Mondialisation

Fin de Mondialisation? : Le commerce mondial amorce une mue radicale

Fin de Mondialisation? : Le commerce mondial amorce une mue radicale

La crise a entraîné un coup d’arrêt durable à la croissance des échanges. Les économies créent de plus en plus d’emplois dans le secteur des services, au détriment de l’industrie

Après trente années d’expansion sans précédent, le commerce mondial a subi un sérieux coup de frein depuis 2008. A tel point que les échanges ont stagné au premier semestre de cette année. Selon la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface), qui a publié mardi une étude sur ce thème, la croissance du commerce international ne retrouvera pas son niveau d’avant crise (plus de 8% par an en moyenne entre 2002 et 2008). Du moins pas à court et à moyen terme. S’agit-il d’un phénomène cyclique ou doit-on s’attendre à un changement durable et structurel? Coface estime que le commerce mondial est en proie à un bouleversement radical: la tertiarisation accélérée des économies. Cette conversion d’emplois dans les services au détriment de l’industrie devrait se traduire par des fluctuations moins marquées de l’état de santé des échanges internationaux, soit une progression plus modeste, mais en même temps accompagnée d’une volatilité moins importante.

Les exportations mondiales sont aujourd’hui dix fois plus élevées qu’en 1980. Même au cours de la décennie passée, marquée par la crise de 2008-2009, elles ont été multipliées par 2,5. Dans ce contexte, Coface table sur une reprise timide de la croissance mondiale en 2015, de l’ordre de 3,2%, contre 4,5% sept ans plus tôt. Elle anticipe une progression de 2,8% cette année. A titre de comparaison, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) – confrontée à la plus grave crise de son histoire, selon les propos tenus samedi au sommet de l’Apec par son directeur général Roberto Azevêdo – a revu ses perspectives à la baisse (+3,1% en 2014 et +4% l’année suivante), soit la quatrième année au-dessous de sa ligne historique (environ +5,3%).

D’après Coface et l’OMC, le caractère laborieux du redémarrage post-crise est en premier lieu lié à la baisse durable de la croissance mondiale. Il répond aussi à la décélération structurelle et conjoncturelle des grands pays émergents, dont le boom des exportations (multipliées par six en vingt ans, contre 2,2 pour les économies avancées) conditionne largement l’essor des échanges à l’échelle planétaire. Phénomènes auxquels s’ajoutent deux autres éléments cumulatifs hautement perturbateurs: le recul de la demande de matières premières et la montée du protectionnisme. Les pays émergents dont les exportations ont le vent en poupe cette année (Pologne, Roumanie, Inde, Philippines, etc.) écoulent aujourd’hui principalement des biens manufacturés et non pas du pétrole, du minerai ou des céréales. Alors que l’Argentine, la Russie ou l’Inde ont dressé plus de 250 barrières au libre-échange entre 2008 et 2014, soit près de deux fois plus que les Etats-Unis, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Italie.

Le commerce mondial traverse-t-il une fatigue passagère? se demandent les économistes de Coface. L’internationalisation des processus productifs (chaînes de valeur mondiales, soit plus de 60% de tous les biens et 70% de tous les services échangés sur la planète, selon l’OMC) depuis le début des années 2000 a accentué les effets de la crise.

C’est par ce canal – exportation et importation de produits intermédiaires – que le marasme économique s’est propagé. Le commerce des biens et des services importés et transformés dans le pays, pour être ensuite réexportés ailleurs a chuté de 25% en 2009, selon Coface. Le commerce intrarégional, pour l’heure largement limité (11% des échanges en Afrique, 20% en Amérique latine et 15% pour la CEI) à l’exception du continent asiatique, n’a pas su compenser cette perte. Et ce, malgré la prolifération de tels accords préférentiels.

Toutefois, ces mêmes chaînes de valeur mondiales semblent faire preuve de résilience face à la crise, nuance Coface. L’intégration progressive des pays émergents en leur sein laisse entrevoir d’importantes marges de progression. Exemple: l’Afrique et la montée de la classe moyenne en Asie. Cette dernière devrait favoriser l’implantation d’entreprises asiatiques – dont les coûts de production sont principalement liés aux coûts de la main-d’œuvre – sur le continent africain.

PAR DEJAN NIKOLIC Le Temps 10/11/14

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/523ea64e-684a-11e4-8073-f0fefc2ac70d%7C0

2 réponses »

Laisser un commentaire