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Matières Premières : L’abondance de matières premières nuit au revenu

Matières Premières : L’abondance de matières premières nuit au revenu par Emmanuel Garessus

Les pays riches en ressources naturelles semblent victimes d’une «malédiction». Le revenu par habitant y est généralement inférieur. Les études à ce sujet se sont jusqu’ici concentrées sur la dépendance envers les ressources (part des exportations). Des chercheurs changent d’approche et analyse l’abondance en ressources (mesure du stock de ressources).

La «malédiction des ressources» revisitée (cliquez sur le lien)

PLUS/MOINS DE MALEDICTION EN SUIVANT :

Le Congo, le Nigeria, le Venezuela, la Sierra Leone sont victimes de la «malédiction des ressources naturelles». Leur revenu par habitant est bien inférieur à celui des «Tigres asiatiques», selon Arezki et van der Ploeg (1). Il y a toutefois des exceptions comme la Norvège et le Botswana. Mais la recherche économique a montré que la dépendance à l’égard des matières premières se traduisait par une moins bonne performance d’un pays.

Cette malédiction se transforme toutefois en bénédiction lorsque les institutions (système juridique) sont de bonne qualité. Toutefois les études empiriques à ce sujet souffrent de sérieuses limitations. Les études de croissance prennent en compte notamment des périodes différentes qui dépendent du niveau des prix initial des matières premières. Un deuxième défaut tient à l’observation des exportations du pays. Or il s’agit d’une mesure de dépendance aux matières premières et non pas d’abondance. Et elle dépend aussi du choix de la période.

Comme la dépendance aux matières premières est associée à la diversification du tissu industriel, plus elle est élevée et plus la performance économique est médiocre. Cet effet porte même un nom, celui de maladie hollandaise, par laquelle l’exportation de matières premières provoque une hausse du taux de change et un déclin du secteur manufacturier.

La littérature économique s’est également penchée sur les éléments politiques de cette malédiction. Le gouvernement est naturellement très impliqué dans l’environnement du secteur des matières premières, de la taxation à l’octroi de brevets. Mais il est difficile de démontrer que les ressources naturelles sont la cause ou la conséquence de la médiocrité des institutions.

Des chercheurs (1) innovent complètement en partant de l’abondance de matières premières (capital naturel) et non plus de la dépendance, afin d’expliquer les différences de revenu par habitant (plutôt que de croissance du PIB).

Les deux chercheurs montrent, à l’aide d’un modèle économétrique, que l’abondance de matières premières exerce un impact négatif sur le revenu par habitant. Cette malédiction est plus sévère dans les pays peu ouverts au commerce international. Le degré d’ouverture se mesure ici en années durant lesquelles un pays est classé ouvert (ouverture «de jure») et non pas en fonction de la part des exportations et importations au PIB (ouverture «de facto»)

Les politiques protectionnistes conduisent à des stratégies de substitution des importations. Dans ce cas, les entreprises ont moins d’incitation à accroître leur productivité. L’impact est encore plus négatif dans les pays qui souffrent de piètres institutions.

L’étape suivante pour la recherche économique devrait consister à analyser l’effet de la volatilité des prix des matières premières sur les taux de change et la croissance économique.

(1) Do natural resources depress income per capita? Rabah Arezki, Frederick van der Ploeg, CESifo Working Paper 3056, may 2010

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