe pour l’année 2020.

L’assassinat de Soleimani, vénéré dans le « croissant », semble maintenant renforcer la cohésion de l’Iran et de l’Irak, pourtant récemment déstabilisés par un printemps bis, et le Parlement irakien vient de voter une résolution visant à faire partir les troupes américaines du pays. Trump a procédé à un acte de guerre, sans l’autorisation du Congrès. Que ce soit pour sauver sa peau ou par absence de mesure des conséquences de son acte, il a trahi son serment de janvier 2017. Si les démocrates voulaient vraiment le destituer, ils auraient ici un vrai chef d’inculpation à présenter au Sénat. Mais le feront-ils ? Bien sûr que non.

Reste que Trump a un triple problème : la force de l’État profond dont la coagulation s’intensifie en une classe sociale parasitaire et ubiquitaire qui se voit comme l’aristocratie du gouvernement mondial ; la résistance, ensuite, de la classe des serviteurs de l’aristocratie, qui vivent dans les banlieues résidentielles et vivent du gouvernement mondial tel le rémora survit grâce au requin ; et, enfin, les républicains, ses alliés ou non, dont le code génétique n’est pas révolutionnaire, ni même contre-révolutionnaire. Il est donc seul.

https://www.bvoltaire.fr/assassinat-de-soleimani-une-raison-pour-destituer-trump/

« La menace principale, aujourd’hui, quelle est-elle ? Elle est la disparition progressive de la diversité du monde. » — Alain de Benoist, Vu de droite (1977)

EN BANDE SON :

5 réponses »

  1. Si il y a bien un moment où on ne peut pas discuter d’une news, c’est bien le moment de l’escalade Guerrier.

    • C’est pourquoi en période de guerres et paix perpétuelles la diplomatie de la canonnière empêche toute discussion qui pourraient à donner aux belligérants à réfléchir sur le bien fondé de leurs actions…

  2. L’Attrait stratégique du Pétrole iranien et du Gazoduc qui devait initialement passer par la Syrie (regarder la carte de l’iran sur Google Maps…) pèseront aux yeux des marionnettistes US, plus forts dans la balance que la valeur d’un TRUMP Nationaliste US pur jus.
    Néanmoins il ne faut pas sous-estimer TRUMP qui est habile et, n’en déplaise à certains, intelligent mais ceci dans la limite du « rentable »…
    il peut avoir d’autres cartes en réserve dans sa manche…

    Et en regardant la carte géographique de la région, il pourrait être vraisemblable pour établir le Terminal du Gazoduc, de substituer à la Syrie, un parcours stratégique du Gazoduc qui arriverait à son terminal situé sur la Méditerranée via la Turquie…
    Que se passera t il politiquement en Turquie préalablement …???

    Quand à la « Fusion », pour ne pas dire « L’Anschluss » de L’irak absorbé par l’iran, il n’est pas possible de croire un seul instant qu’israel verra d’un oeil apaisé les Mollahs de Téhéran s’installer tranquillement à 250 km de son territoire, c’est inconcevable….
    D’où l’intérêt de Tel-Aviv pour une guerre (fusse t elle « Éclair ») contre l’iran afin de réduire ce pays à une situation exsangue et non plus dangereuse pour israel…Ce qui conduit à la forte probabilité d’une attaque contre l’iran de la part du Tandem habituel (USA + ISRAËL), et il n’est mème pas sur que le pétard mouillé qui sert de missile nucléaire gadget à l’iran, y ai la moindre importance….

    • Très étrangement si les sites archéologiques témoins d’une mémoire pas si lointaine sont régulièrement menacés et saccagés, les gazoducs et autres oléoducs restent des valeurs sures pour nos pseudos belligérants et bénéficient eux d’une protection rapprochée! Blackwater et autre milice Wagner veillent !

  3. Ce que met en lumière de façon fort habile Archimbaud dans ce très intéressant article c’est que le US continuent de pratiquer ce qu’il convient d’appeler l’isolationnisme subversif : ils produisent la réalité du monde, ils donnent le la et la valeur de toutes choses et se soucient comme d’une guigne de la conséquence pour les autres de leurs actes, sentiment d’invincibilité et d’impunité obligent. Les Mondialistes (la gauche fabienne) gèrent la politique intérieure américaine et décident de l’orientation à donner à l’ingénierie sociale tandis que les néoconservateurs font la pluie et le beau temps sur le plan diplomatique. Les rôles sont immuables et cela dure depuis maintenant 60 ans. Un seul mot d’ordre pour tout ce joli monde : préserver l’intérêt du pays et protéger la virginité du sol américain.

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